MUSIQUE

Enfer ou Paradis ?



Leur nom se lit sur toutes les lèvres depuis des mois pour diverses raisons. Avec trente ans de carrière à son compteur, Nicola Sirkis, leader du groupe Indochine peut être fier de son combat contre ceux qui ne voulaient plus y croire. Le groupe fête cette année les dix ans de Paradize, qui avait signé leur retour sur les devants de la scène française par une réédition remastérisée à l’occasion et intitulée Paradize +10,  disponible depuis le 13 Février. Indochine montre à tous qu’il est encore possible de s’imposer grâce à un public qui ne l’a jamais quitté comme on a pu l’entendre de parts et d’autres dans les médias. Toute occasion étant bonne à prendre, le groupe est remonté sur les planches pour deux concerts exceptionnels au Zénith de Paris les 1 et 2 Février dernier afin de célébrer avec le public cette sortie ainsi que la formation qui est restée quasiment inchangée depuis dix ans.

Nicola Sirkis face à son public.

Un jeu d’ombre, que l’on ne peut vraiment apprécier à sa juste valeur que des gradins, ouvre le set sur le morceau Paradize. En effet, le point de vue en fosse ne donne accès qu’à une part de ce qui se produit, et n’accroche pas autant que les introductions des concerts précédents. Cependant, cela n’empêche aucunement le public de réagir à la vue du groupe derrière ce rideau blanc que chacun attend de voir tomber avec impatience afin d’être à nouveau en contact avec le groupe qu’ils avaient quitté un an auparavant. Mégaphone en main, Nicola Sirkis parvient à soulever son armée qui résonne dans tout le Zénith. Le rideau tombe enfin, et c’est un déchaînement qui se fait ressentir en fosse. Une croix, symbole de l’album apparaît en arrière plan de scène. Elle restera seule, emblème de toute une génération. Emblème du groupe depuis maintenant dix ans et que tout fan est fier d’arborer sous diverses formes (peintures, banderoles, bijoux, tatouages…) afin de montrer son attachement au groupe. S’enchainent Like A Monster et ses confettis qui encouragent le public à se fondre un peu plus dans l’ambiance du concert, et Electrastar qui prend le relais. Alors qu’elle avait été majoritairement jouée en version acoustique sur la tournée précédente, c’est la version électrique qui prime ce soir comme pour sonner le rappel des années passées. Avec cette chanson écrite en hommage à son frère, l’émotion est palpable pour le chanteur, mais aussi pour certains membres du public qui ont su comprendre les paroles, et cette absence d’un être à leurs côtés. Les poings se lèvent, marquant la violence du texte. Dans la continuité, le groupe enchaîne Marilyn et Punker qui emportent un public déchaîné, et qui voit aussi les membres du groupe se détendre un peu, allant jusqu’aux rires de Boris à la guitare, et de Marc à la basse.
Une rupture se fait nettement ressentir avec Comateen I qui marque le début d’un set d’une toute autre envergure. Une toute autre atmosphère s’installe dans la salle, comme si chacun était prêt à écouter le message délivré par Nicola. Et tous finissent par joindre leurs voix à la sienne comme un seul homme, dégageant une émotion plus intense que jamais. Nicola présente le titre suivant avec une attention bien particulière. Certainement le plus usé sur les radios depuis ces dix dernières années, il est impossible de n’avoir jamais fredonné J’ai Demandé à La Lune. Le texte de Mickael Furnon (Mickey 3D) continue à rouler des mécaniques puisque le public le reprend toujours en chœur malgré une légère dissipation de certains qui se font d’ailleurs recadrer par le guitariste qui leur fait signe un sourire aux lèvres de se taire. Cependant, il s’agit tout de même de l’un des morceaux qu’ils aimeraient pouvoir éviter de temps à autre, ce qui, d’ailleurs, eut l’occasion d’être fait lors du Météor Club Tour en 2011. A nouveau Nicola s’arrête et parle de Melissa Auf Der Maur, grande absente de la soirée pour des raisons personnelles et parfaitement compréhensibles. Il annonce par la même occasion Le Grand Secret, sans même avoir à citer le titre du morceau en demandant à son public de le remplacer. Une bande son avec la voix de la chanteuse fit tout de même son apparition, comblant ainsi cette absence que le public, lui, a déjà su combler en reprenant toute la chanson d’une voix unie. A écouter les yeux clos afin de se laisser pénétrer par la musique, les paroles sortent du bout des lèvres si facilement que la chanson semble durer éternellement. Le groupe lui aussi vit l’instant présent et semble complètement prit dans cet ensemble qui mêle à la fois tant de violence et de douceur, comme s’ils étaient liés au morceau, qui prend une toute autre dimension et parvient à nous mener à des lieux de la salle. Et que dire du morceau suivant ? La voix du leader, déjà émouvante sur le titre précédent, semble s’amplifier avec Dark. Autour de lui, le jeu des musiciens qui l’entoure semble à son tour s’amplifier au fil de ses paroles que le public boit telle une prière dictée par le chanteur. A nouveau, la musique prend le dessus et parvient à nous faire oublier tout ce qui nous entoure l’espace d’un instant. Transcendé par le morceau, le groupe semble vivre quelque chose d’unique malgré les nombreuses répétitions de l’après-midi entendues de l’extérieur. Les deux morceaux proposent ainsi un instant d’émotion intensif et inoubliable. Un simple regard, un simple geste de l’un des membres du groupe permet de comprendre à quel point chaque morceau joué sur scène est vécu par chacun d’entre eux. A quel point la scène leur prodigue un tout autre moyen d’expression  et une énergie qu’ils ont su développer après tant de concerts. La Nuit Des Fées achève ce set plus intimiste tout en n’ayant de cesse de parcourir cette certaine violence lisible sur les visages.
Deux morceaux s’en suivent avant d’entamer le premier rappel. Le premier, Dunkerque, voit le groupe retrouver son entrain face au public qui reprend les codes des concerts donnés dix ans plus tôt, tandis que le second est plus connu pour les « boys » des plus sensuels de Boris. Le set semble alors annoncer une dimension plus électrique pour la suite.

Le premier rappel sonne avec l’un des titres bonus de Paradize, Le Doigt Sur Ton Etoile. Rarement joué en live, les fans se voient ravis d’entendre la chanson et le montrent par un engouement. S’en suit Popstitute dont le pont a légèrement été modifié pour l’occasion. Ce sont alors plusieurs morceaux de divers albums qui prennent le relais, à commencer par Kissing My Song. Comme à l’accoutumée, Nicola accompagne son texte par une certaine gestuelle sensuelle qui montre à quel point il vit les mots sortants de son être. Des ballons géants font leur entrée dans le public, ce qui amuse le groupe qui les reçoit sur scène et essaie de les éviter tout en les renvoyant dans la fosse. Rires et sourires sont échangés entre le groupe et son public donnant une atmosphère bon enfant à la chanson. Puis, Le Lac  remplace le tout nous replongeant dans l’ambiance du Météor Tour et d’un ensemble des plus élaborés, mais sans les écrans habituellement utilisés, ce qui donne une dimension live plus pure au morceau. Une fois de plus Nicola prend la parole, mais cette fois, dans un contexte bien particulier. En effet, c’est un nouveau morceau que le groupe nous présente sur scène ce soir avec pour nom de code Kill Nico. Au premier abord, la rythmique semble accrocheuse, mais rapidement, une impression de déjà vu se fait entendre nous laissant nous concentrer sur des paroles qui en disent long sur le chanteur et ses envies de prendre le large sans vouloir quitter la scène pour autant, et surtout, pour ne pas déplaire à ses fans.  Si l’on s’intéresse d’un peu plus près à ces paroles, on se rend compte de l’état de détresse qui se lit en elles et qui paraissent même beaucoup plus simples que celles écrites sur l’album précédent. En particulier avec “Comme un cowboy, je n’ai pas peur en éclaireur d’aller là-bas”, qui nous montre la simplicité des mots utilisés tout en donnant des indications qui sembleront incompréhensibles pour certains. Et comme l’a si bien dit le chanteur : “Si ça vous plait, tant mieux, si ça ne vous plait pas, tant pis”. La version définitive de la chanson se fait alors attendre pour savoir si nos opinions resteront les mêmes. Interviennent ensuite Alice & June et 3 Nuits Par Semaine, chansons durant lesquelles Nicola s’offre une virée dans les gradins du Zénith, au plus près de ses fans. Afin de clore le set, un deuxième titre bonus de l’album Paradize fait son apparition, Glory Hole. Un problème technique fait alors son apparition au niveau de Boris, l’handicapant pour la première partie du morceau. Cependant, une fois réglé, c’est avec un élan d’énergie que l’on a pu le retrouver dans son jeu scénique habituel. Une fois achevé, tous sortent, laissant Nicola seul sur scène afin d’interpréter le dernier morceau de l’album, Un Singe En Hiver en guitare/voix. L’émotion le gagne rapidement et c’est avec soin qu’il laisse son public prendre le relais, le rejoignant par la suite. La symbiose entre les deux semble établie et ne plus pouvoir être brisée. Les yeux clos, Nicola termine le morceau avant de sortir de scène avant le second rappel.

Le groupe remonte une dernière fois sur scène, offrant ainsi à ce second soir deux morceaux de plus que le soir précédent, et élevant le compteur de la setlist à 24 titres. Miss Paramount et Pink Water sont alors interprétés, liant pour un instant le groupe à son public, comme s’ils ne voulaient plus se quitter.

Une guitare cassée, des problèmes techniques, mais un set qui laisse présager que le groupe peut continuer à se retrouver sur scène malgré une certaine ambiance qui n’est plus au beau fixe, qu’elle soit au sein du groupe ou entre les fans. Après avoir recueilli plusieurs avis de personnes présentes lors des deux concerts, on constate une réelle opposition puisque certains ont une réelle envie de revoir le groupe au plus vite, enchantés par le concert ainsi que par le nouveau morceau, alors que d’autres ont été déçus et se remettent en question sur le futur du groupe ainsi que sur celui de l’album. Indochine continuera-t-il son ascension vers le paradis et à porter les foules, comme ils ont su le faire avec leur dernier album ?

Setlist :

Paradize
Like A Monster
Electrastar
Marilyn
Punker
Le Manoir
Comateen I
JDALL
Le Grand Secret
Dark
La Nuit Des Fées
Dunkerque
Mao Boy

Rappel :

Le Doigt Sur Ton Etoile
Popstitute
KMS
Le Lac
Kill Nico
Alice & June
3 Nuits Par Semaine
Glory Hole
Un Singe En Hiver

Rappel 2 :

Miss Paramount
Pink Water

Mordue de musique, littérature, cinéma et photographie. S'adonne à la musique et à l'écriture à ses heures perdues.

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