CINÉMA

Loin de la Foule déchaînée – Entre raison et sentiments

À la fin du XIXe siècle en Angleterre, une jeune femme hérite de la ferme de son oncle. Courtisée par trois hommes, elle refuse pourtant de se marier tant qu’elle ne se sentira pas amoureuse… Adapté du roman éponyme de Thomas Hardy, Loin de la foule déchaînée, le nouveau long-métrage de Thomas Vinterberg (Festen, La Chasse), est l’une des révélations de 2015.

Formellement, il est difficile de reprocher quoi que ce soit à Loin de la foule déchaînée. La photographie, à cheval entre Les Moissons du Ciel et La Prisonnière du Désert, est splendide (l’une des plus belles de 2015 à ce jour). Vinterberg a su tirer profit de ses diverses inspirations pour offrir au film sa propre identité visuelle, au cœur de l’Angleterre du XIXe siècle. La musique semble classique au premier abord, mais Craig Armstrong, déjà compositeur de la sublime bande originale de Ray en 2004, joue avec les normes du genre et contribue à créer cette atmosphère à la fois belle et mélancolique. C’est d’ailleurs cette volonté de conserver les codes du drame romantique tout en se les appropriant qui constitue l’un des principaux atouts du film.

© Twentieth Century Fox 2015

© Twentieth Century Fox 2015

Mais la véritable force de Loin de la foule déchaînée, ce sont les personnages. Les stéréotypes moralisateurs sont écartés avec justesse. Nous avons là trois satellites masculins (Matthias Schoenaerts, Michael Sheen et Tom Sturridge), représentant chacun une classe sociale dominante de l’époque (le riche propriétaire, le fermier et le soldat), qui tournent autour d’un soleil féminin, Bathsheba Everdene, interprétée de manière éblouissante par Carey Mulligan (Drive, Inside Llewyn Davis). Chacun convoite à sa façon la bourgeoise, mais celle-ci, pourtant perdue entre raison et sentiments, ne se laissera jamais faire, redorant ainsi le blason du « sexe faible » et brisant par la même occasion le cliché de la femme soumise du XIXe siècle. Une ode à l’émancipation donc…

À l’heure où l’industrie du cinéma américain nous pond chaque année une flopée de films romantiques plus niais les uns que les autres, Loin de la foule déchaînée fait figure d’exception, et Vinterberg tire une nouvelle fois son épingle du jeu en offrant une véritable leçon de cinéma à tous les opportunistes qui se sont essayés au genre. Le cinéaste danois nous prouve ici qu’on peut porter à l’écran une histoire d’amour classique sans pour autant tomber dans la mièvrerie et ajoute donc une nouvelle oeuvre plaisante à sa filmographie si particulière !

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