CINÉMA

La belle saison de Catherine Corsini, une moisson ratée

Paris, années 70. Elles courent et rient en pleine rue, mettent des mains aux culs des hommes : il faut qu’ils sachent ce que ça fait. L’un d’eux le prend mal et en prend une par le bras, commence à lui crier dessus. Un bus arrive à son arrêt, ouvre ses portes. Le groupe de femmes entre dans le bus, sauf une. Elle est encore entre ses mains, loin d’être tendres. C’est là que Delphine décide de réagir et de les séparer. In extremis, elles arrivent à prendre le bus. Les portes du bus se ferment au nez de cet homme qui n’a pas apprécié qu’on lui mette la main au fessier droit. Quelques doigts d’honneur et insultes plus tard, les discussions calmes reprennent dans le bus : les questions fusent, les premiers regards se posent. Delphine, sous sa chevelure brune, a l’air plutôt humble et timide, à l’inverse de ce groupe bercé par la folie. Un groupe d’amies déjanté ? Des parisiennes qui font un pari ? Étudiantes ? Travailleuses ? Passionnées ? Névrosées ? Et Delphine, pourquoi porte-t-elle ce malaise sur son visage et ces sourires à demi ? Ces questions, nous aurions aimé nous les poser, vraiment. Nous aurions aimé avoir un peu de mystère, nous aurions aimé avoir des questions sans réponse au début de La belle saison.

Mais la scène décrite ci-dessus n’est pas la première scène, pourtant originale et surprenante, pleine d’enjeux intéressants. Non, avant cette scène, Catherine Corsini – la réalisatrice – décide d’exposer le dernier chagrin d’Amour de Delphine : sur le bord d’un lavoir, sa petite amie lui dit qu’elles ont trop changé et qu’il faut arrêter. Figurer l’homosexualité de Delphine et son origine sociale – elle est fille d’agriculteur- relève d’un manque de confiance dans le non-dit, dans la suggestion du passé. Et en voyant débarquer Cécile de France (Carole) dans le groupe de femmes de la scène du bus, l’intrigue devient ultra-prévisible : une histoire d’Amour entre Delphine et Carole, une confrontation de deux mondes sociaux, de deux femmes, de deux systèmes de pensée. Le problème avec le nombre deux, c’est que pour le nuancer, il faut beaucoup de temps et des espaces singuliers où peut s’épanouir une relation folle. Un film ne suffit pas, La belle saison ne suffit pas : l’oeuvre tombe dans un manichéisme presque obligatoire et une mise en scène très (re)vue. La parisienne et la campagnarde qui se sépare au dernier moment sur le quai d’une gare, ce n’est plus très loin du pathétique chiant. Pour autant, de ce conflit social et relationnel quasi binaire naît de l’Amour et de la force. Delphine et Carole incarnent le conflit intérieur : elles se battent pour les droits des femmes, la liberté des corps et des esprits mais s’enferment, elles, dans une passion démesurée. Ces corps en démesure et loin du sur mesure, Catherine Corsini les filme avec une justesse rare : le résultat est simple à énoncer, Izia Higelin et Cécile de France crèvent l’écran, et heureusement.

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