Androgyne, étymologiquement, signifie homme-femme, un individu ni homme ni femme. Des traits fins, une attitude mi féminine mi masculine, l’androgyne ne doit cependant pas être assimilé à l’homosexualité ou encore aux tendances trans-identitaires : il s’agit surtout d’individus qui s’épanouissent dans un style brisant les tabous des genres vestimentaires homme/femme et qui ont une image psychologique d’eux-mêmes qui mélange le masculin et le féminin. Par ailleurs, durant les dernières décennies, le terme androgyne s’est étendu jusqu’à toucher des domaines artistiques tels que la mode, la musique, la littérature,… C’est dès le XIXème siècle que l’androgynie est utilisée en guise de provocation, essentiellement dans la littérature, avec des romans satanistes et des poèmes noirs. Mais depuis quelques dizaines d’années, le phénomène prend de l’ampleur, présent dans la musique, la modèle cinéma …
A présent, intéressons-nous à l’androgyne du monde de la mode : dès les années 70, s’inspirant de silhouettes comme celle de David Bowie, modèle de provocation de beaucoup de jeunes gens, des créatures hommes-femmes apparaissent sur les podiums. Maquillage, plateformes et taille cintrée, l’androgyne fascine : certains sont choqués, d’autres admiratifs : l’étrange et le décalé ne laissent personne indifférent, ce qui amènera le style androgyne à perdurer dans les années suivantes lors de l’époque New-Wave par exemple : rouge à lèvres carmin, teint blafard et cheveux longs, garçons et filles adoptent le même look, la même attitude, apportant une certaine ambiguïté. Mais c’est encore aujourd’hui que l’androgynie connait le plus de succès dans le monde de la mode. S’inspirant de silhouettes comme celle de Brian Molko (Placebo), ni féminine ni masculine, certains créateurs en font même une de leurs marques de fabrique : on peut notamment citer Jean-Paul Gaultier, créateur de la jupe masculine ou encore chaussant de Dr Martens des modèles vêtues robes de soirée. En outre, Dolce & Gabbana, qui représente pourtant la féminité et l’élégance avec ses corsets et sa dentelle, fait dernièrement défiler des femmes aux cheveux courts en derbys et costume d’homme. Quand à lui, Yves Saint Laurent a fait de l’androgénie sa spécialité : la veste de smoking sur une femme, cela vient de lui.
Et la liste s’allonge de plus en plus : même la maison représentante de l’élégance à la française par excellence, j’ai nommé Chanel, a adopté le style androgyne lors de son dernier défilé pour l’hiver 2012. De plus, si la garde-robe féminine se masculinise peu à peu, celle des hommes, elle, se féminise : en effet la mode de ces messieurs est désormais au costume chic et chemises blanches cintrées, aux pantalons légèrement moulants, au noir et aux cheveux longs, et même pour certains au maquillage (Jean-Paul Gaultier à récemment lancé une gamme de maquillage uniquement destinée aux hommes). Désormais, l’androgyne n’est plus l’homme/femme provocateur mal vu de notre passé, mais il est devenu un au contraire un modèle de mode, un style adopté par de plus en plus de personnes, prouvant que la mode peut bel et bien participer à l’évolution des sociétés et des états d’esprits, comme le pense aussi Yves Saint Laurent : « J’ai participé à la transformation de mon époque. Je l’ai fait avec des vêtements, ce qui est sûrement moins important que la musique, l’architecture, la peinture… mais quoi qu’il en soit, je l’ai fait ».