CINÉMA

Autopsie du cinéma français. Pamphlet.

Où en est le cinéma français contemporain ? Je regarde autour de moi et je vois un peu toujours les mêmes têtes ; suivez mon regard. Que nous est-il présenté de nouveau ces dernières années ? Pas grand chose finalement, à part quelques éclats solitaires. Qu’est ce qui marche ? C’est Joey Starr un balai dans le cul embrassant Julie Gayet style XVIIème. Séparons le bon grain de l’ivraie, la qualité de la quantité. Étrange constat paradoxal qui m’amène à me demander : pourquoi les artistes les plus innovants, les plus curieux, les plus révoltés sont-ils aussi les plus vieux ? Godard, écume majestueuse d’une Nouvelle Vague passée ; Cavalier, diamant brut taillé au fil des années et Resnais dont le rideau s’est, il y a peu, refermé.

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Le Procès, O.Welles (1962)

Godard a commencé il y a maintenant plus de trente ans avec Histoire(s) du Cinéma, une croisade pour le cinéma, une aventure à contre-courant. Godard c’est du baroque, du lourd, l’image à profusion. Le film devient le matériau, le lieu même de l’expérience. Il dénonce notre monde par son mode d’être spectaculaire, violent, dégoulinant : capitaliste. Film Socialisme. Les mots sont importants mais dans ce monde qui ne le reconnait pas ou qu’il ne reconnait plus il joue l’esthète et se retire hors du monde et du langage.

La trajectoire que prend le cinéma de Cavalier est particulière. Quand certains vont, avec le succès, tourner le dos à leur idéaux, d’autres vont chercher d’autant plus et aller vers la simplicité, là ou se trouve l’essence du cinéma quand il est débarrassé de tout apparat. C’est le cas de Cavalier qui, en 2000 prend un virage particulier pour devenir « filmeur ». Une simple caméra à la main il part seul à la frontière de la fiction et le documentaire et ne cesse d’interroger les limites du cinéma sur le réel.

Quant à Resnais sa filmographie est tellement riche et complexe qu’il faudrait se lever de bonne heure pour la comprendre.  Il a tout fait : il a filmé le génie avec Van Gogh, l’horreur avec Nuit et Brouillard, l’amour avec Hiroshima mon amour et Dernière nuit à Marienbad. Vers la fin de sa vie il s’intéressa à la troupe et à la frontière poreuse entre le théâtre et le cinéma aboutissant au chef d’œuvre magnifiquement nommé : Vous n’avez encore rien vu.

"Le Paradis" Cavalier, Pathé, 2014

Le Paradis, Cavalier, Pathé, 2014

Mais alors où est passé la fougue de la jeunesse ? La France est-elle, à l’image de son cinéma, à ce point sclérosée ? Peut être, mais dans ce cas là branchons D8 et faisons nous hara-kiri. Je ne pense pas ; notre mal vient de plus loin…

L'année

L’année dernière à Marienbad, A.Resnais et A.Robbe-Grillet (1961)

Parlons peu, parlons bien. Comment faire un film aujourd’hui sans avoir le « réseau » ? Le mieux est de passer par une école publique offrant une relative égalité des chances. Lesquelles sont-elles ? On trouve l’ESAV de Toulouse, l’École de la Cité, Lumières et la FEMIS à Paris. Ces formations d’excellence produisent les cinéastes de demain, et pourtant nous avons comme une impression de déjà-vu. Comparées à nos voisins (Belgique ou Suisse) ces écoles font figure d’institutions consensuelles et peureuses. Que faire quand notre modèle s’appelle Truffaut ? On peut se questionner sur le mode de sélection, peut-être que le concours assassin crée une norme impossible à défaire. Alors l’université propose surement une alternative intéressante par sa pluralité de point de vue et de personnalités, mais elle n’offre pas les moyens de la réalisation. Nous voilà face à un mur, celui qui clôt tout débat, le mur économique.

Ah voilà nous y sommes, le nœud du problème. « Par ailleurs le cinéma est une industrie » clôt Malraux dans son essai Esquisse d’une psychologie du cinéma. Le cinéma est dans son être industriel, c’est surement le seul art avançant de paire avec l’industrie, la technologie ; l’art où la culture et la nature avancent main dans la main. Mais le cinéma est aussi un art.

Le cinéma dans lequel on investit beaucoup dans l’espoir de rapporter énormément ; le cinéma comme moyen d’assouvir sa cupidité est-il encore du cinéma ? Le trop grand investissement entraine la nécessité de profits extrêmes et donc le besoin de plaire au plus grand monde. Ainsi les films à petits budgets riches d’idées et d’inventions créatrices, ces films qui vont donner un nouveau souffle au cinéma français, où sont-ils ? Ils sont là, ils attendent tapis dans les méandres de Youtube en attendant que des producteurs couillus leur tendent une main chaleureuse. Mais ces producteurs il faut les comprendre, ce ne sont pas des mécènes, ils ne peuvent se permettre de faire banqueroute pour un film. Alors nous en venons à nous poser une autre question, que pouvons nous, en tant que spectateur, pour changer cela ?

Car oui le problème est aussi lié à nous, à moi, à toi, surtout toi. Et la solution est peut-être dans ce que Rancière appelle le « spectateur émancipé ». Le spectateur n’est pas passif devant l’œuvre mais actif, actif de ses choix. Nous sommes le dernier maillon de la chaîne mais c’est peut-être à nous de changer en premier. Si les envies changent, le système de production évolue et les écoles se développent. C’est le consommateur/spectateur qui fait l’industrie/cinéma et non le contraire.

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