SOCIÉTÉ

Dernières nouvelles d’Ebola

Quasiment plus un mot… Suite à la psychose qui s’était emparée, à l’automne, des médias occidentaux, ce silence prolongé depuis début 2015 nous persuadait qu’Ebola était enfin éradiqué. On promouvait la réussite du Libéria à mettre fin à l’épidémie et son gouvernement s’apprêtait à clore ce désastreux épisode par communiqué officiel. Jusqu’au 20 avril.

Une dépêche AFP tombe, reprenant les termes du porte-parole libérien :

« Une femme a été testée positive au virus Ebola. C’est un nouveau cas après plus de 27 jours sans en enregistrer un seul ».

L’urgence sanitaire continue à être maintenue en Guinée et vient même d’être renforcée. Avec la Sierra Leone, qui a mis en place de sévères mesures de confinement, ces trois pays concentrent 99,5 % des cas concernés par cette épidémie éclair. L’OMS avançait au 31 décembre 2014 le chiffre total de 8 004 décès pour 20 400 personnes infectées, environ 42,7 % rien qu’au Libéria. Et l’épidémie est bien loin d’être contenue : le bilan de mars fait état de 11 000 morts sur plus de 27 000 cas identifiés. Ces dernières semaines, la Guinée et la Sierra Leone observent des recrudescences des cas d’Ebola tandis que le Libéria aurait éradiqué le virus depuis le 9 mai, sans nouveau cas depuis quarante-deux jours.

Si la coopération entre ces trois épicentres fonctionne aujourd’hui convenablement, l’expansion désastreuse d’un virus – connu depuis 1976 – et l’ampleur de sa vingt-cinquième épidémie auraient pu être mieux contenues, sans les défaillances de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En août, la présidente de Médecins sans Frontières (MSF), les premiers à s’y rendre, s’insurgeait d’une réaction en retard de cinq mois et dénonçait une « coalition mondiale de l’inaction ». L’appareil médiatique s’est alors emballé engendrant une véritable peur virant à la psychose, jusqu’aux plus grandes puissances. Pourtant, l’agent infectieux n’a infecté que 18 personnes hors d’Afrique pour cinq décès, encore une fois par défaillances dans l’administration des soins. Ebola, souvent personnifié, n’a même rien à voir avec les infections actuelles les plus meurtrières : la tuberculose a tué 1 million 300 000 personnes, le paludisme, 630 000 et le choléra atteint les 100 000 victimes en 2012. Quant aux tristes chiffres du sida, ils ont beau accuser une baisse de 35 % par rapport au pic de 2005, 36 millions d’individus y ont laissé la vie à ce jour.

Si Ebola a engendré une telle crainte planétaire, c’est que son taux de létalité demeure très élevé : 40 % pour la moyenne mondiale et jusqu’à 70 % pour les trois pays les plus concernés, contre 50 % pour les épidémies précédemment citées. La psychose a été alimentée par les mesures autoritaires et prises dans la plus grande désorganisation : mise en quarantaine et confinement en Sierra Leone aux allures de fin du monde. Des mesures pénales ont même été votées pour toute personne dissimulant un malade d’Ebola non déclaré.

Non, Ebola, ce n’est pas terminé. Les dirigeants de ces trois pays – où la part du budget consacré à la santé s’élevait à 2 % du total national – se réunissent régulièrement pour tenter de remédier à cet abandon médiatique. Les populations locales se sentent abandonnées après cet échec retentissant de l’OMS, remettant en cause sa crédibilité mondiale. Le manque de transparence dans la gestion des fonds neuf mois après le début de l’épidémie concourt à une exacerbation des résistances locales. Les travailleurs humanitaires font face à des manifestations et à des contestations de plus en plus forcenées. Désignés personnalité de l’année 2014 par le Time, ces « combattants d’Ebola » sont les seuls à pouvoir dire que oui, Ebola est toujours une réalité.

 

Sudiste exilée à Paris, Mazienne #fromthebeginning. Droguée à l'actu, le plus souvent par seringue radiophonique.

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