CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2025 – « Que ma volonté soit faite » : Faire couler le sang

Que ma volonté soit faite
© New Story

QUINZAINE DES CINÉASTES – Présenté à la Quinzaine des cinéastes, Que ma volonté soit faite est le troisième film de Julia Kowalski. La cinéaste franco-polonaise sonde l’émergence du désir sur le mode horrifique dans un film formellement audacieux, mais un peu inégal.

Nawojka (Maria Wróbel) vit dans une ferme avec ses deux frères et son père. La famille est polonaise, et bien intégrée. Tomek (Przemysław Przestrzelski), le frère, est sur le point de se marier avec une femme du coin. Seule manque la mère. Atteinte d’un «  mal  » mystérieux, celle-ci a été emportée par les flammes. C’est ce feu, matriciel pour la vie de Nawojka, qui ouvre Que ma volonté soit faite. Possédée d’un mal étrange qui la plonge dans des états de transe, Nawojka se lie alors avec Sandra, une voisine rejetée par le reste du village.

Féminité de boue et de feu

Progressivement, Nawojka se sent contaminée par ce « mal » hérité de sa mère. Elle se retrouve prise d’épisodes de possession, en transe, où s’agitent en elle des forces obscures. Elle n’est pas la seule à être atteinte d’un trouble : une épidémie touche plusieurs vaches de l’exploitation familiale. Une gelée blanchâtre et bizarre se déverse près de leur corps. Maintes fois filmée en gros plan, cette matière visqueuse et inquiétante devient le symbole du désir grandissant chez Nawojka. Elle renvoie aux fluides et liquides que l’on cherche à invisibiliser. Ceux qui font circuler le désir et la sexualité en chacun·e.

Rapidement, un dialogue se met en place avec Sandra (Roxane Mesquida), voisine effarouchée, jugée «  trop  » par le reste du voisinage. Trop provocante, trop sulfureuse. La féminité de Sandra déborde et dérange dans le village. Elle contrarie, terrifie, même, profondément ses habitant·e·s. Seul le regard de Nawojka est différent. Elle observe Sandra avec un mélange de fascination, d’attirance et d’empathie.

Nawojka et Sandra semblent se reconnaître chacune dans l’autre. Une attraction profonde les unit, un même appel vers une féminité libre, et même diabolique. Roxane Mesquida est un choix de casting tout à fait cohérent pour incarner Sandra. De Breillat à Gossip Girl, sa filmographie est truffée de rôles de jeunes filles, avec toujours cette force frondeuse qui la caractérise.

Ruralité renversée

Le film tisse un langage symbolique riche, à partir du territoire rural qu’investit la cinéaste. Dans cette campagne sinistre, ce sont ses éléments – boue, terre, feu, animal exploité (vache) – qui deviennent de puissants symboles d’une féminité monstrueuse. Le montage orchestre, juxtapose, et dynamite le tout. C’est un travail plastique saisissant, parfaitement accompagné par la musique de Daniel Kowalski.

Il manque, hélas, une dimension supplémentaire à l’exploration à ces forces obscures qui muent Nawojka. Une exploration plus organique, plus viscérale, que le film évoque mais ne figure jamais totalement. Reste que Julia Kowalski se réapproprie le motif de la jeune fille, tant balisé au cinéma, pour en faire une figure éruptive et horrifique.

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