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Rencontre avec Jabberwocky : « Les albums et EP marquent des périodes de ta vie en fonction de tes influences du moment »

Crédit photo : Layla Gras

Dix ans après leur tube « Photomaton », le désormais duo Jabberwocky sort ce 18 octobre un nouvel EP, Radiance. Assumant un virage club, les deux amis sont résolument tournés vers le futur.

Avec trois albums et quatre EP à leur actif, le groupe poitevin a expérimenté la pop, l’électro et l’italo-disco. Aussi versatile que curieux, Emmanuel Bretou et Camille Camara s’amusent et expérimentent, sans barrière de styles, uniquement guidés par leurs envies. Signés depuis peu chez Amsem Records, ils adoptent une nouvelle phase de leur carrière musicale avec une musique calibrée pour faire danser les foules. On a discuté avec eux de leur parcours musical, leurs influences et du documentaire sur DJ Mehdi. Rencontre.

Salut Jabberwocky ! Pour commencer, je voulais revenir sur les débuts du groupe et plus particulièrement votre nom. Il vient d’un poème de Lewis Carroll mais pourquoi avoir choisi celui-ci ?

Emmanuel Bretou : C’est en effet un poème dans lequel Lewis Carroll met des mots valises, c’est-à-dire des mots avec plusieurs sens. Il invente des mots en en juxtaposant plusieurs ensembles. Par exemple, il y a le Snark, qui est le mélange de Snake et Shark et qui donne un nouveau sens. C’était en soirée, on discutait avec un pote philosophe qui nous a exposé ce concept-là. On a bien aimé l’univers autour, un peu onirique, ça correspondait avec la musique qu’on faisait et l’image qu’on voulait défendre dans les clips. Le mot sonne vachement moderne mais par contre, il n’est pas facile à retenir. Au début, les gens l’écrivaient mal, mais c’est passé. Une fois qu’ils l’ont retenu normalement c’est bon.

Vous sortez ce vendredi 18 octobre votre nouvel EP Radiance qui prend un virage club par rapport à ce que vous avez pu faire avant. L’envie initiale était de faire danser ?

Emmanuel Bretou : Oui, danser et aussi changer un peu de sonorités. Jusque là on faisait toujours avec des sonorités « rétro », des synthés vintage notamment sur l’EP Feeling Dancing Tempo. Avec notre EP Time is right on avait commencé ce virage house un peu plus samplé, moderne.

Camille Camara : Pour ce nouvel EP on a pris le parti d’utiliser de nouvelles machines et des techniques de production différentes. On est aussi passé de trio à duo. Donc c’était le moment de revoir un petit peu notre manière de travailler. C’est un nouvel arc en quelque sorte. Avec notre nouvelle formation on s’est posé la question de ce qu’on voulait faire. Au début on voulait repartir sur plusieurs EP italo-disco mais on s’est dit qu’on avait aussi cette envie d’amener quelque chose de nouveau dans notre musique. Les albums et EP marquent des périodes de ta vie en fonction de tes influences du moment. La démarche artistique change parce que tu changes en tant qu’individu. Au niveau du challenge c’est plus intéressant de toujours essayer d’aller faire quelque chose que tu n’as pas déjà fait.

J’ai trouvé que le morceau d’intro, « Diskmiss » sonne très Fred Again.., sur les voix pitchées, les synthés… Quelles ont été vos influences sur cet EP ?

Emmanuel Bretou : Fred Again.. forcément, mais aussi toute la scène qui découle de lui : Jamie xx, Salute, Caribou… Fred Again.. a permis de vulgariser des musiques qui sont normalement censées être pour un public un peu plus averti. Il a aussi permis d’apporter beaucoup plus d’émotions dans la musique.

Camille Camara : C’est vrai que nous, ça a toujours été un peu la source de notre musique, notre côté mélodique, un peu nostalgique. Mélanger de la pop avec des instruments un peu plus expérimentaux. C’est un truc qui nous a tout de suite parlé et qu’on avait envie de faire dans notre studio.

Vous diriez que la composition a été très différente des autres EP puisque vous avez cherché de nouvelles sonorités, de nouveaux instruments ? 

Emmanuel Bretou : On a vraiment fait cet EP à deux. Il n’y avait pas tellement de démo. Avant ça pouvait partir d’une démo de l’un qui l’envoie à l’autre et on a fait la totalité en studio. On a démarré des trucs, on a gardé et approfondi les meilleures idées. On est davantage passé par du sampling. Avant on utilisait beaucoup plus nos machines analogiques pour démarrer, notamment sur le troisième album. Boîtes à rythme ensuite, synthés, on faisait toute la compo comme ça.

Camille Camara : On a essayé d’écrire les morceaux de manière plus spontanée, plus rapidement. C’est la maturité dans la production aussi. L’expérience fait que des fois tu as moins envie de t’attarder sur des choses sur lesquelles, avant, on serait resté des mois. Ça fait une musique un peu différente. On a essayé d’être plus dans l’instant.

Vous vous entourez souvent de chanteurs mais particulièrement de chanteuses. Pour cet EP vous avez travaillé avec Eugénie Aslin sur « Let Me Know » et Ana Majidson sur « Fallin » avec qui vous aviez déjà travaillé ?

Emmanuel Bretou : On avait déjà collaboré avec elle sur notre deuxième album. Elle nous a accompagné en live, on a fait quelques dates avec elle, on est toujours restés en contact et il se trouvait qu’on avait besoin d’une voix, ça marchait bien avec elle.

Eugénie Asselin, c’était la première fois que vous collaboriez avec elle ?

Emmanuel Bretou : Oui, on l’a découvert sur les réseaux. On avait besoin d’une topline sur un morceau, la structure était un peu plus couplet-refrain. On avait envie d’une ambiance un peu r’n’b’, avec le côté plus pop ça faisait un bon mélange. Et en fait on a pris sa voix et on a refait tout un morceau autour. Ça nous a inspiré. C’était vraiment une collaboration parce qu’elle a beaucoup d’idées et on voulait que ça lui plaise. On ne l’a pas vraiment orienté, on l’a laissé trouver ses idées, puis on a construit le morceau ensemble après.

J’aimerais avoir votre regard sur votre parcours musical. Vous avez fait plusieurs styles différents, qui restent dans la grande famille de l’électro et de la pop, mais de la house, de l’italo-disco, de la pop, quel regard vous avez maintenant après avoir fait tout ça ?

Camille Camara : On a envie à des moments de faire des choses différentes. Au début on faisait du pop rock puis on a commencé à faire des musiques électroniques via du songwriting. Avec le temps on a pu affirmer nos goûts. Chaque album représente bien l’époque et l’état d’esprit dans lequel on était à ce moment-là. Le tout premier a un côté plus ou moins teen-pop, comme on voyait les morceaux, vraiment de la composition. Avec des couplets, un refrain et moins de temps passé sur le sound-design.

Emmanuel Bretou : Le deuxième c’était plus l’approche de la production, l’arrivée dans un style qui commençait déjà à s’inscrire dans de la house. Le troisième, c’est la découverte, l’exploration des synthés analogiques et l’envie de retranscrire ses sonorités dans notre musique. Et maintenant le quatrième, c’est une nouvelle exploration. On remet un petit peu des voix, alors que sur Feeling Dancing Tempo on avait quasiment tout enlevé. Il y a aussi eu la rencontre avec Amsem Records il y a un an et demi. On a pris le temps avec eux de redéfinir ce qu’on voulait faire, ce vers quoi on voulait s’orienter.

Vous faites une différence entre les albums et les EP ? Ou pour vous ce sont des projets ?

Camille Camara : Ça dépend. Nos deux premiers albums sont vraiment des albums. Feeling Dancing Tempo c’était un album un peu plus gros. C’était un peu une continuité. L’album est la conclusion de chaque chapitre qui rassemble déjà plusieurs morceaux qu’on a sorti dans cette période plus des nouveaux qui affirment. De trois ou quatre ans à chaque fois.

Il y a une direction visuelle très affirmée sur chaque époque. Radiance est hyper moderne, on sent le virage même sans avoir écouté. Feeling Dancing Tempo avec les couleurs de l’italo-disco…

Emmanuel Bretou : On a pas mal bossé avec Amsem Records sur cette nouvelle direction artistique pour donner une nouvelle teinte visuelle au projet.

Pourquoi avoir choisi ce nom Radiance pour l’EP ?

Emmanuel Bretou : La définition exacte est compliquée ! Alors c’est : « la radiance évoque l’idée d’une énergie lumineuse ou d’une aura émanant d’un objet ou d’une scène, créant ainsi une atmosphère particulière. La lumière émanant de l’élément central est vue comme la manifestation visuelle des émotions et de l’énergie musicale que l’artiste souhaite transmettre. Ainsi, la radiance devient un pont entre le son et l’image, capturant visuellement l’éclat et l’impact émotionnel de la musique. » Voilà ! (rires)

Avez-vous de bons retours sur les deux singles déjà sortis ?

Camille Camara : Carrément ! On a l’impression que notre musique touche de nouvelles personnes grâce au changement de style. Ceux qui ont kiffé Feeling Dancing Tempo vont probablement aimer et on va perdre d’autres personnes. Mais c’est comme ça qu’on évolue. Chaque projet correspond à certaines personnes.

Votre tube reste « Photomaton ». N’est-ce pas parfois un poids d’avoir un morceau aussi connu ?

Emmanuel Bretou : Non, parce que c’est quand-même ce morceau-là qui nous a révélé. C’est sûr que les gens nous associent toujours à cette chanson. Tout le monde connaît cette track mais tout le monde ne sait pas forcément que c’est Jabberwocky qui l’a fait. Le morceau est bien plus connu que le groupe. Il y a des gens qui ont aimé cette période là et sont ensuite passés à autre chose, et inversement. Sans ce morceau on n’aurait pas pu faire ce qu’on fait, ça fait partie de nous. 

Vous le jouez quand vous êtes sur scène ?

Camille Camara : Ça dépend des endroits ! Quand on est invité sur des festivals plus généralistes, on sait que les gens nous invitent aussi parce que le nom est connu avec ce morceau. Le public est toujours content quand on joue « Photomaton ». Quelque part, ce morceau ne nous appartient plus tellement. Les gens se sont tellement approprié tout ça et tant mieux ! Le public est assez intelligent pour se dire que c’était une époque, que les gars derrière ont changé.

Avez-vous vu le documentaire sur DJ Mehdi ? 

Emmanuel Bretou : Oui, ce week-end. Très cool, très inspirant. Ce qui m’a vraiment fait halluciner, c’est de voir qu’à 34 ans, il avait déjà la carrière de quelqu’un qui avait 50-60 ans. Le mec a commencé à 12 ans !

Vous connaissiez bien sa musique ou pas du tout ?

Emmanuel Bretou : Moi oui, un petit peu mais c’est vrai qu’on a appris pas mal de trucs et je me suis rendu compte d’à quel point le mec était respecté. Il a poussé les gens autour de lui vers le haut.

Est-ce qu’il y a un artiste avec qui vous aimeriez collaborer ?

Camille Camara : Jamie XX, Salute… Des gens qui se rapprochent un peu de nos styles, il y en a beaucoup en fait.

Quel est votre dernier coup de cœur musical ? 

Emmanuel Bretou : « Believe»de Bubble Love, qui est l’alias de Ross From Friend. C’est un artiste que je suis depuis hyper longtemps, depuis le début, j’adore ce qu’il fait. Là il est revenu sur un truc un peu plus samplé, disco.

Camille Camara : Moi j’ai bien aimé la collab’ entre Four Tet et Ellie Goulding, il est lourd. Ça donne envie de bouger et c’est en même temps assez doux.

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