Pour son premier roman, La Poète aux mains noires, Ingrid Glowacki s’intéresse à la céramiste française Marie Talbot. Une biofiction prometteuse mais qui peine à prendre corps.
« Je me suis appelée Jeanne ou Marie. Brûlé ou Talbot. Brûlé est le nom que je portais à la naissance. […] Brûlé comme le feu qui brûle en moi. Le feu de mon siècle. Le feu de mon sexe. Le feu de mon origine ». De cette Marie Talbot – Jeanne Brûlé (1814-1874), il fallait tout inventer. À part une poignée d’éléments – des dates de vie et de mort, un lieu de naissance et surtout des œuvres -, il ne reste pas beaucoup de traces de celle que l’on considère aujourd’hui comme la première femme céramiste française. De ces quelques informations, Ingrid Glowacki imagine sa vie dans La Poète aux mains noires.
Marie Talbot est, comme je l’ai dit, une énigme. Aucun portrait n’existe à part la petite sculpture décrite dans mon récit et réalisée par son père. Aucun écrit ne la révèle. J’ai donc dû romancer une vie autour de dates réelles et connues de son existence. J’ai tissé une histoire en artisan des mots.
Ingrid Glowacki, La Poète aux mains noires, postface
Modeler une vie
Fontaines, pichets, bouteilles, les œuvres de Marie Talbot étonnent par la minutie de leurs détails. Parfois imposantes, parfois plus délicates, ces céramiques anthropomorphes se tiennent droites et dignes, visibles au musée de la Borne à l’occasion d’une exposition consacrée au travail de la potière bérichonne. Cette dernière habillait avec exactitude ses poteries, à la mode élégante de l’époque, du jupon au chapeau, soignant jusqu’à la chevelure. Forgeant des caractères ou des portraits.
À l’époque où Georges Sand signe d’un nom de plume masculin, Marie Talbot, pourtant née bâtarde, est la première céramiste à signer ses œuvres du fier « Fait par moi, Marie ». On devine ce qu’il a fallu de courage et d’abnégation à cette femme pour exister dans le milieu très patriarcal des céramistes du Berry. Ingrid Glowacki, tombée sous le charme de son travail lors d’un passage à Henrichemont, a décidé pour ces raisons de lui consacrer son premier roman. Elle lui invente un parcours d’artisane passionnée et acharnée. La fait passer par une école de jeunes filles dans laquelle elle se familiarise avec les tenues de la bonne société et y découvre l’amour.
À l’atelier j’ai congédié tout le monde. Il ne me reste plus qu’elles. Mes femmes, mes bouteilles, mes fontaines, m’enrobent de leur bienveillance. Elles savent. Depuis le début, elle savent, depuis leur naissance. Elles ont été la cadence de mes jours.
Ingrid Glowacki, La Poète aux mains noires
Malgré un sujet passionnant et une matière foisonnante, le livre peine à emporter. Il reste en surface des choses sans jamais rentrer dans le vif de la matière. Dommage pour un livre qui a le mérite de s’intéresser à une figure énigmatique. Marie Talbot restera un mystère. Ses figures d’argile témoignent pour elle de son caractère.