SOCIÉTÉ

Tuerie de Toulouse : un traumatisme pour le pays et la ville

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Le 16 mars 2012, la France entière est secouée par un acte terroriste antisémite. L’horreur réside dans la cible choisie, des enfants de moins de 10 ans ainsi qu’un parent. Habitant Toulouse même, je trouve nécessaire de revenir sur le choc que l’on a éprouvé, de manière parfois personnelle.

Tout cela a commencé par des meurtres sur des militaires, un à Toulouse puis deux à la base de Montauban. Le retentissement médiatique n’avait pas été très important, et dans la région, à Toulouse, on ne s’en sentait pas concerné. Certains n’en avaient même pas entendu parler. Trois militaires de la région avait pourtant été tués par balles, et la région aurait certainement dû davantage réagir

Le lundi 16 mars était donc un lundi matin comme les autres. Jusqu’à ce que très rapidement, la nouvelle se répande. Dans la classe où j’étais, ayant une pause de plusieurs heures à 9h30, beaucoup d’élèves souhaitaient sortir de l’établissement, et ce fut donc avec une certaine frustration que l’on apprit d’abord l’évènement “on ne peut pas sortir, ils ont confiné le lycée, apparemment il y aurait eu des fusillades à un collège”. Des fusillades. On ne percevait pas encore l’horreur, on n’imaginait pas des morts, on n’était tellement pas habitué à ce genre d’évènements en France. Comme si on ne comprenait pas vraiment ce que signifiaient ces mots. Et puis certains ont commencé à regarder les actus flash de leurs smartphones. Trois personnes avaient été tuées (on n’apprit la dernière victime que plus tard), dont deux enfants, dans un collège-lycée juif de Toulouse, Ho. Petit à petit, nous percevions ce qui venait de se produire. Si la France entière étaient ébranlée, à Toulouse, cela avait eu lieu dans notre propre ville. Dans un quartier, une rue que nous connaissions, sur des personnes que, qui sait, nous avions peut-être un jour croisées. Cela est dur de réaliser que dans la ville où l’on habite, un homme ait osé tirer de sang-froid sur des petits enfants se rendant à l’école.

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Le caractère antisémite évident est aussi traumatisant. Après les drames du XX° siècle, il est dur de concevoir que la mentalité puisse encore demeurer chez un être humain si haineuse pour des questions d’origine, de culture et de religion. Pour en plus viser des enfants, la haine que cet individu – que l’on appelle alors l’homme au scooter – a pu ressentir est tout simplement inconcevable. Et pourtant elle existe bien, dans un rayon de quelques kilomètres. La proximité nous touche alors beaucoup. Nos inquiétudes que l’on avait à ce moment là (les cours, le bac blanc, les séries tv, les profs, le fric) paraissent futiles quand un massacre a eu lieu si près, mettant fin à la vie de quatre personnes et anéantissant celles de leurs proches, comme une mère qui aura perdu  ses deux enfants et son mari.

Dans un lycée, les choses ont tendance à être toujours amplifiées et modifiées, et la journée est rythmée de rumeurs sur cet homme, dont bien peu sont véridiques. Ainsi, une paranoïa, bien qu’en partie justifiable car l’individu n’avait pas été arrêté,  s’installe et touche tout le monde. Les lycées sont fermement surveillés, avec une règle répétée “ne restez surtout pas en groupe dehors”. Aucun adulte ne sait vraiment comment réagir, et ce que l’on devrait faire, car un tel acte terroriste n’a jamais vraiment touché le territoire français. Tout le monde a peur de sortir, et ne sait à qui le meurtrier s’attaquerait après trois militaires et quatre personnes de religion juive.

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Au fil des heures, les hommes et femmes politiques expriment leurs sentiments face à ce massacre. La bataille de la campagne se calme en apparence, et tous, de gauche comme de droite, communiquent leur effroi, laissent de côté leurs différents, et semblent réellement touchés. Plus tard dans la journée, des critiques se feront néanmoins entendre : de François Hollande se rendant à Toulouse où seul Nicolas Sarkozy aurait, selon certains, sa place, ou de François Bayrou n’annulant pas son meeting. De telles remarques sont à mon avis déplacées quand le pays est dans une telle situation.

Le lendemain, une minute de silence est bien respectée dans les établissements de la ville (mais aussi dans toute la France), moment pour les habitants de se recueillir face à l’horreur, de même que la marche silencieuse qui suivra, alors que la paranoïa demeure aussi importante et qu’un plan vigipirate “écarlate” fait le maximum pour protéger la région, les lieux religieux en particulier. Sur la place du Capitole, les drapeaux sont mis en berne en signe de deuil.

Cette paranoïa prit fin lorsque le coupable, Mohamed Merah, fut découvert dans la nuit de mercredi à jeudi. La question qui résonna alors était de savoir ce qui avait poussé un homme à un tel acte. Mohamed Merah était un jeune homme de 24 ans ayant déjà eu des démêlées avec la justice (dont de la prison) suite à des actes de délinquances, avant de tomber récemment dans un islamisme extrême, et d’avoir un possible lien avec Al-Qaïda. Il avait précédemment tenté d’intégrer l’armée française, mais suite à cet échec, ce fut au contraire contre cette armée que naquit une haine, étant fortement opposé à leur intervention en Afghanistan… Ce qui est sans doute à retenir est que l’environnement dans lequel a vécu Mohamed Merah a dû fortement le pousser à la folie. Il a passé une enfance dans un quartier difficile, a vu son père partir en prison pour trafic de drogue, et de tels éléments ont dû favoriser sa délinquance de plus en plus grave. Après que l’armée lui ait fermé les portes, qu’il perde son emploi, il n’a pu se tourner que vers l’extrémisme religieux, où la folie a commencé à monter en lui jusqu’à ce qu’il commette des actes atroces. Ces actes ne seront jamais excusables, mais quand on étudie le passé de cet homme, on comprend qu’une société plus juste aurait pu empêcher une telle folie et donc un tel massacre.

Cet évènement bouleversant, alimenté (avec excès) pendant une semaine par les médias, a ébranlé les français et a mis en évidence que le terrorisme n’était pas seulement “chez les autres pays”. A Toulouse, les gens n’oublieront pas cette journée d’horreur et de peur qui a brutalement secoué la ville.

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Toulousain curieux, accro aux bouquins, à la musique, à la sauce piquante des pizzas.

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