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Mannequins trop maigres : la France légifère enfin !

A l’heure, où le « tight gap »1 est érigé en critère de beauté de première importance et où se multiplient les défis minceur sur les réseaux sociaux tels que le « belly button challenge »2 et le « collarbone challenge »3, l’Assemblée nationale a adopté le 17 décembre 2015, dans le cadre du projet de loi de santé, un texte visant à lutter contre la maigreur excessive des mannequins.

L’activité du mannequin sera désormais conditionnée par la délivrance d’un certificat médical, sésame rendu obligatoire pour défiler sur les podiums. En effet, la loi impose que « l’état de santé du mannequin, évalué notamment au regard de son indice de masse corporelle, [soit] compatible avec l’exercice de son métier ». Toute infraction à cet article est répréhensible pénalement d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.

Dans une version antérieure, le texte prévoyait une mesure soumettant l’activité des mannequins à un indice de masse corporelle minimale pour lutter contre la maigreur. « En France, on considère qu’on est maigre en dessous de 18,5. L’OMS retient un indice en dessous de 18 pour commencer à parler de dénutrition. En dessous de 17, c’est une dénutrition sévère. En dessous de 16, c’est considéré comme un état de famine », a expliqué Olivier Véran, député PS de l’Isère et auteur de cet amendement. Finalement, cette proposition n’a pas été retenue, dans le but de redonner sa place au médecin du travail et d’élargir l’examen à d’autres paramètres tels que la morphologie, le sexe, l’âge, ou encore la recherche d’absence de menstruations.

Autre mesure phare adoptée par les députés : les photographies de mannequins dont l’apparence corporelle a été modifiée « afin d’affiner ou d’épaissir la silhouette » doivent désormais être accompagnées de la mention « photographie retouchée ». Une proposition sur le délit de valorisation de la maigreur excessive, qui visait notamment à interdire les sites faisant « l’apologie de l’anorexie » n’a pas été retenue dans la version définitive du projet de loi. Comme l’a souligné Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales : « Les auteurs des sites Web visés par cette disposition souffrent eux-mêmes de troubles de comportement alimentaire et pourraient être encore plus fragilisés par la répression pénale ».

La France, mauvaise élève, rattrape enfin son retard !

Il aura fallu attendre presque une décennie pour que le gouvernement français légifère en la matière en s’appuyant notamment sur des mesures similaires adoptées à l’étranger. La mort, en 2006, d’une jeune mannequin de 18 ans souffrant d’anorexie avait poussé plusieurs pays à envisager des actions dans ce domaine. L’Espagne figure parmi les précurseurs dans la lutte contre l’extrême maigreur des mannequins. Dès septembre 2006, la ville de Madrid a interdit aux mannequins ayant un IMC inférieur à 18 (pesant moins de 56 kilos pour 1m75) de défiler lors du Pasarela Cibeles4. L’année suivante, le gouvernement espagnol a passé un accord avec les grandes enseignes du pays telles que Mango et Zara. Ces dernières se sont engagées à ne pas exposer dans leurs vitrines des mannequins d’une taille inférieure à 38. En 2007 également, l’Italie adopte un code éthique interdisant aux mannequins de moins de 16 ans de défiler et imposant un contrôle médical pour s’assurer que le ratio taille-poids soit respecté. Israël demeure cependant le premier pays à avoir adopté une législation contraignante en promulguant le 1er janvier 2013 une loi interdisant aux mannequins trop maigres de défiler et d’apparaître dans les médias.

A l’approche des défilés haute-couture printemps-été 2016 qui se dérouleront du 24 au 28 janvier prochains à Paris, nous verrons bien si ces mesures ont été respectées, et les sanctions appliquées.

1.Écart entre les cuisses quand on se tient debout.
2.Consiste à faire passer son bras derrière le dos pour atteindre son nombril et ainsi montrer sa maigreur.
3.Consiste à faire tenir une rangée de pièces de monnaie sur la salière, le creux qui se situe entre le cou et la clavicule, signe de maigreur.
4.Évènement majeur de la mode à Madrid.

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