CINÉMA

Lost In Translation

Bob Harris, acteur sur le déclin, se rend à Tokyo pour tourner un spot publicitaire. Il touchera alors 2 millions de dollars tandis qu’il pourrait être sur les planches en Amérique. Du haut de son hôtel de luxe, il contemple la ville, mais ne voit rien. Il est ailleurs, détaché de tout, incapable de s’intégrer à la réalité qui l’entoure. Insomnies dû au décalage horaire ? Il se trouve que dans ce même établissement, Charlotte connait le même problème. C’est une jeune Américaine fraîchement diplômée en philosophie, qui accompagne son mari, photographe de mode. Se sentant délaissée par un mari overbooké, Charlotte cherche un peu d’attention. Les deux étrangers dépaysés vont alors s’abandonner l’un à l’autre, afin de tromper l’ennuie et leurs incertitudes respectives.

Le talent serait-il héréditaire ? Sofia Coppola l’a prouvé dès son premier film, Virgin Suicides. Une sensibilité à fleur de peau, un véritable regard de metteur en scène. Tandis que le second métrage a toujours été une sorte de cap pour les cinéastes, plus de pressions engendrées par le premier film, on tourne en général le second avec un budget plus conséquent. Sofia a pourtant décidé de se démarquer, – comme son cinéma d’ailleurs – , avec un budget relativement petit (4 millions de dollars). Ecrit et réalisé par ses soins et produit par le patriarche Francis Ford Coppola – a qui l’on doit Apocalypse Now et Le Parrain (I, II, III).

Son deuxième film elle fait plus que confirmer de beaux espoirs, elle nous livre un bijou d’un cinéma véritable, touchant de beauté. On se demande si elle n’a pas entrepris d’autres films entre Virgin Sucide et Lost in Translation tant la maîtrise de ce dernier est juste. Le film nous plonge dans un voyage d’un pays lointain dans tous les sens du terme où deux âmes égarées s’unissent. On en ressort avec un sourire inexplicable, comme si le temps s’était figé et que Tōkyō était devenue le théâtre de la plus estimable des amitiés.

Remportant de nombreux prix dont l’Oscar du meilleur scénario original en 2004 et le César du meilleur film étranger en 2005. Sofia Coppola filme avec grâce l’humour et la sensibilité de l’enfermement dans les grands hôtels de luxe pour Occidentaux, montrant ainsi le caractère artificiel et puéril des distractions de Tōkyō, mégalopole ultramoderne, et la difficulté de communiquer entre cultures orientales et occidentales. Le tout servit sur une bande originale délicieuse, entraînant le spectateur dans une atmosphère singulière, dont Air – à qui l’on doit déjà la BO de Virgin Sucide -. Certaines scènes, notamment celles où Charlotte erre dans Shibuya (soit au coeur du quartier le plus animé de Tōkyō) ont été tournées sur le vif, en caméra cachée (en haut du bâtiment Starbucks où l’équipe de tournage a simplement commandé un café). Ce film tourne autour de nombreux décalages : horaire, culturel, linguistique et générationnel.

Son titre, Lost In Translation, est une référence directe à une définition de la poésie du poète américain Robert Frost : « Poetry is what gets lost in translation »dont une des traductions possibles est : « La poésie est ce qui se perd dans une traduction ».

"Ethique est esthétique." Paul Vecchiali

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