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« Le Rayon invisible » – Cap vers le surréalisme

© Damien Macdonald / Denoël

Histoire abracadabrantesque, Le Rayon invisible de Damien MacDonald est une déambulation dans les arcanes du mouvement surréaliste. Cette BD fait converser deux êtres dans un dialogue qui s’assure de passer du coq à l’âne. 

Une femme et un homme discutent d’un projet de série télévisée. Leur parole s’organise, se perd, se cherche, se reprend, se démultiplie dans les méandres des formes surréalistes. Adepte des expérimentations oniriques, Damien MacDonald, artiste franco-écossais, est l’auteur d’une anthologie sur le neuvième art, Anatomie d’un art . Il crée d’abord des dessins en noir et blanc réalisés à l’encre de chine, comme dans Notre-Dame de Paris paru en 2020, puis bascule tête la première dans la couleur avec Un Rayon invisible.

Cet ouvrage paraît à l’occasion de l’exposition «  Surréalisme  » qui a lieu en ce moment au centre Pompidou. Elle célèbre le centenaire de la parution du Manifeste du surréalisme publié par André Breton en 1924. Ainsi, elle revient sur l’histoire de ce mouvement qui eut pour détonateur l’horreur de la première guerre mondiale. Didier Ottinger, commissaire et préfacier de l’ouvrage écrit de ce courant qu’il a voulu « inventer une mythologie, offrir au monde d’autres valeurs, d’autres croyances que celles qui avaient conduit la civilisation moderne à son autodestruction  ».

© Damien Macdonald / Denoël

« L’imaginaire est un monde dans notre monde »

Prêtant oreille au désir et au songe, Damien MacDonald envisage notre monde actuel avec ce miroir déformant. L’histoire débute dans un café où, Flamelle, une jeune artiste, discute avec un homme, cinquantenaire et producteur de cinéma. Alors que l’on craint le caractère on ne peut plus cliché de ces personnages, l’histoire décolle.

Flamelle cherche un financement pour son film. Pour lui soutirer cette somme, une seule solution : exposer son projet comme on plonge dans un rêve. Elle veut retracer les années d’entre-deux-guerres en centrant son propos autour de la figure d’André Breton. Selon elle, tout le monde prétend le connaître mais, peu de monde l’aurait vraiment lu. Flamelle, loin d’être la midinette attendue, se pose en contradictrice et défenseuse de sa vision. Une manière de rappeler que nombre des artistes du surréalisme étaient des femmes. Certes, souvent reléguées aujourd’hui au second plan, elles n’en étaient pas moins des actrices cruciales.

Le voyage branche donc la réalité sur le rêve pour percer cette autre dimension : la surréalité. Le discours de Flamelle, convaincant mais n’ayant que faire de la logique, embraye d’associations libres en livres associés. Son esprit trame le récit de légendes et de motifs surréalistes comme un jeu de piste. Munie d’un pistolet laser – gadget non accessoire -, elle trace des ponts entre les mondes parallèles. Elle fait jaillir, dans des états de conscience modifiés, des images qui prouvent que les contradictions peuvent se révéler concordantes. L’expérience de lecture joue sur le sensationnel. Mutations corporelles, reflets aberrants, glissements de décor, dédoublements, hybridations, objets animés.

Œuvre à tiroirs, Le Rayon invisible a donc le mérité d’être un traité qui balaie les principes de ce courant artistique majeur sans oublier d’être avant tout une fiction (im)pertinente. Damien MacDonald, avec malice et sérieux, le trait libre et les couleurs saturées en aplats, scanne notre contemporanéité à la lueur, verte, des préceptes surréalistes.

Le Rayon invisible de Damien Macdonald, Denoël éditions, 25euros. 

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