UN CERTAIN REGARD – Vingt Dieux est le premier long métrage de la Jurassienne Louise Courvoisier. Un premier film lumineux et intelligent, porté par une bande d’acteur·ice·s non professionnel·le·s géniaux.
Totone a tout juste 18 ans. Et la mort soudaine de son père sur laquelle s’ouvre Vingt Dieux, le charge d’une nouvelle responsabilité : s’occuper de sa petite sœur. Lui qui avait pour habitude de courir les bals et les filles de sa région – le Jura – avec sa bande de copains, doit désormais trouver de nouvelles ressources pour tenir le coup.
Le jeune homme se fait d’abord embaucher dans une usine qui fabrique du Comté. Il lave les cuves et part à 4h du matin de chez lui, sa soeur dans les bras, pour faire la collecte du lait des fermes du coin. Louise Courvoisier esquisse ici le quotidien d’un corps de métier, celui des éleveur·euse·s et agriculteur·ice·s, peu investi par le cinéma de fiction.
Et la réalisatrice a l’intelligence scénaristique de doubler cette chronique paysanne par celle des réseaux de solidarité et d’amitié qui structurent cette adolescence qui grandit loin des grandes villes. Car quand Totone se fait virer de son job en raison de règlements de compte qui dégénèrent en baston, ce sont ses amis qui se mobilisent à ses côtés pour produire le meilleur comté de la région, et ainsi l’aider à gagner les 30 000 euros de la médaille d’or du meilleur Comté. L’idée est folle, irréalisable, ses amis le sentent bien, mais elle est surtout désespérée. Et l’aventure qui s’en suit permet à la Louise Courvoisier de brosser un portrait tout en nuances de jeunes hommes en pleine construction.
Amour, gloire et comté
A ce titre, la relation qui se noue entre Totone et Marie-Lise, jeune éleveuse ayant hérité de la ferme de ses parents, devient un nouveau terrain d’exploration qui donne de l’ampleur à Vingt Dieux. Louise Courvoisier et Théo Abadie ont un réel talent de caractérisation de leurs personnages. Et il faut bien reconnaitre qu’ils se trouvent bien aidés par les deux acteur·ice·s non professionnel·le·s, Clément Faveau et Maïwene Barthélémy, qui les incarnent avec une fraicheur malicieuse. Ensemble, les deux protagonistes explorent, avec beaucoup d’humour, les terrains de la sexualité, du sentiment amoureux, de ses joies et de ses désillusions.
Ce sens du collectif fait d’ailleurs pleinement écho au processus de création de Vingt Dieux. La réalisatrice s’est en effet entourée de membres de sa famille et de « gens de la région » pour tourner son film, dont elle a puisé l’essentiel de la matière dans sa propre enfance. Cela la prémunit de l’effet, vite arrivé, de reconstitution grossière d’un monde fantasmé. Et cela fait de Vingt Dieux un coming of age bien servi par des plans fixes et une colorimétrie lumineuse, qui rassure sur la capacité du cinéma à faire communauté.