Réécrire. C’est ce qu’a fait la circographe et artiste de cirque Maroussia Diaz Verbèke en revisitant son initial CIRCUS REMIX, projet qu’elle a créé en 2021, pour réécrire son propre manifeste et déployer une nouvelle version pleine de nuances et de surprises : CIRCUS REMAKE.
À l’opposé du solo initial, ce remake fait place à un duo magnétique qui revisite les grands codes du cirque. CIRCUS REMAKE met en lumière la poésie et la complexité de l’univers circassien, et se déploie pendant 1h40 tant sur le plan visuel que sonore.
Déjouer les attentes du cirque
Le duo composée de Theresa Kuhn et Niń Khelifa, respectivement expertes de la corde souple et de la corde volante, traverse les disciplines avec une fluidité déconcertante, et donne à voir aussi bien une technique exigeante qu’une expressivité théâtrale riche. D’un numéro à un autre, leurs corps se croisent, s’élèvent, se suspendent, se réinventent, et ne cessent de surprendre.
À l’instar de René Magritte, qui affirmait qu’un mot pouvait remplacer un objet dans la réalité, CIRCUS REMAKE utilise des subterfuges multiples pour déplacer et transformer les éléments du cirque traditionnel. À travers des performances qui mêlent jeu physique et réflexion intellectuelle, ce spectacle traverse époques, concepts, et réflexions.
Dans cette même logique de réappropriaiton du sens, Niń Khelifa, vêtue d’un sweat “Je suis un tigre”, incarne littéralement l’animal, et, en “bête de cirque”, saute à travers un cercle de feu. Une tentative de flouter, avec humour et audace, la frontière entre le réel et l’imaginaire, dans un second degré qui se déploie et s’intensifie tout au long de la pièce.
Toute la chorégraphie de CIRCUS REMAKE est calquée sur la bande-son, résultat d’un travail dantesque de collage d’archives radiophoniques composé avec des voix de penseur·euses et écrivain·es. Roland Barthes, Pierre Desproges, Peter Brooke, Brigitte Fontaine ou encore Françoise Héritier pour n’en citer que quelques uns, unissent leurs propos pour créer un objet sonore qui se suit tout au long du spectacle. Leurs mots, extraits de pensées existentielles ou de récits de vie, deviennent un narrateur continu, qui se mêle aux gestes et aux émotions porté par Theresa Kuhn et Niń Khelifa. Les archives se tissent pour offrir une réflexion sur le temps qui passe, les dilemmes humains, la place et l’histoire du cirque .
Un concept en filigrane
Si le spectacle se revendique comme un remake de CIRCUS REMIX, il semble plus être question d’un nouveau langage, d’un nouveau regard sur le cirque, que d’une réinvention ou d’une extension du premier travail. Le manque de clarté dans l’interconnexion des œuvres, sans jamais être grave pour autant, interroge, et laisse parfois une impression de distance entre l’intention et la réalisation. L’énergie des deux interprètes, bien qu’indéniable, semble parfois manquer de rythme et d’intensité, laissant le spectacle s’essouffler avant de retrouver sa vigueur. Idem avec les archives sonores qui forment une toile de fond qui, tout en restant captivante, peut parfois devenir un peu écrasante. La densité sonore manque parfois de respirations, emportant avec elle la possibilité d’une pause plus contemplative qui aurait été bienvenue.
Au-delà du cirque, au-delà du remake, CIRCUS REMAKE est un appel à repenser notre rapport au monde à travers le prisme du jeu et de l’imaginaire. Dans ce flou bien pensé, c’est peut-être cette liberté de déborder les formes qui incarne véritablement l’esprit du cirque : une discipline en perpétuelle métamorphose, capable de se repenser, de se déconstruire, de se créer autrement.
CIRCUS REMAKE. Par MAROUSSIA DIAZ VERBÈKE, Compagnie LE TROISIÈME CIRQUE, avec Niń Khelifa et Theresa Kuhn. Au Théâtre Silvia Monfort à Paris du 05 au 12 février 2025. Durée : 1h40. Spectacle en français. En tournée les 07 et 08 mars à l’Espace 1789, Saint Ouen et les 16 et 17 mars au Théâtre de Gascogne, Saint Pierre du Mont.
