CINÉMA

« Conversation avec Martin Scorsese, en notes et en images » : Living in a musical world

Martin Scorsese sur le tournage de Raging Bull © Wichita Films
Martin Scorsese sur le tournage de Raging Bull © Wichita Films

Depuis son enfance, le légendaire réalisateur américain Martin Scorsese entretient un rapport passionné et complexe avec la musique. C’est le point de départ du nouveau film de Clara et Julia Kuperberg, le duo derrière le documentaire Billy Wilder la perfection hollywoodienne. Conversation avec Martin Scorsese, en notes et en images sera diffusé sur Ciné+ OCS ce samedi 14 décembre.

Dans ce documentaire, qui a pour trame un entretien accordé par le cinéaste en 2005, Martin Scorsese revient sur son usage de la musique au cinéma. Les sœurs Kuperberg y apposent des images (et des sons  !) avec rigueur, intelligence et simplicité. Néanmoins, l’angle mort du film est de taille : aucun film postérieur aux Infiltrés (2006 — il est alors en préparation) ne sera évoqué.

La première valse

Le lien presque organique entre le cinéma scorsesien et le quatrième art a pour racines ses premières impressions d’enfant. Dans son quartier new-yorkais, se jouait en permanence un maelström musical mêlant «  opéra, jazz, swing, musique populaire, rock’n’roll  ». Cet ensemble alléchant, disparate, à la rencontre entre musiques populaires et savantes, faisait le quotidien du jeune Marty.

Ce qui explique peut-être son recours régulier à des musiques préexistantes pour habiller ses films. Dans la bande-son de Casino (1995), on peut entendre, entre les notes de la Passion selon Saint-Matthieu de Bach qui ouvrent et clôturent le film, les Rolling Stones, Cream ainsi qu’une reprise du Thème de Camille issu du Mépris de Jean-Luc Godard. L’une des plus notables exceptions est celle de Taxi Driver, où ne résonne (presque) que le jazz eschatologique de Bernard Herrmann. De là à lier cette absence aux tourments du personnage principal, il n’y a qu’un pas — que semble franchir Scorsese.

Clara et Julia Kuperberg © Wichita Films

Sound and Vision

Au cours du documentaire, Martin Scorsese revient également sur sa méthode. Beaucoup rêveraient sans doute d’être une petite souris pour assister à ses soirées de préparation musicale :

«  En général, quand je travaille sur un scénario ou sur un projet, ce qui me vient en premier, c’est la musique. C’est souvent de la musique populaire que je connais, de la musique du passé. Ensuite, je m’enferme dans une chambre (…). Sans sortir. Je sors peu, de toute façon. Je mets une robe de chambre et des chaussons, je n’ouvre à personne. Je passe de la musique de l’époque du film, ou pas, et je commence à concevoir les scènes.  »

Martin Scorsese, dans Conversation avec Martin Scorsese, en notes et images.

Cette méthode s’avère payante. En effet, parmi ses séquences musicales, certaines sont devenues emblématiques tant la symbiose entre les images et les sons est évidente. Cela coule de source. Par exemple, cette magnifique séquence qui ouvre Mean Streets (1973) sur fond de Be My Baby des Ronettes — évoquée à juste titre par Blow Up dans une vidéo consacrée au sujet. Les notes de Dropkick Murphys dans Les Infiltrés témoignent de cette déconcertante facilité du cinéaste à allier images et sons. De même lorsque retentissent les premières notes de Sunshine of Your Love de Cream dans Les Affranchis (1990).

Martin Scorsese sur le tournage d’Aviator © Wichita Films

Silence ?

Au fond, ce qui charme Martin Scorsese, ce sont les similitudes entre le cinéma et la musique, après avoir baigné dans un monde où la télévision était en plein essor et les rues étaient gorgées de musique(s). Son œuvre cinématographique met ainsi l’accent sur le rythme et la sensorialité des images couplées aux sons.

«  Le cinéma, c’est de la musique. Le rythme du montage, les travellings, les mouvements de l’acteur, les mouvements du cadre… Il y a une mesure, comme en musique. On crée un rythme et un tempo. C’est musical en soi. Si en plus, on ajoute de la musique, ça devient exceptionnel. »

Martin Scorsese, dans Conversation avec Martin Scorsese, en notes et images.

Pour le cinéaste, cette passion s’est évidemment concrétisée dans des films de non-fiction. En effet, il a signé deux documentaires sur Bob Dylan, et un autre sur George Harrison. Cela sans compter les captations de concerts de The Band ou des Rolling Stones, ou le clip, culte, de Bad de Michael Jackson.

Cependant, l’un des éléments les plus passionnants du documentaire est sans doute celui de l’emploi du silence par Martin Scorsese. Car c’est au fond la question qui se pose : jusqu’où cherche-t-on à entraîner le spectateur dans la danse ? Quelle marge lui accorder ? Quelles émotions lui transmettre ? Avec quels sons ? À quel moment ? Toutes ces questions, et d’autres, habitent Conversation avec Martin Scorsese, en notes et en images à découvrir sur Ciné+ OCS le 14 décembre.

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