CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2025 – « Urchin » : Rêve de gosse

Frank Dillane joue Mike dans Urchin d'Harris Dickinson
© Devisio Pictures

UN CERTAIN REGARD – Premier film de l’acteur britannique Harris Dickinson, Urchin trace le parcours d’un jeune sans-abri errant dans les rues de Londres, qui tente de trouver sa place dans une société codifiée.

Auréolé pour son rôle dansTriangle of Sadness (Palme d’Or en 2022), et plus récemment dans Babygirl (2024), Harris Dickinson passe de l’autre côté de la caméra avec Urchin. Il y met en scène Michael (Frank Dillane), surnommé Mike. Mike enchaîne petits jobs, deals, et vols. Jusqu’au point de rupture où, agressant un homme qui lui venait en aide, il se retrouve en prison. Quelques mois plus tard, Mike débute un parcours en justice restaurative. Avec Nadia, sa conseillère sociale, et quelques rencontres faites en chemin, il tente de se réinsérer, et d’avancer vers une situation plus pérenne. Mais Londres est grande, socialement asymétrique, et les tentations de dévier sont nombreuses.

Si le parcours de Mike suit un tracé assez attendu – entre puits sans fond, reconstruction et (re)chute -, Dickinson tente de s’extirper de cette boucle bien connue du cinéma à travers un propos intelligemment nuancé, et un pas de côté au registre habituel du cinéma social. Mais si ces initiatives sont bienvenues, elles restent encore trop légères.

Écorchures à répétition

Sorti de prison, Mike commence un nouvel emploi en tant que cuisinier dans un hôtel, où il se lie d’amitié avec deux collègues, ce qui le remet sur les rails de la vie en société. Il finit par se faire renvoyer, et trouve une seconde opportunité dans le ramassage de poubelles. Là, il rencontre Andrea (Megan Northam, qui apporte une fraîche détermination à son personnage), avec qui il partage rapidement une relation plus intime. Après s’être bien amusé·e·s, elle le pousse dans ses retranchements, lui soufflant qu’il ne fait aucun effort pour s’en sortir. Mike, lui, n’est pas de cet avis. Pourtant, il est vrai qu’il ne fait pas grand chose, du moins, en termes d’actes, pour le démentir.

Sa réinsertion n’est, et c’est naturel, pas linéaire. Certains semblent en trouver la voie, et s’y tenir, comme Nathan (incarné par Dickinson lui-même), auparavant frère de bagarre de Mike. Nathan a fini par trouver un travail à plein temps, lui, et semble satisfait de ce nouveau départ.

© © Devisio Pictures

En marge

Mike n’est pas sans rappeler le personnage du jeune père de Georgie dans Scrapper, interprété par Dickinson. Un être marginal, qui aimerait sincèrement bien faire, mais qui oscille entre pertes involontaires de moyens, et refus conscient de suivre les lignes et de respecter les personnes qui l’entourent. Mike n’éprouve que peu, voire pas, de compassion envers Simon, l’homme qu’il a agressé. Pire, il est visiblement démuni face à lui, incapable d’un seul mot.

Dickinson étant lui-même engagé dans le milieu associatif autour de personnes qui souffrent de précarité et d’addiction, son écriture témoigne d’un pragmatisme certain, dénué de fausses croyances. Il s’emploie notamment à ne pas présenter Mike comme un personnage continuellement en proie à ses démons, et qui serait face à une situation binaire – choisir entre le bien ou le mal. Le long métrage montre la complexité de la lutte de cet urchin, ce « gosse », dont le combat commence d’ailleurs envers lui-même. En cela, Frank Dillane offre à Mike de belles aspérités.

Évasion rêvée

« Vivre dans une sérénité quotidienne, sans passage à vide », voilà la perception de la vie idéale d’Andrea. Mike, plus réaliste, évoque la triste fatalité de ces périodes de trouble. Et pour s’en évader, il lui reste sa famille choisie, et son imagination.

Car Mike n’a de repos qu’en un lieu : ses rêves, qu’ils soient plus ou moins conscients. Ici, ce monde prend la forme d’un labyrinthe de grottes, au milieu d’une végétation dense. D’ailleurs, Scrapper faisait aussi la part belle à l’imaginaire et au fantastique, sous la forme d’un décor offrant calme et mysticisme, comme ici dans Urchin. Un univers parallèle qui prend une place de taille dans la réflexion du personnage, et lui permet de fuir le réel. Pour un temps. Dans ce genre social-fantastique, il y avait enfin Bird, magistral en la matière. Et si Urchin en offre une belle amorce, il ne s’engage pas franchement dans cette direction. À regret.

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