QUINZAINE DES CINÉASTES – Unique film d’animation de la sélection, La Mort n’existe pas (Félix Dufour-Laperrière) propose une réflexion aussi bien pratique que métaphysique, autour de la nécessité du recours à l’action directe dans le champ politique.
La Mort n’existe pas s’ouvre comme une parenthèse dorée. Celle d’un palais aux statue couleur or, et à la végétation luxuriante. Accompagnée d’une composition sonore grandiose, cette séquence d’ouverture donne le ton : le film, bien que court, sera radical, percutant, sans concession.
Du moins, c’est ce qu’espère le groupe de jeunes adultes que l’on retrouve après cette séquence. Réuni·e·s non loin de la luxueuse demeure, iels répètent leur plan d’action : tuer les propriétaires qui exploitent, exproprient, s’approprient toutes les ressources naturelles environnantes. Le but est clair, mais Hélène doute. Du moins, elle passe de nouveau en revue les causes qui motivent leur passage à l’acte. De tous·te·s, c’est celle qui semble hésiter le plus. Sera-t-elle prête à mourir pour faire vivre ses idéaux ?
La séquence, très graphique, de l’attentat, apporte rapidement la réponse aux spectateur·ice·s. Très colorée, l’animation de Félix Dufour-Laperrière, reste, elle, sans concession. Les corps des camarades se trouvent transpercés de balles, et leur sang s’écoule, mais s’arrête aux portes du palais. L’attentat a échoué. Et Hélène a fui. Contre sa promesse faite à ses camarades, et à elle-même.
Peuplé de figures oniriques et animales, le dessin de La Mort n’existe pas transporte le·la specateur·ice dans un espace-temps suspendu : celui de la deuxième chance donnée à Hélène. Sa défunte amie et camarade, Manon, la hante et l’enjoint à passer du « bon » côté du dilemme initial.
Une part modeste mais entière
Félix Dufour-Laperrière propose une réflexion politique au propos certes appuyé, mais qui a le mérite de confronter le·la spectateur·ice à ses propres contradictions. Quelques minutes avant l’attentat, Éric dit « je t’aime » à Hélène, et lui donne une lettre. La jeune femme lui répond : « après ». Mais pour celles et ceux qui donneront corps et âme à la lutte contre les ultra-riches, le futur n’existe plus. La justification du passage à l’acte politique et celle de la mort se confondent dans un même présent : celui de l’intégrité, et de la loyauté aux idées politiques.
Et alors qu’Hélène hésite encore, Éric lui apparaît en rêve. Le jeune homme, aux traits âgés, lui parle d’une vie rangée. Iels vivent tous·tes les deux dans une maison, ont des enfants, un travail. Est-ce de cette vie dont Hélène rêve ? Une existence faite d’une succession de petits renoncements, qui mène progressivement vers la norme et l’ordre.
L’action directe, elle, donne corps aux idéaux politiques. Et si la mort n’existe pas, c’est bien parce que la vie, elle, est comprise, dans ce cadre, à une échelle collective, et non individuelle. La mort est une étape nécessaire dans la lutte pour la survie de l’humanité.
Le recours à l’action directe est radical. Il est rare, car il repose aussi sur un présupposé sacrificiel que peu de personnes sont prêtes à assumer. Cela, Le Mort n’existe pas le comprend bien, et n’adopte pas une position de surplomb moral. Si le film confronte le·la spectateur·ice, il lui offre aussi une porte de sortie, par le choix d’Hélène. Celui de prendre « une part modeste, mais entière » à la lutte politique contre celleux qui exploitent, exproprient, et s’approprient toutes les ressources naturelles.