Invité pour la troisième fois par le Festival d’Automne à Paris, l’artiste Jaha Koo y présente son nouveau spectacle, « Haribo Kimchi ». Une tentative de questionnement de la notion d’assimilation culturelle autour de la cuisine sud-coréenne.
Que dit notre cuisine de nous ? Avec « Haribo Kimchi », Jaha Koo s’empare de cette question à bras-le-corps et en fait le point de départ d’un spectacle hybride où traditions culinaires et enjeux politiques s’entrechoquent et se heurtent aux injonctions de la mondialisation. Plus qu’un simple hommage au kimchi – plat emblématique de la Corée –, le compositeur, performeur et metteur en scène sud-coréen propose une réflexion acérée sur l’identité, la mémoire et les rouages de la mondialisation.
Après la trilogie Hamartia, où il explorait l’impérialisme occidental en Asie de l’Est, Jaha Koo revient sur un terrain d’affrontement inattendu et riche en saveurs : la cuisine. Le kimchi, ce mets lacto-fermenté, souvent présenté comme le symbole national coréen, devient sous sa direction un miroir des enjeux contemporains.
Le goût amer de la mondialisation
Koo questionne : peut-on emprisonner dans une barquette plastique l’histoire d’un peuple et la réduire à un produit marketing, prêt à l’exportation ?
Sur scène, tout crépite : l’odeur d’une soupe qui mijote, le craquement des légumes sous la lame, le grésillement des champignons dans la poêle. Chaque son, chaque effluve, chaque texture est un coup porté au présent. Sur scène, une anguille robotique traverse les différents tableaux. Ce robot translucide, improbable et fascinant, oscille entre le mythe et la science-fiction, allégorie des identités en migration, des histoires qui se cherchent, des êtres en transition.
Standardisation : quand la culture passe au mixeur
Avec une ironie mordante, Koo dénonce la standardisation portée par le soft power coréen, qui transforme des siècles de savoir-faire en produits aseptisés, calibrés pour plaire au marché global. Ce spectacle hybride est une attaque directe contre la réduction culturelle imposée par la mondialisation. Koo brouille les frontières : entre le documentaire et la fiction, entre la tradition et la modernité, entre la poésie visuelle et la critique sociale.
Certes, on peut regretter une dépendance un peu lourde aux écrans numériques qui, parfois, éteignent l’énergie brute de la performance. Mais qu’importe : l’essentiel est ailleurs. Jaha Koo impressionne par sa capacité à faire de la nourriture une métaphore universelle. Le kimchi, ce mets fermenté qui transcende les âges et les frontières, devient le symbole d’identités mouvantes. « Haribo Kimchi » transforme un plat emblématique en une critique cinglante des dynamiques globales. C’est un spectacle qui refuse le confort et préfère provoquer, quitte à renverser la table.
En sortant de « Haribo Kimchi », pas de réponses, mais un tourbillon de questions : que raconte la cuisine de notre histoire ? Peut-elle encore être un espace de résistance dans un monde qui veut tout digérer, tout formater ?
« Haribo Kimchi » n’a rien d’une carte postale lisse de la Corée du Sud. C’est un miroir brisé où chacun peut voir ses propres migrations intérieures, ses nostalgies et ses contradictions. Avec ce spectacle, Koo allume un brasier. La nourriture, dit-il, n’est pas qu’un refuge ou un langage. C’est un champ de bataille. Alors, chaud devant.
Haribo Kimchi de Jaha Koo, du 09 au 14 décembre au Théâtre de la Bastille