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Rencontre avec Doully : « J’ai mis du temps à trouver mes blagues »

Doully
Sur scène, l'humoriste Doully évoque avec franc-parler son handicap et ses anciens problèmes d'addiction. © Laura Gilli

Depuis un an, l’humoriste et chroniqueuse sur France Inter se dévoile dans son spectacle « Hier j’arrête » sur son handicap et ses anciennes addictions, pour lever les tabous autour de ces sujets et apprendre à en rire. Rencontre.

Depuis quelques années on vous voit régulièrement à la radio et sur scène, et le public est toujours au rendez-vous ! Est-ce que ça vous étonne qu’un spectacle autobiographique cartonne autant ou est-ce que c’est le propre du stand-up, de savoir rire de soi ?

On peut rire avec plein d’autres choses ! Moi, je ne suis ni étonnée, ni pas étonnée. Je suis contente c’est tout. En fait, on est toujours étonnée de remplir des salles ! Je ne fais pas vraiment gaffe à ma communication, je ne me regarde pas trop. Sur tous ces sujets, j’avance un peu avec des œillères, donc forcément, quand je vois que les salles sont remplies, je suis très heureuse.

Vous abordez des thèmes lourds, notamment votre handicap et votre passé de junkie. Comment est-ce qu’on apprend à rire de moments difficiles de sa propre vie ?

Quand j’ai commencé à en parler, ce n’était déjà plus un sujet pour moi. Ça fait très longtemps que je ne prends plus de drogues, donc je n’ai plus de problème avec ça. L’enjeu pour moi, c’est de désacraliser la drogue. En parler, c’est faire un peu de bien à tous les autres junkies qui essaient de s’en sortir. Je veux qu’ils voient qu’il y a un après et que la drogue, ce n’est pas une fin en soi.

« Soyons honnête, si je n’avais plus de dents et que je pesais 32 kilos, ce serait plus compliqué de faire des blagues sur la toxicomanie. »

Doully
Est-ce que c’est plus compliqué de parler d’addiction quand on est une femme ?

Un peu, oui. Fatalement, la drogue est perçue comme quelque chose de beaucoup plus grave quand ce sont les femmes qui en consomment. Remarquez, ça marche avec tout ! Sur scène, quand un mec boit une bière, il est perçu comme quelqu’un de cool. Une femme qui ferait la même chose passerait immédiatement pour une alcoolique. De la même manière, un mec qui a pris de l’héroïne on l’imagine moins facilement dépravé, ou en train de se prostituer, etc. Sur une femme, c’est toujours pire.

Vous sentez encore une réticence dans le public, chez les gens qui vous connaissent, lorsque vous abordez ces sujets ?

En fait, j’ai mis du temps à trouver mes blagues, le ton juste pour faire rire sur des sujets comme ça. Il y a beaucoup de travail sur l’écriture et l’attitude, ça dépend aussi de l’aisance que l’on peut avoir autour d’un sujet. Au fil des mois, j’ai trouvé le ton juste. Mais soyons honnête, si je n’avais plus de dents et que je pesais 32 kilos, ce serait plus compliqué de faire des blagues là-dessus.

© Laura Gilli
C’est politique, de les faire exploser, ces barrières-là ?

Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est politique mais ce qui est certain, c’est que ça peut aider ces gens-là à se dire qu’il y a un après. J’ai envie qu’ils arrêtent de se sentir jugés, qu’ils aient moins honte d’en parler. Quand quelqu’un parle publiquement, cela permet à d’autres de comprendre qu’ils ne sont pas seuls, que parce qu’on est passé par là on n’a pas forcément raté sa vie. Chacun ses échecs ! Il y en a, c’est la drogue. Pour d’autres, c’est d’autres choses. Depuis la début de la tournée, beaucoup d’anciens junkies sont venus me voir. Comme moi, ils ont l’impression d’être les parias de la société, ils se sentent pointés du doigts. Ils ont l’impression que si tu es un junkie, tu le seras toute ta vie. Alors peut-être, mais tu peux aussi être junkie et faire ensuite des choses très biens.

Est-ce qu’on avance un peu sur ces sujets ?

Alors il n’y a pas moins de gens qui se droguent, je crois même que ça s’est empiré (rires). En revanche, il y a peut-être une libération de la parole là-dessus. Peut-être parce que de plus en plus de gens en prennent, donc fatalement ils sont de plus en plus nombreux à comprendre les blagues. Après, il y a encore peu de gens qui abordent ces sujets. Moi, je suis citée dans à peu près toutes les chroniques qui parlent de drogue ! Ça me fait marrer, mais ça veut aussi dire qu’il y a encore peu de gens qui admettent consommer de la drogue.

En vrai, on s’en fout de savoir si les gens l’admettent ou pas, mais moi ça me fait plaisir de lever l’hypocrisie qu’il y a autour de la drogue. Ne serait-ce parce qu’il y a plein de gens qui prennent des cachetons ou qui se bourrent la gueule tous les soirs et que l’on trouve ça normal alors que la drogue, c’est encore tabou. J’ai déjà entendu des gens super torchés me dire « t’es une merde si tu te drogues ». Quand t’es défoncé au Xanax du matin au soir, c’est compliqué de tenir ce genre de propos.

Il y a des sujets dont vous ne parlez pas encore, sur lesquels vous aimeriez davantage attirer l’attention ?

Hidalgo ! Qu’elle se casse, on en peut plus… (rires). Plus sérieusement, les sujets dont j’ai très envie de parler, j’y viens souvent dans mes chroniques. À mon avis, l’important, c’est de ne pas trop se prendre au sérieux. Se prendre toujours au premier degré, c’est super chiant !

« Faire du cinéma, c’est mon objectif de vie. J’ai toujours su que c’était ce que je voulais faire. »

Doully
Vous jouez votre spectacle depuis plus d’un an, est-ce que vous avez envie d’en écrire un nouveau ?

Pour l’instant, je ne me lasse pas. Après, je retravaille souvent certains passages, je change ceux qui me gavent. Mais je vais arrêter ce spectacle dans un an. J’ai mon travail sur France Inter, je participe à Groland, j’ai commencé à jouer au cinéma et dans certaines série… Je n’ai pas encore trouvé le secret pour me dédoubler. Je ne peux pas faire 3-4 dates par semaines donc forcément, les tournées s’étalent plus longtemps. Et quand t’as quatre métiers, ça devient un peu difficile de jongler entre tous.

C’était un rêve, de faire du cinéma ?

C’était mon objectif de vie. J’ai toujours su que c’était ce que je voulais faire.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

D’être très heureuse et que les autres le soient aussi.

Hier j’arrête, un spectacle de Doully en représentation au Trianon le 31 mai, à la Bourse du travail de Lyon le 31 mai , aux Folies Bergères le 31 octobre 2024 et en tournée dans toute la France.

Journaliste

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