Lorsque son frère, Angel, choisit de « faire médecine » il y a douze ans, Antoine Page décide de filmer son parcours. Du rythme effréné de la PACES à sa routine de médecin généraliste, Toubib offre un regard intimiste sur la vie d’un jeune docteur, mais aussi sur l’état de santé de notre société.
Dès les premiers instants du documentaire, le ton est donné : Antoine Page veut laisser parler son frère. Il disparaît derrière la caméra, compte sur la présence (et la prestance) d’Angel, bac tout juste en poche, pour captiver les spectateurs. Futur médecin généraliste ou brillant chirurgien, son avenir est incertain… celui du documentaire aussi !
Pari réussi. Les deux heures, résumant douze années, passent à toute vitesse. Ce projet sur le long cours, loin d’être rébarbatif, est une plongée dans le quotidien d’un étudiant en médecine. Parfois confus, parfois confiant, mais toujours très investi dans le projet de son frère. Un projet qui est aussi celui d’Antoine Page.Toubib est un documentaire, mais c’est également un film extrêmement personnel et un véritable miroir sur la vie d’Angel, qui devient dès lors presque un personnage de fiction. Objet public et privé, le film offre par sa forme une réflexion sur le genre même du documentaire.
Grâce à un montage dynamique, qui n’a pas été facile (plus de 250 heures de rush), Antoine Page réussi à mêler les différents formats (webcam, photos, format 16:9) pour créer un voyage introspectif à travers les années, dans toute la France, jusqu’en Roumanie. Bien qu’il soit pour le spectateur un inconnu total, Angel se dévoile petit à petit.
Nonchalance au milieu du désastre
Ce documentaire permet justement de brosser le portrait d’une personne a priori assez ordinaire. Depuis sa chambre dans la maison familiale à Besançon dans le Doubs, Angel, cerné et décoiffé, exprime ses frustrations sur les méthodes d’évaluation de la première année commune aux études de santé, ou PACES.
De la théorie, du par cœur, mais très peu de réflexion. Malgré la frustration, il ne baisse pas les bras, et rentre malgré tout dans le moule de l’étudiant travailleur. Les années défilent, les coupes de cheveux d’Angel aussi, et petit à petit, le travail paye. Puis l’aboutissement final arrive : on finit par l’appeler « Docteur ».
Sa personnalité amuse. Toujours en sifflotant un air célèbre, il se déplace tranquillement dans les couloirs des nombreux hôpitaux qu’il fréquentera pendant toutes ces années d’étude. Angel accueille ses patients avec bienveillance et humour, mais toujours avec un grand professionnalisme. Une « nonchalance au milieu du désastre », comme le décrit l’une de ses collègues à la fin du film.
Médecin en construction
Au début assez peu politisé (contrairement au percutant État limite de Nicolas Peduzzi, plus brut), le documentaire le devient finalement. Angel construit une réelle réflexion sur le système de santé actuel. Au fil des années, il se tourne assez naturellement vers une médecine sociale. Il finira d’ailleurs par s’installer au « Château en santé », un centre de santé participatif installé au cœur du Kalliste, dans les quartiers nord de Marseille.
Ses pensées sur l’installation des jeunes médecins à la campagne, les déserts médicaux, les inégalités face à l’accès au soin, sont toutes extrêmement pertinentes et tristement actuelles. D’autant plus qu’elles sont construites à travers le prisme d’une expérience très personnelle.
Les vidéos, certaines filmées avec une webcam dans sa petite cuisine en Roumanie, deviennent un médium libérateur pour Angel. Naissent alors des méditations plus philosophiques sur sa vie personnelle. Il mentionne son père, décédé lorsqu’il était enfant, mais aussi sa vision du soin, de la science, et plus généralement, de la médecine.
Toubib est un documentaire touchant et sincère, qui capture avec justesse l’évolution d’un jeune médecin, mais surtout celle d’un jeune homme. Antoine Page réussit à humaniser ce parcours avec sensibilité, révélant toute l’humanité du sujet.
Toubib, réalisé par Antoine Page, en salles le mercredi 18 août.