LITTÉRATURE

Le Vian qu’on n’attendait pas

Incisif. Dérangeant. Désopilant. On connaît Vian sous de nombreux traits et, il est clair que sa réputation n’est plus à faire. Son œuvre phare a toujours été L’Écume des jours, livre original et très surréaliste. Mais, en se penchant un peu plus sur sa bibliographie, on trouve des petites pépites comme J’irai cracher sur vos tombes. Très loin des amours de Colin et Chloé, Vian s’évade à la poursuite d’un nouveau type d’histoire bien plus tordu et psychologique que ses autres romans. Et le pari est grandement réussi.

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La plaque et deux des phares de la Brasier 1911 de Boris Vian – Couverture de l’édition “Le livre de Poche”, Nicole Bertolt.

Lee Anderson, jeune homme, arrive dans une nouvelle ville. Son but : s’installer dans cette ville pour de bon et y devenir libraire. Au cours des premiers jours, il rencontre une bande de jeunes aimant bien faire la fête dans laquelle il s’intègre au fil du temps. S’en suivront alors de nombreuses aventures avec ces jeunes qui deviendront bien plus que des compagnons…
L’intrigue, parlons-en. Parce que derrière ce livre, et d’ailleurs derrière tous les livres écrits sous le pseudonyme de Vernon Sullivan (son pseudonyme), Vian veut dénoncer la condition des hommes noirs. C’est pour cela que dans le livre, la couleur de peau de Lee Anderson n’est pas bien définie et aura un sens pour la fin de l’histoire. Tout un tas d’indices, d’incompréhensions sont déposés tout au long de l’histoire auxquels, le lecteur, même le plus attentif, ne fait pas attention. L’intrigue se noue et fini par se dénouer. Et finalement, le brio de Vian nous amène jusqu’au dénouement, totalement dingue où tous ces indices, toutes ces petites choses vont finir par avoir un sens, donner une cohérence au livre et même à son message.
Ce livre de Vian bouscule la conscience, choque et même parfois dégoûte. On sent l’envie de Vian de faire réagir les lecteurs à ce livre. Entre ces nombreuses scènes subversives, décrites d’une façon assez crue et totalement surprenante, le lecteur se trouve pris en étau entre l’envie de continuer le livre, de savoir la suite et de comprendre enfin cette intrigue si nouée mais également entre l’envie de refermer le livre car la violence dégagée et assumée par Vian devient parfois pesante pour le lecteur. Mais l’objectif de Vian n’est pas seulement de décrire des choses dérangeantes pour le plaisir, il cache toujours une idée derrière ces scènes d’une violence terrible.

Boris Vian – AFP

Avec ce livre, Vian jette clairement un pavé dans la mare en interrogeant le lecteur sur ce qui peut être dit et ce qui ne peut pas l’être. Ce qui peut être trouvé vulgaire, ou conforme à la morale. Tout ce livre est un condensé de désinvolture, de sexe, d’humour, de dinguerie. Vian signe ici un livre avec brio qui l’éloigne des contrées dans lesquelles il a l’habitude de s’aventurer. Avec ce livre, il confirme au grand jour son irrévérence et son talent.

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