Le film grec Nos jours sauvages, en salles le 22 octobre 2025, suit Chloé, 20 ans, recueillie par un groupe de jeunes sillonnant la Grèce post-crise économique. Leur objectif : récupérer les biens achetés illégalement à très bas coût par des usuriers, à des personnes cherchant à joindre les deux bouts.
Nos Jours sauvages est le premier long-métrage du réalisateur Vasilis Kekatos. Avant cela, le cinéaste avait déjà signé quatre courts-métrages, parmi lesquels La Distance entre le ciel, Palme d’or du court-métrage à Cannes en 2019. Pour ses débuts dans le long, le réalisateur grec choisit de mettre en scène les conséquences de la grave crise économique qui toucha la Grèce dans les années 2010. Le résultat : un presque sans faute.
Une épopée grecque
Nos Jours sauvages commence par exposer les difficultés – économiques, sociales, et politiques – de la vie en Grèce pour Chloé, personnage principal. Le tableau se dresse, et le film devient une véritable épopée à travers la Grèce. Autour de Chloé, une galerie de personnages en quête de justice, précarisé·e·s par la crise, prend place. Vasilis Kekatos rend justice à la complexité de chacun·e. Attachant·e·s, émouvant·e·s, leur quotidien alterne entre des moments de joie, où fête rime avec liberté, et des moments plus difficiles. Ces derniers gagnent en vigueur à mesure que le groupe peine à subsister par leur unique ressource : l’argent pris dans les caisses des usuriers. Douleur et générosité se mêlent alors, et les liens de solidarité priment.
Visuellement, le film apporte également d’excellentes idées. Une opposition se crée entre, d’une part, des plans d’une grande maitrise formelle – le travail de la lumière est sublime – et des plans plus saccadés. Pour ces derniers, la caméra à l’épaule se rapproche d’images filmées au téléphone portable, ou à la caméra de poche – cela notamment lorsque les obstacles se dressent sur la route de Chloé et de ses compagnons.
Les dialogues, eux, sont bien souvent emplis de sens. De nombreuses phrases restent en tête. Nos Jours sauvages laisse une double impression assez étrange : celle d’avoir vu une œuvre aussi joyeuse que mélancolique. C’est grâce à cette tension, rendant justice à la complexité de la réalité, que le film marque. Si les personnages semblent toujours heureux·ses, et sont par moments comiques, les traumatismes et autres parcours cabossés de chacun·e font partie du récit. Et bien qu’il soit rare de voir l’un·e ou l’autre réellement triste ou malheureux, cette impression de mélancolie ne quitte jamais le·a spectateur·ice. Chacun·e s’efforçant d’aller chercher une touche de beauté, ou alors feignant l’indifférence.
Voir les personnages raconter les horribles passages de leur vie, les difficultés avec leurs parents – communes à toust·tes – ou bien la misère dans laquelle iels vivent – quand il s’agit d’un personnage à qui les protagonistes portent assistance -, le tout sans jamais montrer d’émotion négative à ce sujet, apporte en réalité encore plus de puissance à leur témoignage. Les voir y trouver de la beauté, ou faire comme si cela n’existait pas, leur confère dualité et profondeur. La bande-son, à la fois magnifique, poétique, mais aussi d’une mélancolie sans nom, participe aussi à cette impression.

La famille : encore, toujours
Le seul personnage que l’on voit souffrir vis-à-vis de sa famille est le personnage principal, Chloé. Elle a quitté la sienne au début du film. Sa famille paraît très vite abusive, notamment son frère policier, violent avec elle. L’on comprend qu’elle ne s’y est jamais sentie à l’aise, ce qui ne l’empêche pas d’éprouver le manque une fois qu’elle parvient à quitter le foyer familial.
Elle se trouve alors une autre famille, choisie, cette fois, dans ce camping-car. Elle porte cependant une tristesse et une souffrance lancinantes, enracinées dans l’absence de sa mère, et de ses frères et sœurs. Chloé est un personnage fascinant, très intéressant à suivre. Elle cristallise cette tension entre joie et mélancolie ; c’est en voyant les autres personnages parler de leurs familles avec légèreté qu’elle se rend compte que les quitter n’était pas une fin en soi.
Présentée comme institution, la famille est un thème véritablement central de Nos Jours sauvages. Peut-être parfois au détriment de certains autres éléments de l’intrigue. À la fin, par exemple, lorsque l’on voit un usurier dire que l’argent des objets volés servait pour ses enfants, cela aurait pu amener à une remise en question de la justice et du bien-fondé des actions du petit groupe. Au final, cette scène ne sert qu’à voir Chloé se rendre compte que sa mère lui manque, et que quitter définitivement sa famille était peut-être une décision trop radicale.
Une approche plus large aurait permis davantage de pluralité et d’ampleur dans les thématiques abordées : la crise grecque et ses victimes, les enjeux du trafic opéré par les usuriers, ou encore la notion de justice. Si, malheureusement, rien de tout cela n’est développé, la qualité d’ensemble Nos Jours sauvages reste probante et appréciée.
Nos Jours sauvages de Vasilis Kekatos sort en salles le mercredi 22 octobre.








