MUSIQUE

Roman-savon et cuillères-biscuits – Interview de Charlie and the Soap Opera

Après avoir reçu une quantité incroyable d’ondes positives à leur concert au Transbordeur le 21 octobre dernier, nous avons décidé de rencontrer Charlie and The Soap Opera, pour savoir ce qui se tramait sous ce haut de forme et ces chemises lyonnaises. Après avoir découvert, en compagnie de Rémi (chanteur) et Julian (guitariste) qu’il existait des cuillères-biscuits pour touiller son café, nous sommes allés discuter de magie, du groupe, de leur rapport au cinéma et aux séries, – et aussi – de comment ils font leur musique.

Au concert que vous avez donné au Transbordeur, il y avait un immense haut de forme au-dessus de la scène ; si des lapins vivants en étaient tombés, vous auriez réagi comment ?

Rémi : Ça aurait été super cool !

Julian : ça aurait été très surprenant parce qu’on l’aurait pas prévu, ça aurait été un peu de la magie quelque part.

Et vous êtes plutôt du genre à tuer les lapins ou à les sauver ?

Julian : Tu fais référence à Marilyn Manson ? Ahah non on les aurait laissé courir sur scène.

Tu dis que ça aurait été un peu de la magie pour les lapins ; quand vous jouez, vous vous sentez magiciens de temps en temps ?

Rémi : Non… ce serait prétentieux de dire ça. On est comme tous, on travaille à donner l’illusion de ce qui peut paraître magique dans le regard de quelqu’un qui fait pas ça de sa vie, qui vient juste se divertir. Mais c’est du travail, faut pas se leurrer, c’est juste ça, on répète beaucoup, on réfléchit aux idées… Bon après c’est sûr que dans un concert tu mets un peu d’âme – c’est peut-être ce qui différencie notre boulot par rapport à d’autres boulots mais bon, c’est un travail comme un autre.

Et vous faites de la musique pour être en forme ou pour donner de la forme aux gens ?

Rémi et Julian, en chœur :  Les deux.

Julian : Y a vraiment un côté où nous on fait de la musique parce qu’on kiffe ça et ça nous correspond et notre musique on la joue pour les gens, pour les faire danser, c’est une musique qui se partage quoi.

Rémi : Et c’est donnant donnant : plus les gens ont l’air d’apprécier, plus toi t’es content.

Julian : C’est du transfert d’énergie.

Est-ce que vous aimez le film Le Prestige de Christopher Nolan, sachant que les hauts de formes y sont particulièrement importants ?

Rémi : Ah oui, j’ai aimé le film, j’ai beaucoup aimé, je l’ai vu il y a pas longtemps en plus. En plus c’est pas loin du personnage de Charlie, une espèce de Dandy excentrique … au début y’a eu une période où on s’est demandé si on allait garder cette idée mais les gens nous ont vite fait comprendre que c’était une bonne idée, qu’il fallait pas toucher au chapeau.

Le Prestige, Christopher Nolan - © Warner Bros

Le Prestige, Christopher Nolan – © Warner Bros

Et le dandy qui veut plaire aux foules, ce n’est pas un peu paradoxal ?

Rémi : C’est tout le côté du folklore américain des groupes de funk, Zapp & Roger, Earth Wind and Fire, Kool and The Gang qu’on a voulu mettre en faisant un personnage comme ça, en étant vestimentairement un peu différent d’un type qui se pointerait juste en jean comme ça, ça rajoute une dimension en plus. C’est comme si tu voyais Barack Obama en habits de ville normal tu dirais que – alors qu’il tiendrait le même discours – ce serait bizarre, mais en même temps une belle mise en scène.

Votre musique est-elle destinée aux hommes et femmes aux foyers comme le sont les Soap Opera (ndlr  : série B, roman-feuilleton télévisuel ou radiophonique) ?

Rémi : Non, je pense pas qu’on a fait une réunion façon ENDEMOL pour réfléchir à qui était adressé notre musique (ndlr : producteur de la quasi-totalité des programmes télévisuels au monde)

Julian : Alors oui et non, parce que notre musique est faite pour être écoutée et en même temps on s’est pas dit « tiens si on faisait une musique que pour les gens qui restent à la maison ».

Rémi : On a pas tenté, en construisant notre musique, de viser telle ou telle tranche d’âge. Après il y a forcément une part de communication : par exemple si j’avais envie de faire une intro qui dure quinze minutes, bon y a forcément les gars de l’équipe qui vont me dire ouais faut que tu penses que c’est peut-être un peu long pour un auditeur. Il y a un minimum de format pour rendre les choses un peu plus fluides mais bon sans aller plus loin. Après c’est sans tomber dans le radio-edit ultra calibré.

Et si vous étiez une de ces Soap Opera, une de ces séries B, vous seriez quoi ?

Rémi : Moi je dirais Le prince de Bel-air.

Julian : Je serais Alf, tu sais ce personnage complètement étrange, un extraterrestre. C’est une vieille série.

Et le groupe entier ?

Rémi : il faudrait une série B où tout le monde s’embrouille et tout le monde s’aime bien au fond. Parce que tu as plein de groupes où il y a d’excellents musiciens, ils viennent, ils bossent, ils font le truc, c’est moins amical. Nous on est vraiment une bande de copains, après je sais pas trop.

Julian : il faudra que tu demandes aux lecteurs de Maze si ils connaissent une série B où tous les héros se disputent.

Vous êtes plutôt drive-in ou petit cinéma dans un sous-sol ?

(rires)
Rémi : Drive-in, c’est du plein air !

Vous avez fait un concert en rooftop à Lyon il n’y a pas si longtemps, vous vous sentiez mieux au Transbordeur ou sur ce toit ? Au Transbordeur, nous avions l’impression que votre musique avait besoin de respirer, qu’elle était faite pour la scène en plein air.

Rémi : Des fois un truc plus intimiste plus fermé provoque un sentiment différent que l’impersonnalité d’une grande grande foule dans un espace aéré donc je pense qu’il y a du bon dans les deux. Par exemple tu as des gens que tu aimes bien parce qu’ils ont peu d’audience, parce qu’il y a peu de gens qui les connaissent mais si jamais ils devenaient mainstream, tu les aimerais plus. Et en fait c’est un peu ça le truc c’est que des fois dans une petite salle quand on jouait dans les bars au tout début, c’est quelque chose de différent que de jouer comme on a pu faire dans des festivals ou tu as des milliers de personnes.

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Mettre tout le monde sur le même plan au niveau de la promo, à la fois dans la jaquette, le fait que vous étiez tous mis en avant par une photo, une punchline, est-ce que c’est dans cet esprit série ou est-ce que c’est politique ?

Julian : Même si on a le côté Charlie and the Soap Opera où on différencie Rémi – qui est Charlie – et le Soap Opera qui sont des musiciens, on est un groupe, on est une unité donc c’est pour ça qu’on s’est mis en avant, donc c’est peut-être politique. Après Rémi, vu que c’est le personnage le plus excentrique, c’est celui qu’on va mettre le plus en avant, avec le chapeau mais c’est plus esthétique qu’autre chose.

Rémi : Mais la liaison avec les séries sur le développement des portraits est pas un truc auquel on a pensé. Tant mieux si les gens ont pu penser ça en revanche !

Du coup dans cet esprit de bande de potes, est-ce que vous pensez votre musique en laissant la place absolument à tous les instruments dans une sorte d’équité ?

Rémi : Non, c’est plus dictatorial en réalité. Déjà on répète sans les cuivres, et… on va pas dire on va mettre de la guitare là parce que tu joues pas dans ce morceau ; si il y en a pas besoin, tu joues pas dans ce morceau. Mais personne ne serait vexé dans l’équipe je pense. Il y a jamais eu de grosses disputes parce qu’un morceau c’est un morceau.

Julian : on est beaucoup au service de la musique. Ce qu’il faut se dire, c’est qu’on est sept donc il y en a toujours un qui est pas d’accord mais c’est le phénomène de jouer en groupe.

Rémi : Si quelque chose est de trop… C’est ce qui est vrai qui va gagner : si on voit bien que c’est de trop, bah on l’enlève.

Et vous vous concertez tout le temps ou est-ce que quelqu’un a le dernier mot ?

Julian : On essaye de se concerter tout le temps. On part vraiment du principe que si quelqu’un a une idée on l’essaye : en général c’est à la majorité que ça se décide – même si tu essayes de te battre pour ton idée et si après tout le monde est d’accord on fait telle chose ou telle chose. Bon après c’est les morceaux de Rémi donc si vraiment il y a une parité, en général c’est lui qui a le dernier mot, si lui pense que c’est bien.

Rémi : si il y en a un qui décide à la fin, ça peut être moi par moment mais en général toutes les périodes d’arrangements c’est parfois pas de très bons moments. Si moi j’ai beaucoup le piano voix, le squelette du morceau, je vais jamais imposer une ligne à personne ; c’est justement l’atout du groupe. Après quand il y a des trucs que j’aime pas je les dis, et parfois je n’ai rien pu y faire … (Rires)

Merci à Cassandre Tarvic, Adam Garner et Emma Pellegrino pour leur aide. 

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