L’œuvre de Gregory Crewdson est inspirée par le peintre Edward Hopper et par l’écrivain Stephen King. Il admire Cindy Sherman et Jeff Wall pour la photographie, ainsi que toute la tradition documentaire américaine. Pour lui, la différence de la photographie et des autres formes narratives, c’est qu’elle reste toujours silencieuse. Il n’y a ni avant ni après et les évènements qu’elle capture demeurent toujours un mystère. En effet, tout l’œuvre du photographe Gregory Crewdson rime avec deux f : fascinante et fantastique.
Son univers évoque à la fois le cinéma fantastique, passant d’Hitchcock à Lynch ou encore Spielberg (sa série « Dreamhouse » évoque fortement le film Rencontres du troisième type), et les séries télévisées américaines pour adolescents. Tout comme les moyens de production cinématographique, les budgets des projets du photographe sont énormes. Les mises en scènes sont faites en studio par une armée de décorateurs, de stylistes et d’éclairagistes : intérieurs comme extérieurs sont entièrement artificiellement reconstitués. L’artiste fait appel aux effets spéciaux et pour couronner le tout, ses protagonistes sont joués par des acteurs. Ainsi ses photographies ressemblent à des images haute définition tirées des somptueux films d’Hollywood. La composition est soigné à l’extrême (ses objets de prédilections sont le miroir et les cadres), l’ambiance est dense, et les images sont retirés d’un contexte possible, que le spectateur ne peut que tenter de reconstituer grâce à l’interprétation libre.
Ses photos baignent dans une atmosphère nocturne et atemporelle. A travers la mise en scène, Crewdson joue sur la tension entre un environnement familier et une nature surréelle. Ses protagonistes, personnages fantomatiques au teint blafard, portent un regard absent. Ils semblent être prisonniers de leur état, d’un évènement ; ils sont figés dans des actions étranges, comme confrontés à une force étrangère. Ces humains semblent tous être dans la contemplation, dans le constat et, incapables de bouger : ils sont plongés dans l’inaction.
Crewdson dresse ici un large éventail de situations psychologiques familiales aux frontières de la psychose. Il s’intéresse tout particulièrement à la classe moyenne des suburbs américains qui deviennent le révélateur de désirs inavoués ou d’angoisses. Les scènes sont plongées dans une inquiétante atmosphère onirique et semblent être alimentées par les spectres de l’inconscient collectif américain. Ses photographies illustrent une certaine déchéance de l’Oncle Sam. Elles révèlent la face cachée d’un rêve américain qui risque de tourner en cauchemar. Les photographies de Crewdson sont dotées d’une valeur symbolique et métaphorique où le vide et la profonde solitude s’emparent des héros et où chaque photo représente une descente dans l’abîme de l’esprit humain.