CINÉMASOCIÉTÉ

Cinéma du Réel

Du 18 au 27 Mars 2016 le Centre Pompidou de Beaubourg accueillait le 38e festival international de films documentaires, Cinéma du Réel. Retour non exhaustif sur une compétition que met la lumière sur un genre injustement dévalorisé.

Le documentaire entretien avec le réel un rapport différent que la fiction. En effet, dans la fiction, si la croyance est partielle entre la situation et le spectateur, elle est, et elle exige d’être, totale dans le documentaire. Un même monde unit le devant et le derrière de la caméra. C’est pourquoi, ce médium occupe une place privilégiée pour traiter de sujets actuels et offre une formidable tribune pour leurs auteurs. Le documentaire est présentatif quand la fiction est représentative. On retrouve dans la sélection du Cinéma du Réel toutes les dynamiques qui traversent les différentes crises que nous connaissons. On peut noter Long Short Life de Natalie Bookchin qui interroge frontalement la crise économique aux États-Unis par le témoignage des plus démunis, ou encore la crise migratoire avec le huis-clos La Permanence d’Alice Diop.

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Long Short Life – Natalie Bookchin

La genèse provient souvent de l’envie de dresser le portrait de quelqu’un. Qu’il s’intéresse au plus profond de son intimité, comme les travaux d’Éric Pauwels, ou à un collectif (La Mécanique des corps de Mathieu Chatelier), le documentariste dialogue toujours avec son sujet. Mais donner la parole ne passe pas toujours par le discours, surtout quand on s’intéresse à des classes ouvrières qui ne sont pas habituées à communiquer, c’est alors que l’image remplace les mots. Le documentaire c’est une rencontre entre l’auteur et son sujet, un choc marqué par les aléas d’une relation qui se construit sous nos yeux. Il y a un rapport au temps très important avec le documentaire ; c’est une troisième donnée de l’équation, ce qui unit le tout. Mention spéciale à Vivere de Judith Abitbol qui, durant huit ans, capte l’amour quotidien d’une fille pour sa mère atteinte d’Alzheimer.

Ce genre souffre d’une mauvaise réputation à cause du cliché de la forme figée et ennuyeuse du reportage. Or, la forme semble tout aussi libre, voire plus, que la fiction. C’est ce qu’à voulu montrer le jury en récompensant des choix esthétiques originaux et une recherche formelle. La lauréate du Grand Prix Cinéma du Réel est l’artiste Nathalie Bookchin, qui crée une symphonie de la misère en multipliant les points de vue, chacun dans sa bulle semblant communiquer par le prisme de la galère. A noter aussi le prix international de la Scam pour Die Getraumten de Ruth Beckermann, retraçant la relation épistolaire entre les poètes Ingeborg Bachmann et Paul Celan, chacun interprétés par des acteurs lisant leur correspondance.

Ce festival fut marqué par la disparition de Chantal Akerman dont le spectre veillait sur nous lors de cette riche semaine.

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