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Rencontre avec Ronnie : « J’aime que chaque projet raconte une histoire et ait du sens »

RONNIE-(c)Anaelle-Turc
RONNIE-(c)Anaelle-Turc

Un timbre délicatement ébréché, une pop aussi douce qu’espiègle : voici Ronnie.

Originaire de Grenoble, Ronnie fait ses premiers pas en 2023 avec son EP Limonade et enchaîne plusieurs singles, jusqu’à rejoindre le label Entreprise (Voyou, Jäde, Nelick). Avec son nouvel EP La Romance composé de cinq titres, elle franchit une nouvelle étape, et affirme pleinement son esthétique musicale : une folk apaisante, sublimée par des sonorités pop intimistes.

En posant une voix douce et mélancolique, Ronnie façonne ses chansons comme des refuges. Sa musique s’écoute comme une confidence. Son univers artistique, imprégné de rêverie et d’introspection, trouve ses racines dans son enfance : dans son travail, la rêverie et l’introspection s’entrelacent, nourries par des souvenirs d’enfance. Ronnie, c’était le nom d’une tortue qu’elle a partagé avec son frère, symbole de lenteur et de douceur, à l’image de sa musique. Rencontre.

Peux-tu commencer par te présenter ?

Oui, je suis Ronnie. Je fais de l’indie, folk, pop, bedroom… Je ne sais pas trop comment définir ça. En tout cas, c’est de la musique douce, un peu rythmée mais avant tout, douce. J’ai 27 ans.

Quand as-tu commencé la musique ?

Je dirais que c’est difficile à dater précisément car je suis un peu autodidacte. Petite, je chantais déjà avec mon père, qui faisait de la musique. Puis, vers la fin du collège, j’ai eu ma première guitare et c’est là que j’ai commencé à chanter. Écrire des chansons par contre, c’est vraiment venu en 2020. C’est à ce moment-là que j’ai écrit mes premières chansons, qui ont donné naissance à mon premier EP, Limonade. Ensuite, j’ai fait ce deuxième EP avec le label Entreprise.

Qu’est-ce qui t’a inspiré pour écrire les cinq morceaux de La Romance ?

Cet EP est vraiment le reflet de sentiments que j’ai mis en musique. Ce sont des émotions qui me traversaient ou des questionnements personnels que j’avais à ce moment-là dans ma vie. Ces sentiments ont ensuite été transformés en chansons, pour raconter une histoire.

Quelle histoire voulais-tu raconter alors ?

La Romance, c’est une histoire d’amour. J’ai voulu qu’elle soit suffisamment ouverte pour que chacun puisse s’y retrouver. Ce sont des choses que l’on peut tous vivre dans une relation amoureuse : la rencontre, les moments forts, les doutes aussi, surtout au début d’une relation. C’est tout ça que j’ai voulu mettre dans cet EP.

Est-ce que tu vois ça comme une sorte de boîte à outils, une collection d’émotions qu’on peut vivre dans ces moments-là ?

Je ne sais pas si je fonctionne comme ça. Pour moi, les chansons viennent très naturellement. Je ne m’assois pas avec l’intention de dire « je veux écrire sur tel ou tel sujet ». Je prends généralement ma guitare ou un autre instrument, je chante, et la mélodie m’inspire les mots. Ces mots se transforment en une histoire. C’est toujours quelque chose qui découle de moi sans que je sois vraiment consciente du sujet. C’est ma façon de fonctionner, en fait.

Dans ta musique, on perçoit une atmosphère très douce et intime, mais aussi une touche d’humour, une légèreté. Comment parviens-tu à équilibrer ces éléments dans tes chansons et tes textes ?

Je pense que l’humour et la légèreté viennent surtout de l’image qui entoure Ronnie. Mes textes sont plutôt centrés sur les émotions, et je ne cherche pas vraiment à faire de l’humour dans les paroles. Ce n’est pas forcément ce qu’on perçoit dans mes chansons, mais plutôt dans l’image : la façon dont je fais mes photos, les clips, et la manière dont je me présente. C’est cette légèreté visuelle qui permet d’adoucir des sentiments qui peuvent être assez sérieux ou communs. En fait, cela m’aide à en parler plus simplement, plus facilement.

Est-ce que c’est une manière pour toi de t’approprier des thèmes difficiles à aborder ?

Oui, probablement. Cela me permet d’être plus libre dans l’expression de mes idées et de parler de sujets plus variés. Mais je ne suis pas sûre, c’est une manière de fonctionner, sans vraiment le vouloir consciemment.

Tu évoques ton univers visuel, et c’est vrai qu’il est très marqué. Tu as une palette de couleurs très reconnaissable dans tous tes visuels. Qu’est-ce qui t’a poussée à faire ces choix esthétiques, notamment au niveau des lumières, de la direction artistique et des typographies ?

En fait, l’image fait partie de ma vie depuis longtemps, bien avant la musique. J’ai fait un master en graphisme avant de me lancer dans la musique. C’est donc essentiel pour moi que l’image accompagne la musique et que tout cela fasse sens ensemble, formant un vrai projet cohérent. Ces choix esthétiques font également partie de ma personnalité, c’est simplement ce que j’aime. Le fait d’avoir une palette de couleurs marquée permet de donner une légèreté et une touche humoristique à des chansons qui sont parfois plus personnelles et sensibles. C’est un contraste que j’aime beaucoup. Et ça apporte aussi une certaine poésie à mes propos.

Une de tes références visuelles, dernièrement, c’est le photographe Martin Parr. Qu’est-ce qui t’attire dans son travail ?

Oui, j’adore Martin Parr. Il capture des moments de la vie quotidienne d’une manière un peu décalée, souvent avec des flashs très puissants et une surexposition. Ce qui me plaît, c’est l’idée de capturer la beauté dans des moments du quotidien, de mettre en lumière ces instants avec de la couleur. C’est ce que j’aime dans ses photos : elles sont à la fois touchantes et décalées.

C’est marrant que tu dises ça, parce que la première fois que j’ai vu tes visuels, ça m’a fait penser à une des images de Martin Parr, celle où une personne très bronzée mange une glace à l’italienne sur la plage.

(Rires) Oui, je vois exactement laquelle tu veux dire. C’est chouette que tu aies vu cette référence-là.

Ronnie – © Annaelle Turc

Pomme, Clairo, Novembre Ultra, font partie des inspirations qu’il t’arrive de mentionner. Qu’est-ce qui t’attire dans leurs univers musicaux ?

Parler de ses goûts, c’est toujours un peu compliqué, mais je pense que ce que j’aime, c’est la douceur. Clairo, par exemple, c’est très doux. Elle parle de sujets sentimentaux ou autres avec une certaine dose d’humour, un côté un peu désinvolte. Ça me ressemble un peu, j’aime bien. Et Novembre Ultra, j’adore. Elle a une voix magnifique et sa façon d’écrire et de composer, c’est vraiment beau.

Est-ce que pour toi, c’est la voix qui donne une grande partie de l’univers d’un morceau ?

Oui, clairement. La voix, c’est essentiel. Clairo, Men I Trust aussi, ont un traitement très particulier de la voix. C’est ce qui fait leur charme, ce côté doux mais aussi unique. C’est quelque chose que j’aime beaucoup, et j’y porte une grande importance dans ma musique.

Et toi, comment tu travailles ta voix, notamment quand tu passes de l’étape guitare et écriture à l’enregistrement ?

Quand je compose, c’est vraiment très personnel. Je crée avec ma guitare, et c’est ce que je ressens à ce moment-là. Ensuite, quand on passe à l’enregistrement avec d’autres personnes, on essaie de retranscrire l’émotion. Par exemple, sur « Les Jours Passent », la dernière chanson de l’EP, ma première démo enregistrée dans ma chambre avait beaucoup plus d’émotion que l’enregistrement en studio. Finalement, on a gardé cette première version, même si le son n’était pas parfait, parce que l’émotion était plus forte.

Est-ce que tu travailles avec des producteurs différents selon les morceaux ?

Oui, pour La Romance, j’ai travaillé avec Marin Zannad, le réalisateur de l’EP. On s’est rencontrés à Entreprise et on a tout fait ensemble. Pour « Le Parfum », c’est un morceau que j’avais commencé avec Voyou au Mexique, et on l’a réarrangé avec Martin.

Tu parles beaucoup de différents endroits où tu as vécu, comme Grenoble, Paris, le Mexique… Est-ce que ces lieux influencent ton travail ?

Oui, sûrement. Les endroits où je suis influencent la façon dont j’écris, même si je peux très bien écrire chez mes parents à Grenoble, à Paris ou dans un studio. Mais je pense que l’environnement joue un rôle important dans l’inspiration.

Est-ce que tu associes ton écriture à une saison particulière ?

Je pense que les saisons influencent ma musique. Certaines chansons ont été composées pendant l’été, et cette ambiance de vacances, de transition, se ressent dans l’émotion.

Comment tu vois l’unité de temps dans ton EP, étant donné qu’il raconte une histoire linéaire ?

J’aime que chaque projet, qu’il soit un EP ou un album, raconte une histoire et ait du sens. Je n’ai pas envie de faire juste une collection de chansons. Pour La Romance, j’ai voulu que tout soit lié, que chaque chanson fasse partie d’un moment précis dans le temps.

Entre ton premier et ce deuxième EP, comment tu sens l’évolution, tant sur le plan personnel que professionnel ?

Il y a une grosse différence. Limonade, c’était vraiment quelque chose que j’ai fait seule, dans un contexte plus personnel. La Romance, c’est plus professionnel, j’ai été entourée par des gens, un label, ce qui a tout changé pour moi. J’ai beaucoup appris et ça m’a enrichie de manière exponentielle.

Tout ce cadre professionnel, est-ce que ça t’a rassurée pour ce nouveau projet ?

C’est rassurant, mais je pense qu’on est tous un peu à la recherche de validation quand on crée. Ça me rassure d’être entourée et d’avoir une équipe, mais il y a toujours un doute, une part de moi qui se demande si ce sera suffisant.

Est-ce que tu as déjà joué cet EP en live ?

Oui, hier ! C’était ma release party au Mazette. On a joué tout l’EP en live avec Greg et Léo qui m’accompagnent sur scène. C’était super chouette !

Ronnie – © Anaelle Turc

Et la setlist, tu la gardes dans le même ordre que sur l’EP ?

Non, je ne garde pas strictement la même. En live, l’enjeu autour de l’écoute n’est pas le même que chez soi. Le but, c’est de véhiculer des émotions. La setlist est organisée pour donner à chaque chanson sa place émotionnelle.

Tu as déjà eu des retours du public ?

J’espère que ça leur plaît ! C’est toujours un peu flou, mais l’essentiel, c’est qu’ils vivent un moment, qu’ils ressentent quelque chose.

En parlant de ton premier EP et des thèmes, pour La Romance, tu parles des relations. Est-ce que c’est un thème que tu avais « réglé » en musique ?

Non, je ne me dis pas « c’est fait, maintenant je passe à autre chose ». Les thèmes arrivent naturellement, en fonction de ce que je vis ou ressens à un moment donné. C’est toujours fluide.

Tu dirais que ta musique t’aide à grandir, à avancer ?

Oui, je pense qu’elle fait partie de mon évolution. Elle me permet d’exprimer des choses que je n’aurais peut-être pas dites autrement.

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