En septembre dernier le groupe belge Glauque dévoilait son tout premier album, Les gens passent, le temps reste. Maze les a rencontré pour discuter de paradoxes, d’ego, de live et d’énergie. Rencontre.
Avec dix morceaux de durées variées (de 00:45 à quasi 10mn), Les gens passent, le temps reste nous plonge dans un flot de réflexions solitaires, profondes, humaines – déversées dans nos oreilles pendant que les compositions se glissent dans tout notre corps tels des petits frissons. En live, Louis Lemage aux textes et au chant ; Aadriejan Montens, Baptiste Lo Manto, Lucas Lemage tous multi-instrumentistes, tous se lâchent dans une énergie différente, une liberté généreuse embarquant tout le public avec eux jusqu’au final magistral « Deuil », ultime mouvement avant la disparition totale. Glauque assume tout ces paradoxes, les entretient, les travaille dans un projet unique et inclassable, aussi spirituel qu’organique.
Les gens passent, le temps reste est votre tout premier album. Pourtant, vous annoncez la couleur en l’inaugurant par cette phrase dans le morceau d’ouverture « Plusieurs moi » : « J’suis pas un artiste, j’aime pas l’appellation ». C’est quoi être un artiste pour vous ?
Aadriejan : T’as fait exprès pour qu’on pose des questions. Tu assumes maintenant ! [Rires]
Louis : Oui, j’assume [rires]. Quand j’ai écrit ça, je voulais parler du fait qu’il y a une espèce de gradation des processus créatifs. À partir du moment où tu fais de la musique, du cinéma ou du théâtre, tu es automatiquement considéré comme un artiste alors qu’il y a plein d’autres domaines où on ne te considérerait pas comme un artiste jusqu’à tant que tu atteignes un certain niveau de maîtrise ou que tu obtiennes une certaine reconnaissance des gens. Il y a plein de gens qui font de la musique et je ne considère pas qu’ils font de l’art, donc par extension, je ne considère pas que ce sont des artistes. Je trouve cela étrange de normaliser le fait que faire de l’art c’est être un artiste. Après il y en a peut-être qui sont réellement convaincus et tant mieux pour eux. Je n’ai pas l’impression de faire de l’art. Et quand bien même, je serai sûr de ce que l’on fait, je considérerais toujours que la notion d’art et donc la notion d’artiste, c’est quelque chose que tu n’as pas à définir toi-même. Cela vient toujours d’un regard des autres sur ton travail. L’art n’existe pas sans le regard de quelqu’un d’autre en face de toi.
Vous êtes aussi d’accord avec cette idée ?
Baptiste : À fond ! C’est très intéressant tout ce qu’il écrit, j’apprends plein de trucs. [Rires]
Aadriejan : On est généralement d’accord.
Louis : Merci vous êtes super ! J’adore qu’on soit d’accord avec moi. [Rires]
Dans les textes, ce qui apparait en premier c’est justement cette ambivalence de l’existence, l’ambiguïté et le côté paradoxal de l’être humain. Est-ce que c’était l’idée du projet, faire une sorte d’autopsie de l’existence ?
Louis : Ce n’était pas une idée mais assez vite en écrivant je me suis rendu compte que tu ne peux pas éviter tes propres contradictions. Elles existent pour tout le monde et il faut l’accepter. En fait, je trouve que ça fait partie de la cohérence de ce que tu es. Tes propres contradictions en disent beaucoup plus sur toi que si tu tenais toujours le même discours. C’est ce qui fait aussi qu’on est tous des humains, accepter les contradictions. C’est important pour se construire et pour avancer sinon tu as toujours une sorte de voile sur l’image que tu te fais de toi même. Après on se fait toujours une image de qui on est mais on peut essayer de la déconstruire.
Il y a une dualité à chaque fois, que ce soit dans la syntaxe, le vocabulaire… Et c’est présent dans chaque morceau…
Louis : Cela vient de ma manière d’écrire. J’écris de manière plutôt automatique et je repasse très peu sur ce que je fais. Il y a peu de morceaux qui ont été modifiés dans l’album. Et ça laisse beaucoup de place à un flux d’idées. Ce n’est pas réfléchi à l’avance, ni programmé comme processus, plutôt une connexion de l’instant. Une idée en emmène une autre et ça crée une boucle d’idées. C’est cyclique.
Est-ce que mettre des mots et de la musique sur toutes ces contradictions de l’existence humaine, ça aide à accepter la finitude de l’être humain ?
Louis : Je ne sais pas si ça aide mais je pense que ça soulage. Ce sont des espèces de moments de grâce où tu trouves un truc et tu ne t’attendais pas à que ça sorte. C’est extrêmement rare. Sur un album ça n’arrive pas du tout sur tous les morceaux même si c’est ce à quoi tu tends et ce que t’as envie de faire. À la base, tu le fais simplement pour te délester, je crois. Et puis, si t’arrives à toucher ce truc que tu ne soupçonnais pas en toi-même, que tu pensais ou que tu ressentais et que tu arrives à le sortir de toi, là tu as fait un pas en avant. En tout cas personnellement, je pense que si j’avais dû écrire un album en attendant que ces moments-là viennent, on n’aurait rien sorti. Ce sont des moments trop insaisissables et que tu ne peux pas conditionner.
Et de votre côté, Baptiste et Aadriejan , au niveau de la composition, vous avez le même ressenti ?
Aadriejan : Je vois ce que Louis veut dire sur ces moments de grâce. Et justement, pour revenir sur l’idée de l’ambivalence, c’est vrai qu’on a aussi composé la musique dans ce sens-là avec de gros contrastes, parfois même au sein d’un même morceau. « Deuil » représente assez bien ce truc-là, d’ailleurs c’est un morceau qu’on a réalisé en une fois. Enfin, c’est un des rares morceaux qu’on a composé ensemble. Généralement, on a des idées chacun de notre côté et puis on travaille ensemble. Et là c’est venu naturellement et ça représente bien cette ambivalence, parce que ça commence très calmement, ça bourrine un peu à un moment donné, et ça revient au calme. Il y a aussi ce truc cyclique qui est représenté dans ce morceau-là. La musique suit un peu le même processus que le texte dans l’album.
Justement, il y a plein d’autres paradoxes dans la structure de votre projet. Notamment quand on vous écoute en live, il y a quelque chose de très organique et très instinctif sur scène et en même temps, on ressent que c’est très travaillé en amont. Comment avez-vous pensé cet aspect-là ?
Louis : C’est dommage que mon frère ne soit pas là pour en parler. Quand on a commencé à faire les premiers concerts, les trois musiciens, donc Aadriejan, Baptiste et mon frère Lucas, eux, ils ont tous eu une formation classique. Mon frère, il me parlait beaucoup du travail, d’arriver à se mettre dans l’état émotionnel, ou dans un état qui te permet de faire croire aux gens que tu es dans cet état et que tu peux leur donner cette énergie-là. Il y a peut-être des moments ou des concerts où, en tout cas, personnellement, ce sera plus facile d’interpréter les morceaux parce que je suis dans l’énergie et je n’ai pas besoin de me reposer sur un quelconque travail, une technique ou un conditionnement. Ça se fait tout seul. Mais, il y a eu plein de moments où je n’étais pas dans l’énergie de ce que je suis censé faire. Et là, il faut quand même réussir à se mettre dans cette énergie-là ou en tout cas, à arriver à ce que ce soit convaincant pour les gens en face de toi. Il y a ce truc qu’on essaye de retransmettre qui est organique et paradoxalement, c’est du travail derrière d’arriver à retranscrire cette énergie-là. C’est l’objectif.
Baptiste : Oui, c’est aussi une sécurité d’un point de vue technique, de pouvoir se dire : « ok, tout le boulot en amont a été fait ». Et on sait que ça, dans tous les cas, même au niveau du son, c’est travaillé avec notre ingé son, qui, pour nous, est comme le cinquième membre du groupe, parce qu’il a mixé l’album studio et il nous mixe en live. Travailler aussi avec une personne qui vient soutenir le son, le fait qu’il arrive à retranscrire une énergie différente du studio au live, ça permet aussi de, nous, pouvoir plus facilement se mettre dedans. C’est comme à chaque fois, allumer un bouton et être directement dans la prestation. Ce travail-là est super important.
Est-ce que ce lâcher-prise impressionnant que vous avez tous, sur scène, vous l’avez travaillé ?
Aadriejan : Non, c’est préparé dans le sens où on peut se reposer sur ce qu’on a programmé. Le paradoxe c’est que c’est mécanique derrière car c’est l’ordinateur qui fait beaucoup sur scène. Et finalement, musicalement, on ne prend pas énormément de liberté sur les morceaux comme on les interprète actuellement. C’est un peu comme une horloge. On a les instruments que l’on joue quand même en live, mais autour d’une grille qui est établie et d’un travail de son réalisé en amont. L’énergie trouvée dans la musique est plutôt dans l’assurance que tout roule autour et donc on peut profiter du moment. C’était un peu le souhait au tout début du projet parce que cela s’est fait autour du live. Quand on a commencé à composer à deux avec Louis, de notre côté, le souhait, c’était de nous produire en groupe et jouer les morceaux live. L’idée de base, c’était jouer un maximum sur scène, donner le plus d’énergie et se défouler.
Il y a autre chose, c’est la part d’égo dans les textes par l’utilisation constante du « je » et du « moi » dans lesquels on peut se retrouver. Et en même temps, vous êtes un groupe donc comment vous travailler l’ego dans le collectif ?
Louis : Ce n’est pas très compliqué. C’est-à-dire qu’au-delà d’un partage de tâches, artistiquement, il y a toujours eu cette idée que si l’un d’entre nous n’aime pas telle proposition, ça dégage. Il n’y a même jamais eu de discussion concernant des morceaux à garder ou pas car si on n’est pas unanime, tant pis. De ce point de vue-là, ça a toujours été assez facile car je pense qu’on se fait confiance là-dessus, même si on n’a potentiellement nous n’avons pas les mêmes gouts. Si les garçons n’aiment pas un mot, je l’enlève. On a toujours fait à part égale, ce qui, je pense, permet d’éviter pas mal de problèmes d’ego potentiels. On a tous un droit de veto. À partir de ce moment-là, ce n’est pas compliqué d’avancer autour de ça, ensemble.
Justement, comment se passe réellement le travail en groupe ?
Aadriejan : La plus grosse partie des morceaux de l’album, à quelques exceptions près, ce sont des idées que chacun a eu de son côté. Louis reçoit plein d’instrus au fur et à mesure et il écrit ensuite. Après, on se rassemble pour travailler sur les morceaux qu’on aura sélectionnés. Ensemble, on essaye de trouver une manière de fusionner le texte et la musique pour qu’aucun ne prenne le dessus et c’est aussi un aspect qu’on voulait vraiment travailler sur cet album, c’est qu’aucun ne prenne le dessus sur l’autre. Enfin, c’est ce qui nous tenait à cœur.
Louis, tu écris uniquement à partir des compositions qu’ils t’envoient ?
Aadriejan : La plus grosse partie des morceaux de l’album, à quelques exceptions près, ce sont des idées que chacun a eu de son côté. Louis reçoit plein d’instrus au fur et à mesure et il écrit ensuite. Après, on se rassemble pour travailler sur les morceaux qu’on aura sélectionnés. Ensemble, on essaye de trouver une manière de fusionner le texte et la musique pour qu’aucun ne prenne le dessus et c’est aussi un aspect qu’on voulait vraiment travailler sur cet album, c’est qu’aucun ne prenne le dessus sur l’autre. Enfin, c’est ce qui nous tenait à cœur.
Dans la musique, il va y avoir des sons qui vont t’inspirer et te renvoyer à des images ?
Louis : Ce sont plutôt des questions d’énergie. S’il y a déjà une structure, j’essaye de la suivre. Parfois, j’aime bien l’énergie de ce qu’on m’envoie mais je n’aime pas la musique en soi. Ça me permet quand même d’écrire dessus et d’avoir un texte qui potentiellement sera utile à un autre moment. Et puis après, ce qui en fait un morceau ou non, c’est s’il y a plus que simplement une ambiance globale.
Vous l’avez un peu évoqué mais peut-on revenir sur votre rencontre… Quelle est la genèse de Glauque ?
Louis : J’écrivais déjà et je cherchais quelqu’un qui faisait des prods pour faire du rap. J’avais demandé à mon frère mais il n’avait pas le temps. Il m’a donné le contact d’Aadriejan et on a commencé à deux. À l’époque, mon frère et Baptiste vivaient ensemble. Dès qu’on faisait des sons, on leur faisait écouter. Ils nous suivaient comme ça de loin. Et puis on a eu un premier concert, ‘on voulait d’autres musiciens. On leur a proposé de nous rejoindre et ça s’est fait un peu comme ça par hasard. Après on est resté ensemble alors qu’à la base c’était juste pour le live. On a en fait d’autres pendant les deux premières années du groupe sans vraiment enregistrer puis on s’est mis à tous bosser ensemble là-dessus.
Et donc Lucas (qui n’est pas là), Aadriejan et Baptiste, vous êtes tous les trois multi-instrumentistes ?
Aadriejan : il y a deux pianistes de formation : Baptiste et Lucas mais sinon on touche tous : clavier électronique, guitare, percussions. Mais l’instrument principal maintenant ça serait plutôt l’ordinateur.
Baptiste : Et les claviers et les gros synthés [rires].
Vous avez le sentiment que c’est un plus de faire de la musique de cette manière ?
Baptiste : Déjà pour nous c’est génial de passer d’un instrument à l’autre sur scène, c’est purement un choix. Le projet permet aussi cette liberté-là surtout en live parce que parfois c’est teinté de rock, donc on peut sortir une grosse basse, une caisse claire et une batterie. Sur un futur projet, ce ne sera peut-être pas nécessaire, mais si on y voyait du sens, ça s’est mis aussi pour le kiff et aussi parce qu’on s’est dit que ça sert le projet. On a dépensé des sous, on a acheté plein d’autres trucs et voilà. (Rires)
Vous êtes beaucoup associés au rap… alors qu’aujourd’hui, vous vous situez entre une énergie très rock et de la musique plus électronique. Et qu’est-ce que vous, vous avez l’impression de faire du rap ?
Louis : On a de moins en moins cette étiquette rap quand même, c’était surtout au début mais on s’y attendait. Au-delà des journalistes, même en tant qu’auditeurs, tu as besoin de ranger ou de rapprocher les artistes de quelque chose. Mais nous, on ne s’est jamais posé la question. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on a un équilibre mais pendant toutes les premières années du projet, l’objectif était de trouver un moyen de faire de la musique ensemble qui nous plait à tous, alors que l’on n’a pas les mêmes goûts. Donc, ça, c’est un sacré avantage quand tu fais de la musique, de ne pas vouloir t’inscrire dans un mouvement ou de vouloir faire de la musique comme tel ou tel artiste. Mais après, pour ce qui est de la comparaison au rap, je me suis rendu compte en francophonie, quand tu fais de la musique parlée en français, tu n’as plus d’alternative au rap, tu n’as pas beaucoup d’exemple grand public. Ou alors tu fais du slam. Forcément, c’est la première étiquette qui revient, d’autant plus que maintenant le hip-hop c’est devenu un genre où tu as tout et son contraire. C’est tellement vaste, tu peux rentrer n’importe quoi là-dedans.
Il y a beaucoup d’artistes émergents qui sont de plus en plus inclassables justement, qui font une sorte de musique alternative nourrie d’influences variées mais l’industrie semble continuer de vouloir créer des cases… Vous en pensez quoi ?
Louis : Aujourd’hui, on est tellement dans un mélange que même l’alternative n’existe plus. À part des réelles niches de mouvements très précis, la musique grand public, globalement, est tellement inspirée de tout. Tu n’as plus de style musical. Tu as des communautés résistantes de chaque style mais tout se mélange. Il y a des artistes de styles totalement opposés qui font des feat ou de la musique ensemble, comme une espèce de convergence musicale qui rend les étiquettes un peu inutiles, parce que tu ne peux plus rien classer réellement.
Vous terminez votre album avec le morceau « Deuil », un titre de 10 minutes qui clôt à la fois le disque et le live. Il arrive comme une conclusion d’un album où vous parlez d’un artiste qu’on ne veut pas être, d’un enfant qu’on ne veut pas avoir et donc finalement d’une existence dont on ne veut peut-être pas… Et concrètement la voix disparait pour laisser place à la musique… En live vous terminez de la même manière et ne faites pas de rappel. Comment s’est fait ce morceau et qu’est ce que ça annonce de la suite de Glauque après cette disparition ?
Louis : Je me rappelle quand je l’ai écrit, j’étais quand même dans ce truc de laisser l’écriture un peu de côté et d’une forme d’au revoir à tout ça. Donc, il y a de ça dans le morceau. Après sa construction l’a imposé aussi. C’est un morceau, comme Aadriejan disait, qu’on a fait rapidement. Ils ont fait une impro. Moi, j’ai écrit le texte. On a enregistré et basta. Je viens de décrire la création d’un morceau (rires) mais c’est parce qu’il n’y a aucun autre morceau qui se passe comme ça, normalement pour nous. Il y a directement eu ce truc où la musique devait conclure et on trouvait que le morceau appelait à la fin de ce projet. Et puis, j’étais dans cette énergie-là aussi. Le texte est posé de manière un peu plus lente, avec plus d’espace. Pour moi, c’est comme une reprise de souffle pendant 10 minutes et c’était nécessaire je pense pour ce projet bien dense en termes de production et de textes.
Baptiste : C’est le premier morceau qu’on a placé dans la set list. On savait que l’album allait se terminer par celui-là. Je pense qu’il a aidé à faire le squelette du disque. C’est lui, la base du projet. Et après, tout le reste s’est monté autour. Et même pour la direction artistique globale comme la pochette, tout est venu de ce morceau-là parce qu’il a défini le thème de l’album. Donc c’est le morceau le plus important.
Pour conclure, c’est rare d’arriver à faire un objet album que tu peux écouter chez toi avec la profondeur des textes et dans un mood de repli sur soi et son esprit. Et en même temps, ce live totalement généreux, comme on disait tout à l’heure, organique avec la musique qui te prend tout le corps. Est-ce que Glauque finalement, ce serait pas une parfaite symbiose entre le corps et l’esprit ?
Louis : Il y a la volonté en tout cas d’avoir un intérêt pour les deux. On a commencé par le live. Et quand on a commencé à enregistrer l’album, pour moi c’était compliqué parce que ce n’était pas quelque chose que j’aimais bien faire. Je trouvais ça compliqué en n’ayant fait que des concerts, en n’ayant jamais vraiment enregistré d’avoir un objet ultra restrictif, de faire une version figée et qui donne envie d’être réécoutée. C’est exactement comme ce que je disais pour l’écriture et l’écriture de la musique qui ne sont pas les mêmes métiers. Être bon en live et être bon en studio, ce n’est pas la même chose non plus.Tu ne peux pas jouer sur une énergie qui, à la réécoute en studio ne marchera pas. Si tu gueules dans ton micro comme un possédé, ça marche en live parce qu’il y a l’image, la puissance du son. Si le mec est tout seul dans sa chambre, avec ses écouteurs, il va se demander : mais c’est qui ce con ?
Il y a un morceau d’un artiste que j’écoutais qui raconte bien cela. C’est un enregistrement studio d’un type qui fait une chanson émouvante et à un moment, tu entends dans sa voix qu’il pleure pendant le morceau. J’ai écouté ce morceau une fois, je trouvais ça cool. J’ai écouté ce morceau deux fois, je trouvais ça cool. La troisième fois, je trouvais ça super kitsch, malaisant et intrusif. Et je me suis dit, c’est con parce que dans ce morceau-là, si l’émotion avait été plus canalisée, je l’aurais écouté 100 fois, je crois. Alors qu’en live, je pense que j’aurais été pris comme la première fois. Mais ça ne marche pas en enregistrement album. C’est tout ce travail-là et d’avoir une vraie plus-value sur les deux. C’est un vrai travail, en tout cas pour moi, en studio qui était vraiment beaucoup plus compliqué et moins naturel. Arriver à ce que les gens qui t’écoutent puissent se dire, ce n’est pas qu’un groupe de live à voir en live, ils valent aussi la peine d’être écouté de manière plus intimiste. On me dit souvent que c’est un album pour marcher seul la nuit, c’est différent de se retrouver dans une salle de concert avec d’autres gens. C’était vraiment l’objectif d’avoir les deux qui restent complémentaires tout en restant le même projet.