Alors que le Festival de Cannes boucle tout juste sa programmation, et s’apprête à devenir l’épicentre de la cinéphilie mondiale, petit tour d’horizon de quelques films qui composent les sélections de cette 78ème édition.
Première fois qu’un premier long-métrage ouvre le festival, et troisième femme en 78 ans à faire l’ouverture, Partir un jour d’Amélie Bonin s’impose comme un geste de programmation qui détonne. Un choix sans doute moins cynique que Le deuxième acte de Quentin Dupieux, qui proposait une sorte de réflexion réac’ sur la mort du cinéma. Il prolonge la tradition instaurée depuis quelques années d’ouvrir le festival avec un film français, qui sort simultanément en salles. Une façon de continuer de faire de l’ouverture du festival une fête nationale, pourquoi pas sur un air des 2Be3.
Une compétition entre tradition et nouveauté
La compétition officielle accueille quelques habitué·e·s de la Croisette, comme les indéboulonnables frères Dardenne, qui reviennent avec une nouvelle chronique sociale, Jeunes Mères. L’on retrouve d’autres figures bien installées du cinéma d’auteur mondial, Kleber Mendonça Filho, Jafar Panahi et Joachim Trier, qui signe un nouveau film avec l’actrice Renate Reinsve, Valeur sentimentale. Wes Anderson sera également de la partie avec The Phoenician Scheme, qui promet d’inonder le tapis rouge de stars américaines.
La compétition s’élargit néanmoins à une nouvelle génération de cinéastes, notamment passé·e·s par la Berlinale. La cinéaste espagnole Carla Simón (Ours d’Or en 2022 pour Nos Soleils) y présentera Romería, et la cinéaste allemande Mascha Shillinski, Sound of Falling. Un film d’époque ambitieux, étalé sur quatre générations, qui donnera le coup d’envoi de la compétition. Précédé d’une grande hype, il cristallise les espoirs placés sur le cru 2025. Sirât marque la première sélection en compétition officielle du réalisateur franco-espagnol Olivier Laxe, qui mettra en scène un voyage initiatique dans les montagnes du Maroc. Rajouté aussi à la dernière minute, Résurrection, du cinéaste chinois Bi Gan, promet une grande aventure SF. Des cinéastes qui incarnent ainsi un renouveau de la recherche auteuriste.
A noter aussi, la présence de Ari Aster. Le maître du elevated horror inaugure sa première sélection cannoise avec Eddington. Un nouvel opus qui semble prendre comme sujet le chaos contemporain des années 2020 – avec pour l’instant la meilleure affiche signée David Wojnaricz, artiste et activiste décédé du sida.

Femmes cinéastes en hausse
Ce sont sept femmes cette année qui font partie de la Compétition officielle, contre quatre l’année dernière. Une nette amélioration, qui inclue quelques habituées de la Croisette : Chie Hayakawa, Hafsia Herzi – pour la première fois en compétition -, Kelly Reichardt, Lynne Ramsay, et Julia Ducourneau. Après le sacre deTitane en 2021, son nouveau film, Alpha, pourrait peut-être hisser la cinéaste française au cercle très restreint des doubles palmés.
Promis le ciel d’Erige Sehiri fera lui l’ouverture d’Un Certain Regard. La cinéaste franco-tunisienne signe un nouveau film choral, porté par l’actrice Aïssa Maïga. The Chronology of Water, le premier film de l’actrice Kristen Stewart, sera également présenté en sélection. Adapté du roman éponyme de l’autrice Lidia Yuknavitch, le film racontera le destin de Lidia, qui, après un passé traumatique, trouvera réparation à travers la natation, et l’exploration de sa sexualité. Autre adaptation littéraire en vue, Love Me Tender, de la cinéaste française Anna Cazenave Cambet, adapté du roman de Constance Debré.
Voix plurielles
La Quinzaine des Cinéastes propose une sélection éclectique, composée à la fois d’auteurs confirmés (Christian Petzold, Robin Campillo, Nadav Lapid) et de cinéastes émergent·e·s (Louise Hémon, Prïncia Car, Hasan Hadi). Elle continue ainsi son travail de défrichage, fidèle à sa mission originelle d’impulser une nouvelle vague dans un monde en pleine métamorphose. Parmi les films attendus, l’on retrouve Que ma volonté soit faite de Julia Kowalski, un film horrifique lesbien en milieu rural. Sera également présenté Militantropos, documentaire sur l’invasion russe en Ukraine des cinéastes Alina Gorlova, Yelizaveta Smith, et Simon Mozgovyi.
À l’ACID, c’est Sophie Letourneur qui ouvre la sélection. Après Voyages en Italie, la cinéaste poursuit son travail autour du couple, de la famille et du quotidien avec L’aventura. Une sélection qui semble exprimer un certain goût pour les marges, notamment avec les films Laurent dans le Vent de Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon, et Nuit obscure – « Ain’t I a child » de Sylvain George. Autre grand moment à venir pour l’ACID : la diffusion de Put Your Soul On Your Hand and Walk, de la cinéaste iranienne Sepideh Farsi. Ce documentaire chronique des échanges avec la photojournaliste gazouie Fatma Hassona, qui a récemment été tuée lors d’un bombardement israélien. La projection aura une résonance particulière, alors que se poursuit le massacre à Gaza.

Semaine insolite
Côté Semaine de la critique, l’on pourra découvrir, en séance spéciale, Des preuves d’amour d’Alice Douard. Après son court-métrage L’Attente, la réalisatrice continue d’explorer la maternité lesbienne. En séance spéciale également, Baise-en-ville, le deuxième long-métrage de Martin Jauvat, qui poursuit ses aventures en banlieue après Grand Paris.
Left-Handed Girl , le premier long-métrage de Shih-Ching Tsou, sera en compétition. La collaboratrice et productrice de Sean Baker avait co-réalisé Take Out en 2004. Enfin, peut-être, le pitch le plus cocasse de cette édition 2025 est à retrouver dans la sélection de la Semaine, Un fantôme utile, du cinéaste thaïlandais Ratchapoom Boonbunchachoke : « Après la mort tragique de Nat, victime de pollution à la poussière, March sombre dans le deuil. Mais son quotidien bascule lorsqu’il découvre que l’esprit de sa femme s’est réincarné dans un aspirateur. » Preuve que tout est possible à Cannes !
Le 78ème Festival de Cannes se déroule du 13 au 24 mai 2025. Le programme complet de la Sélection officielle est à découvrir sur le site du festival.