D’origine palestinienne et américaine, Lana Lubany s’impose comme une figure inclassable de la scène musicale actuelle. Née entre deux mondes, elle fait résonner dans ses chansons les fragments de ses racines arabes et les influences occidentales qui l’ont marquée dès son enfance.
Propulsée sur le devant de la scène grâce à « The Snake », un titre devenu viral sur les réseaux sociaux, elle crée aujourd’hui des ponts entre les genres, les langues et les publics. En 2023, la sortie de THE HOLY LAND marque une étape cruciale ; un EP conceptuel de huit titres, aussi introspectif que magnétique. Avec YAFA, son dernier projet en date sorti le 30 octobre, Lana affûte sa singularité, se réinvente et aborde des thèmes universels, sans jamais occulter la complexité de son identité. Quelques heures après son concert électrisant au Hasard Ludique à Paris le 27 novembre dernier, nous l’avons rencontrée pour discuter de son parcours, de ses influences et de l’évolution de son identité musicale.
Bonjour Lana Lubany, c’est la première fois que nous nous rencontrons, pourriez-vous commencer par nous en dire un peu plus sur vous ? Comment vous présenteriez-vous à quelqu’un qui vous découvre pour la première fois ?
Lana Lubany : C’est une question facile et difficile à la fois (Rires) ! Je dirais que je suis une artiste, tout simplement. Mon nom est Lana, et ma musique cherche à brouiller les frontières. Elle s’adresse à ceux qui se sentent entre deux mondes, qui ne trouvent pas leur place. Ce mélange, cette dualité, c’est ce que je vis et ce que je ressens.
Quelle a été votre première rencontre avec la musique, et qu’est-ce qui vous a poussé à en faire votre vocation ?
J’ai appris à jouer du clavier très jeune, ça a été mon point de départ, en quelque sorte. Un jour, mon professeur m’a proposé de chanter au récital de fin d’année. J’ai oublié les paroles, mais les compliments que j’ai reçus ce jour-là m’ont donné confiance en moi. J’ai découvert que j’aimais vraiment ça, alors j’ai rejoint une chorale. À partir de là, chanter est devenu une passion. Vers 12 ans, j’ai dit à ma mère que je voulais devenir une chanteuse célèbre. Plus tard, j’ai commencé à poster des reprises sur YouTube, un peu comme Justin Bieber (Rires). Ce n’était pas un succès immédiat, mais ça m’a permis de découvrir ma voix et d’affiner mon identité musicale.
Vos origines semblent avoir une place centrale dans votre musique. Comment influencent-elles votre approche artistique ?
J’ai grandi entre deux villes, Nazareth et YAFA, qui ont donné leurs noms à mes deux EPs et albums sortis pour le moment. Mon environnement était une sorte de mosaïque : la musique arabe baignait l’atmosphère des cafés et des réunions familiales, et à côté de ça, je consommais énormément de culture occidentale. Des choses comme Disney Channel, Miley Cyrus, et ma grand-mère m’a aussi fait découvrir le jazz, le folk, les comédies musicales… Tout cela a fusionné pour créer une identité hybride, un mélange d’arabe, de pop et d’influences occidentales, que j’incarne aujourd’hui.
Vous évoquez souvent des artistes occidentales comme Rosalía ou Billie Eilish comme sources d’inspiration. Qu’en est-il du côté arabe ? Quelles figures vous ont marquée ?
Fairuz, sans hésitation. C’est une légende, sa voix est incroyablement belle. Ses chansons sont jouées partout, et je reviens toujours à elle lorsque j’ai besoin d’inspiration. Sinon il y a Lena Chamamyan, une autre artiste que j’admire beaucoup.
Vous écrivez en arabe et en anglais. Comment gérez-vous cette dualité linguistique dans votre écriture ?
C’est très intuitif. L’anglais me vient naturellement, mais mon écriture en arabe s’améliore avec la pratique. Je commence toujours par la mélodie et les sonorités, puis j’ajoute les paroles. L’arabe, pour moi, devient presque un instrument dans la production. Pour moi, les mots s’adaptent aux sons, pas l’inverse. Je veux que l’arabe dans mes chansons soit accessible, même pour ceux qui ne comprennent pas la langue. Que tout le monde puisse ressentir une connexion.
En mars 2023, votre chanson « The Snake » est devenue virale sur TikTok. Quel impact ont eu les réseaux sociaux sur votre travail ?
Les réseaux sociaux ont joué un rôle essentiel dans ma carrière. Grâce à eux, j’ai pu toucher un public bien plus large que ce que j’aurais imaginé. Mais, il y a aussi un revers : c’est très facile de se laisser piéger par les chiffres, la quête de validation, et ça peut devenir dangereux pour la santé mentale.
Au moment de l’engouement autour de « The Snake », tout est allé tellement vite autour de moi que c’était parfois difficile à gérer. Aujourd’hui, je vois les réseaux sociaux différemment : ils sont un moyen de créer une vraie connexion avec ma communauté, et avec ma sœur qui travaille avec moi, on essaie d’en faire un espace authentique, loin des pressions et des aspects négatifs qui peuvent parfois y régner.
Sur scène, vous avez l’air de partager une forte complicité avec Benjamin Thomson, votre guitariste et producteur. Pouvez-vous nous parler de cette collaboration ?
Ben est l’une des personnes les plus talentueuses que je connaisse. C’est un vrai passionné. Nous avons écrit « The Snake » ensemble, et c’est à ce moment- là que nous avons compris qu’en travaillant ensemble, on pourrait faire des choses puissantes, magiques. Il apporte une vision différente, mais complémentaire à la mienne. On se pousse l’un l’autre, on crée ensemble. La moitié de Lana Lubany, c’est lui.
Votre dernier projet, YAFA, semble très personnel. Comment vous sentez-vous après sa sortie ?
Je suis fière de ce projet, même si je n’ai pas encore eu le temps de m’arrêter pour vraiment intégrer tout ce qui est en train de se passer. Je suis très fière, tout ce qui se passe en ce moment est très gratifiant. Voir les réactions des gens, les entendre chanter sur « Nazareth » ou pleurer sur « YAFA », c’est incroyablement émouvant. Ça confirme que ce projet touche le public, et c’est tout ce que je pouvais espérer.
Hier soir pendant votre concert au Hasard Ludique, vous avez mentionné que la colère joue un rôle important dans votre musique. Quelle est votre relation entre émotions et musique ?
Je dirais plutôt la passion plutôt que la colère. Je ressens tout de manière intense. Cela se reflète dans ma musique, qui traduit souvent cette énergie. Je crois que la musique permet de transformer ces émotions en quelque chose de beau.
Votre musique a-t-elle une dimension politique ?
Ma musique parle avant tout de moi et de mon parcours personnel. Mais, étant une femme arabe, mon existence est intrinsèquement politique. L’interprétation de mes chansons est libre, l’art est fait pour être vécu différemment selon les sensibilités de ceux qui l’écoutent.
Pour finir, avez-vous une chanson que vous préférez interpréter sur scène ?
En ce moment, j’adore jouer « Nazareth ». L’énergie du public est incroyable, c’est une communion totale. J’aime aussi beaucoup jouer « The Snake » , qui me vient très naturellement maintenant. Mais « Nazareth » reste spéciale, grâce à l’accueil que le public fait à ce morceau à chaque fois !
Lana Lubany est a retrouver dans la Playlist du mois #Novembre de Maze.fr