SOCIÉTÉ

Pleurons la jeunesse kényane sacrifiée aux mains des Chabab

Le massacre du campus de Garissa, le 2 avril dernier, qui a coûté la vie à cent quarante-huit personnes, dont cent quarante-deux étudiants, consacre le retour des Chabab somaliens. Cette catastrophe intervient deux ans après l’attaque du centre commercial de Westgate de Nairobi (Kenya), qui avait fait soixante-sept morts. L’attentat de Garissa, revendiqué par le groupe islamiste, est le plus meurtrier dans le pays depuis celui de l’ambassade américaine par Al-Qaida en 1998. Cette attaque pose la question de l’identité de ces combattants, rattachés d’ailleurs à Al-Qaida. Quelles sont leurs influences ? Combien sont-il ? Que cherchent-ils ?

Aux origines.

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Le nom « Chabab » signifie « la jeunesse ». Il s’agit en fait d’un groupe islamiste dont le nom entier est Harakat Al-Chabab Al-Moudjahidin (qui signifie « Mouvement de la jeunesse des moudjahidin »). Il est apparu en 2006 en Somalie. Le groupe a servi de branche militaire radicale à l’Union des tribunaux islamiques, qui contrôlait alors la capitale Mogadiscio et y imposait la charia, lorsque des troupes éthiopiennes ont pénétré dans le pays afin de renverser l’Union en faveur du gouvernement fédéral de transition dirigé par Abdullahi Yusuf Ahmed. Flavie Holzinger et Véronique Malécot proposent pour Le Monde du 14 avril une série de cartes très utiles pour comprendre toute la difficulté géopolitique de la situation.

Qui sont-ils ?

Chabab - Source (c) Le Monde

Chabab – Source © Le Monde

Le groupe est lié à Al-Qaida, lien officialisé en 2009 lorsqu’ils lui ont prêté allégeance. Suite à la mort de leur ancien chef, Ahmed Abdi « Godane » par une frappe américaine en septembre 2014, Ahmed Umar Abou Oubaïda a pris son poste.

Les sources estiment qu’ils sont entre cinq mille et neuf mille hommes. Aussi bien des locaux en faveur de la charia, que des combattants islamistes étrangers. Ils possèdent également des cellules djihadistes en Ouganda, Tanzanie, à Djibouti, et surtout au Kenya où la situation est la plus inquiétante.

De plus, depuis que les forces éthiopiennes ont quitté la Somalie en 2008, le groupe a absorbé plusieurs milices locales et contrôle désormais deux tiers du territoire somalien. Ainsi, la souveraineté du gouvernement fédéral de transition s’en trouve bien limitée.

Affaiblis ?

La Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM), une force de paix composée essentiellement d’Ougandais et de Burundais, mais aussi de Kenyans, a réussi à affaiblir les Chabab en jouant sur leurs divisions. Cela a notamment été facilité par la perte de soutien de l’opinion publique lorsqu’ils ont refusé l’aide humanitaire de la communauté internationale destinée à lutter contre la famine et la sécheresse. Ils ont aussi perdu deux de leurs chefs, ont été chassés de leurs « fiefs » et ont perdu le contrôle de certains ports. Cependant, la fragile situation politique de la Somalie leur permet de rester très présents et actifs, en particulier dans les zones rurales du pays, dans le Sud.

« Les Chabab sont affaiblis mais plus dangereux », estime Ken Menkhaus, professeur à l’université de Davidson aux Etats-Unis, dans Le Monde du 10 Avril. « Leurs défaites les ont poussés à changer de tactique. Maintenant qu’ils n’administrent plus de territoires, ils mènent une guerre asymétrique qui ne coûte pas cher. »

Quel sens donner au massacre de Garissa ?

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Droits réservés.

Suite à la tuerie de Garissa, les Chabab ont justifié leur acte en expliquant qu’il s’agissait d’une punition pour le Kenya en raison des quatre milles hommes environ qui constituent les rangs de l’AMISOM. L’homme qui a conçu l’opération, selon les responsables kényans, s’appellerait Mohamed Kuno « Gamadheere », aussi connu sous le nom de cheikh Dulayadin. Ce Kényan somali avait enseigné la madrassa à l’université même du massacre avant de choisir de rejoindre les insurgés dans les années 2000.

Les chrétiens sont couramment ceux visés. Les Chababs sont notamment connus pour demander à leurs victimes de réciter des versets du Coran. S’ils en sont incapables, ils sont tués. L’université de Garissa a ainsi été choisie car elle se trouvait « sur une terre musulmane colonisée ». De plus, le fait d’avoir choisi une université est symbolique : le Kenya est en effet un pays entièrement tourné vers l’éducation et la jeunesse et Garissa, en particulier, est le seul établissement à offrir un enseignement universitaire dans toute la province du Nord-Est.

Les Chababs tentent d’élargir leur terrain depuis quelques années. Le chercheur Matt Bryden explique dans Le Monde : « Pour eux, les frontières n’existent pas ou sont illégitimes. Ils considèrent que toutes les zones de peuplement musulman en Afrique de l’Est sont un champ de bataille. Le massacre de Garissa contenait un message : “Ce sont des terres musulmanes où les chrétiens et le gouvernement kényan n’ont aucun droit” ».

L’unité kenyane prônée

Le Kenya ne compte pas se laisser diviser religieusement. En effet, le pays, bien qu’il se revendique à 80 % chrétien, comporte également une forte communauté musulmane située sur la côté et dans les régions somali, c’est-à-dire à proximité de la Somalie et des fiefs Chababs les plus implantés. Et en visant l’université de Garissa, en cueillant aussi froidement la jeunesse avec la faux acérée de la rage, les assaillants espèrent faire naître le désir de vengeance. Mais le Kenya ne pliera pas. 

Attachée de presse de cinéma et blogueuse, je fais partie de l'équipe de Maze depuis plus de quatre ans maintenant. Le temps passe vite ! Je suis quelqu'un de très polyvalent: passionnée d'écriture ("j'écris donc je suis"), de cinéma (d'où mon métier), de photo (utile pour mon blog!), de littérature (vive la culture !) et de voyages (qui n'aime pas ça?). Mon site, www.minimaltrouble.com, parle de développement personnel, de productivité, de minimalisme mais aussi de culture :)

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