Collection d’images, Les Pisseuses recueille des représentations de femmes lors de la miction accompagnées de deux textes érotiques d’auteurs du 19ème siècle.
Le Manneken-Pis mais aussi la moins connue Jeanneke-Pis, les putti pisseurs du Quattrocento, La Femme qui pisse de Rembrandt. L’histoire de l’art regorge de « figures pissantes ». Cette expression est le titre éponyme de l’ouvrage de recherche de Jean-Claude Lebensztejn sur l’iconographie des pisseurs et des pisseuses, figures sacrées ou profanatrices, excitantes ou révoltantes selon les époques et les oeuvres.
Fondées par Franck Guyon et Séverine Gallardo, les éditions Marguerite Waknine font le pari de réaliser un livre qui se concentre exclusivement sur des figures féminines captées en train d’uriner. Des Pisseuses est composé d’un cahier d’images accompagné d’écrits érotiques de Louis Perceau et de Pierre Louÿs.
Le livre est paru dans une des trois collections des éditions Marguerite Waknine : « Livrets d’art ». Cette dernière nous rappelle les carnets d’école recouverts d’un protège-cahier transparent. Chaque livre comprend deux livrets non cousus. Il s’agit d’une rencontre entre le réveil de textes littéraires oubliés et des œuvres graphiques peu connues. On pense à quelques uns de leurs ouvrages tels que Clowns, les Fenêtres ou les Tatoué(e)s.
De son puits d’amour, plus chanté / Que la fontaine de Vaucluse / L’urine, en un jet irrité, / S’échappe avec un bruit d’écluse.
“La Gaillarde Commère” – Les Pisseuses de Louis Perceau
Histoires d’ondinisme
Qu’est-ce qui distingue l’obscène de ce qui ne l’est pas ? Louis Perceau et Pierre Louÿs mettent en mots des scènes d’ondinisme (aussi appelé golden shower). Cette pratique définit l’excitation érotique des amant.es provoquée par leur urine et/ou celle de leur partenaire. Il y a celles qui pissent pour elle, celles qui pissent pour d’autres. Celles qui le font debout, accroupie ou au lit. Ces phrases ricochent avec les oeuvres, par exemple, de François Boucher ou Paul Gauguin.
© Derrière les herbes hautes, Felix Jacques Moulin / © L’Œil Indiscret, François Boucher
D’ailleurs, c’est à se demande si ces fluides sont vraiment toujours dorés. Est-ce pour éviter la censure ou par méconnaissance que pisse et cyprine se confondent dans leur texte ? Pierre Louÿs a cette expression : « pisser autant de blanc que de jaune ». Et si ces femmes qui pissent – représentées par des hommes – étaient tout simplement des femmes qui jouissent ?
Dès la quatrième de couverture, le livre se place sous l’égide d’une réflexion plus large quant à la position du spectateur.ice comme voyeur.euse. Pourtant ces pisseuses-ci ne sont l’objet que du seul regard masculin. Images et textes sont des œuvres d’hommes sur des femmes pissantes. Néanmoins, ce livre a le mérite de remettre au centre la figure sulfureuse de la femme qui ose pisser sans honte.
Alors on pense à celles qui documentent ces manières de pisser. Elles parodient ce geste viril du pisseur pour se réapproprier leur corps, leur sexualité et même l’espace public. Kiki Smith sculpte un Pee Body. Patti Smith intitule une de ses chansons Pissing in a river, Dojo Cat chante « All my diamonds look like piss / You want that, so I want this ». Et parfois c’est sororal. On pisse entre amies comme dans la série photographique, Pissing Women, de Sophy Rickett ; ou on fait une pipi room party entre deux bagnoles avec une bande de potes dans un film de Sophie Letourneur.