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Le courage de ma mère – Un conte du père castor ?

A peine un pied posé sur le plancher du hall d’un minuscule théâtre lyonnais, le carré 30, nous sommes dans une situation étrange. Des haut-parleurs évoquent les bruits d’une gare, d’un train. Derrière un rideau, nous découvrons la scène – sur laquelle nous étions peut-être déjà – et sur trois petits gradins, des coussins rouges nous attendent. Le courage de ma Mère de George Tabori mis en scène par Jacques-Yves Henri s’ouvre et cela, sans rideau.

Aux bruits de la gare s’ajoute la langue allemande, nous entamons un voyage sonore peu sympathique : nous voilà plongé dans les « wagons à bestiaux » emmenant les déportés à Auschwitz. Pas que cela s’entende, évidemment, mais l’entrée du personnage du fils habillé en pyjama rayé poussant sa propre cage nous le fait comprendre rapidement. La pièce est d’une nature particulière : elle ne raconte rien en soi mais expose deux personnages en train de raconter une histoire. Nous sommes spectateurs de deux temps de récit : le temps de la mémoire au présent, le temps du passé. Du texte complexe et dense de Tabori, Jacques-Yves Henri ne s’en détache pas assez.

De ce genre de pièce, nous pourrions nous attendre à une interaction entre le récit d’un passé et une action représentant ce passé, mais il n’en est rien. A l’image du manque d’interaction entre les deux personnages, le décor et les accessoires ont pour seule utilité une mise en contexte : s’il fait référence au texte à l’image des « pruneaux » que le fils confond toujours avec des pommes, ils ne sont jamais utilisés. L’ouverture de la pièce promettait beaucoup, avec la brillante idée d’enfermer explicitement la mémoire. La mise en scène, elle, s’enferme malheureusement dans le texte et se transforme en exercice très difficile de diction pour Virginie Gros et Clémence Schirmer, les deux comédiennes. Le courage de ma Mère ne ressemble pas un drame mais à un conte du père castor, voilà le réel problème. La responsabilité du metteur en scène dans ces écueils n’est donc que très partielle : tirer de cette pièce une mise en scène vivante serait l’œuvre d’un génie.

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