CINÉMA

Detachment

Treize ans après American History X c’est avec une guitare aux mains que Tony Kaye est venu nous présenter son dernier petit bijou aux festivals américain de Deauville, généreux, il nous a joué et chanté une chanson aux refrains de : “I just don’t care”. Comme un avant goût de ce qui va suivre.

Detachment, c’est une immersion de trois semaines dans la vie de plusieurs professeurs, élèves et administrateurs d’une banlieue sensible de New York, le tout à travers le regard d’Henry Barthes. Un professeur remplaçant, qui a pour habitude de ne pas s’attacher à quiconque. Mais son passage dans ce lycée, et la présence de trois femmes le bouleversa à jamais. Ici, à travers un récit poignant Tony Kaye dénonce les failles du système éducatif américain, en terminant par une ouverture, le réalisateur nous dit qu’il faut donner la chance à chacun : une lueur d’espoir s’illumine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Henry a choisi de ne plus se laisser atteindre par les sentiments et de ne plus s’engager, pour devenir une sorte de professeur sans visage. On comprends au fur et à mesure du film, qu’Henry a perdu sa mère dans sa jeunesse et que depuis, il a forgé une espèce de carapace, en guise de protection. Il ne s’attache plus aux élèves -parfait pour un professeur remplaçant-, ni aux femmes d’ailleurs. Jusqu’au jour où il recueille une jeune prostituée de la rue et lui offre un foyer et de l’attention qu’elle n’a jamais eu, soudain il eu comme un déclic, Henry prend conscience, et devient un peu moins hermétiques aux émotions humaines qui nous différencient des robots. Chapeau bas pour la direction d’acteurs, menée d’une main de fer par Tony, les acteurs livrent des personnages époustouflants de vérités, poignants jusqu’à la dernière pellicule, surtout Adrien Brody, qui, par sa présence marquante, nous dévoile l’un de ses plus grands rôles, bouleversant, allant même jusqu’à user de micro-expressions !

Du côté de la réalisation, le film possède de très nombreux gros plans, afin de d’inscrire les différentes expressions du visages dans la mémoire du spectateur, le tout enjoué d’un aspect plus brute et directe. Une sorte de face à face : personnage-spectateur. Le film est rythmé par des animations à la craie sur tableau noir, des dessins enfantins à portées symboliques. On pourrait supposer que le film se découpe en deux parties, l’une racontant l’histoire sous forme de flash-back, l’autre filmant les confessions du protagoniste principale, à la manière du documentaire. Tony Kaye, également directeur de photographie, est au sommet de son art ; La photographie de Detachementest d’une grâce et d’une beauté qui coupera vos souffles. Dans les moyens tech

niques employés, beaucoup de travelling, notamment dans les couloirs, comme si on suivait les destins.  Le jeu de couleurs est très important dans le film, beaucoup de rouges à l’extérieur pour caractériser un environnement hostile, primé par le sang et la violence. A l’opposé l’appartement d’Henry est très neutre, blanc et lumineux. La plus part des plans sont tournés à l’épaule, afin de favoriser -toujours dans la même ligné- l’immersion du spectateur. Tony Kaye nous envoie clairement un message, est ce un message de détresse ? Le film nous fait réfléchir sur la responsabilité des parents, d’une jeunesse incomprise en mal d’être et des professeurs, qui ont perdu la vocation d’enseigner. De personnes en générales, qui dans une époque où la communication est censée triompher grâce à nos superbes technologies, ne trouve autre moyen de s’exprimer que par la violence. Des agressions verbales, morales ou physiques qui parfois, peuvent mener jusqu’au drame.

Ayant reçu le prix de la Critique international et le prix de la Révélation Cartier à Deauville, Detachment est un film touchant et engagée, d’une grande intelligence, qui nous fait part d’une situation alarmante et d’une réalité criante.

Nul besoin donc de vous dire qu’il fait intégralement partie de ces films, dont on ne ressort pas indemne de la salle obscure.

"Ethique est esthétique." Paul Vecchiali

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