Les druides de Walter Astral sont de retour avec Jour, un EP solaire et électrisant sorti début février.
Après Hyperdruide, un EP hypnotisant sorti en 2022, les Walter Astral, composé de Tristan et Tino, nous ont ouvert les portes de leur monde psychédélique aux nuages technoïdes et aux paysages orientaux. Armé d’un banjo, nommé Banji, qui sonne plus comme un oud ou un saz et de nombreuses machines, le duo parisien nous comble de leur musique inspiré de la nature et des choses simples de la vie.
C’est avec Jour, sorti le 2 février 2024, qu’ils reviennent nous faire danser. La première pierre d’un plus gros et long projet qui verra naitre Nuit et Eclipse au courant de l’année. Maze a donc voulu en savoir plus sur ces deux gourous. Nous parlerons de ce nouvel EP évidement mais aussi de potion magique, de leur inspiration et de ce désir de traverser les frontières. Ces deux chamans nous ensorcèlent et nous content leur univers magique. Rencontre.
Avec Hyperdruide, vous vous considériez encore comme des apprentis. Est-ce qu’avec ce nouvel EP, Jour, vous êtes passés maîtres ?
Tristan : Ah non, pas encore. On en discutait.
Tino : On parlait du niveau 2, justement, qui je pense est le médium. Comme le piment mild.
Qu’est-ce qui vous manque pour finir maître ?
Tino : Alors, pour devenir Hyperdruide, disons…
Tristan : Je ne sais pas si on peut l’atteindre un jour, franchement. Je n’en connais qu’un seul, c’est Walter Astral. Il a un tel level que je ne sais pas si un jour on pourra l’égaler.
Et qu’est-ce qui vous manque pour l’égaler ?
Tino : Alors, la télépathie, on commence à maîtriser. Contrôler les océans, ça, on ne l’a pas encore.
Tristan : Déjà, réussir à allumer une allumette via la force de la pensée, quand même. Ça, c’était pas mal.
Tino : Communication avec les animaux, assez bien.
Tristan : Moyen, pas ouf même. Tout ce qui est oiseaux, moi, je ne réussis pas encore. Franchement, c’est très difficile.
Tino : Oui, moi, c’est plutôt tout ce qui va être ragondin, longues dents. Qu’est-ce qui nous manque ? Il nous manque, je pense, encore et toujours plus de magie. Vraiment, on l’apprend tous les jours, mais pas assez.
En parlant de magie, votre musique c’est un peu votre potion magique. Est-ce que vous pouvez nous donner quelques ingrédients ?
Tristan : Souvent, ça part d’un mood. Souvent, on part du titre d’une chanson. On sait déjà ce qu’on va vouloir raconter. Et après on a un drone qui tourne sur une note et de là, on se dit : « ah ouais, on va partir sur telle ambiance ». Ça peut commencer avec une guitare acoustique qui tourne et on peut voir un groove apparaître, ou alors au contraire, d’un beat hyper nerveux qui amène tout de suite un mood. Mais sinon, qu’est-ce qu’il y aurait de recette magique ?
Tino : Des ingrédients comme beaucoup de délais sur les guitares. Tu peux parler vraiment très concrètement d’épices, quoi. On a notre petite caisse à outils avec les éléments qu’on utilise un peu tout le temps, enfin, qu’on aime bien utiliser. La TB (ndlr :synthétiseur Roland), parfois, l’OP-1 ou L’OP-Z.
Tristan : Oui, souvent, avant de passer sur la composition sur ordinateur, il y a un moment où on aime bien rester sur les machines où l’idée est encore totalement modifiable avant d’être enregistrée. Parce que finalement, nous, on ne va pas en studio car on a le notre. Mais cette étape-là, c’est le moment où c’est encore dans les machines, en train de tourner, en train d’être totalement modifiable. On pourrait partir n’importe où. Et après, c’est le moment où on l’imprime pour la première fois dans l’ordinateur, où il y a encore toute une phase de travail. Je pense à ce moment où c’est encore sur des samplers, sur les drum machines à tourner et qu’on réfléchit. Donc, il y a un peu cette partie-là qui est sacrée et magique.
Qu’est-ce qui vous a poussé vers cette idée d’hyperdruide ? Qu’est-ce qui vous a convaincu ? C’était l’idée de lancer un peu ce mouvement-là.
Tino : Nous-mêmes, en fait. Qu’est-ce qui nous a convaincus d’aller vers l’hyperdruidisme ? Je pense peut-être l’appel de la nature et de la simplicité.
Tristan : Oui, ce mélange un peu étrange entre à la fois on est dans un truc assez technologique – que ce soit dans la musique ou juste dans notre vie au quotidien (on n’est quand même pas totalement des droïdes) – et à la fois, une espèce de connexion très forte qu’on a eue durant la période du confinement où on était dans cette simplicité qui est la nature et ça nous a hyper touchés. L’EP montre ce mélange entre ces deux univers. Je crois aussi qu’il y a quand même cet article qui nous avait fait vachement marrer du cyber-terroir ; et ce mélange des mots nous a beaucoup plu. Du coup, l’hyperdruidisme nous a paru hyper clair. C’était exactement ce qu’on voulait.
Tino : C’est venu tout seul.
Je vais revenir sur une chanson qui est « Serpent Mental ». Je la vois un peu comme une chanson qui veut guérir les gens. Est-ce que vous pouvez m’en dire un peu plus de cette chanson ?
Tristan : Ouais, c’est un mantra que j’avais écrit il y a très, très longtemps sur tout ira mieux demain. Et c’était un peu des paroles de guérison, genre quand on est angoissé. Mais en général, quand ça commence à tourner un peu trop vite dans la tête, ce qui est le serpent mental, j’avais l’impression que ces paroles-là auraient pu me rassurer à tout moment. Et ce morceau est resté sous cette forme pendant hyper longtemps puis je l’ai proposé à Tino. Et de là, il a pris une face encore hyper différente. Du coup, on a rajouté cette thématique du serpent mental qui le rendait encore plus clair. Il y a le monstre et puis la guérison au sein même du track.
Avec Jour, puis Nuit qui sortira plus tard dans l’année, est-ce que c’était une suite logique à votre premier EP ?
Tino : Pas immédiatement logique. On savait qu’on voulait aller vers quelque chose que je ne dirais pas conceptuel mais on ne voulait pas aller dans un truc complètement abstrait où on allait juste sortir des thématiques un peu au chapeau. En fait, on s’est dit, il faut qu’on réfléchisse à ce dont on veut parler et comment rester dans une thématique un peu magique. On a vite été attiré par cette idée de l’ambivalence du jour : l’obscurité du jour mais aussi la lumière de la nuit. Ce concept-là tourne autour de l’idée de l’éclipse.
Tristan : On a eu une longue période où on voulait parler du trajet de la lumière. Tu sais, on cherchait tous les termes au travers de la lumière, tous les effets d’optique qui pouvaient être faits via la lumière. Du coup, ça nous donnait des mots qui devenaient de plus en plus scientifiques pour finir par se dire : « je ne sais pas si on n’est pas parti un peu trop loin dans le délire, là » (rires). Puis d’un seul coup, tout simplement de parler du jour et de la nuit, ça nous a paru logique, simple et aussi…
Tino : Plus large.
Tristan : Plus large et, aussi beau, que ce qu’on avait apprécié faire avec les éléments sur le premier EP. Donc, le jour et la nuit, l’éclipse.
Dans le premier EP, comme tu disais, vous parlez des éléments. Avec Jour et Nuit, vous installez un peu le temps. Est-ce que vous vous voyez un peu comme des dieux ?
Tino : (rires) Non, pas du tout. Comme Raël, plutôt. 100 % Raëlien. (rires) Je dirais de simples prophètes. D’ailleurs, donne-moi ta montre, là. Libère-toi des objets matins. (rires) Non, je pense qu’on essaie juste de délivrer notre petite vision du monde à notre simple échelle de mortels. Nous ne sommes pas des dieux. Nous sommes des terriens.
Tristan : Oui, c’est plus des témoignages de la nature et de la chose hyper simple qu’est « c’est que nous l’avons créée. Nous donnons la recette parfaite. »
Je voulais savoir comment va Banji ?
Tino : Il va bien. On lui a changé les cordes il y a de ça six mois. Elles sont toujours là. Vieux monsieur, quand même. Mais il est là. Il sera là au Trabendo plus foufou que jamais.
Est-ce que vous êtes avec d’autres petits copains ? Pour la scène ?
Tino : Oui, il y a une nouvelle copine qui arrive. Je ne vais pas donner de nom, tiens.
Tristan : Oui, c’est vrai. On ne lui a pas vraiment demandé.
Tino : Elle est discrète, mais c’est une guitare acoustique qui vient de rejoindre la famille des instruments à cordes.
Quand je vous ai vus à La Maroquinerie, vous aviez joué avec une plante.
Tino : Oui, Josie.
Est-ce qu’elle va revenir ?
Tino : Je ne crois pas. Vous verrez. À priori, il va y avoir des créatures tout aussi étranges que Josie, tout aussi fabuleuses. Il y a Pouchy aussi, qui est juste là. (ndlr : désignant une machine à sample et à pad).
Tristan : C’est le nouveau cerveau de toutes les machines.
Tino : De Walter.
Tous vos instruments ont un petit nom ?
Tino : Oui, c’est important. Ma guitare, c’est Ricky. Beaucoup de Y à la fin. (rires)
Est-ce que vous pouvez m’en dire un peu plus sur la suite de votre prochain EP Nuit, ainsi que du projet Eclipse ? Est-ce que ce sera le rassemblement de Jour et de Nuit ou est-ce que ce sera encore quelque chose d’autre sur lequel vous allez travailler ?
Tino : Oui, alors, l’idée globale de l’Eclipse c’est qu’effectivement il va y avoir ces deux phases de la journée qui vont se répondre, le jour et la nuit. Mais l’Eclipse, aussi, en elle, contient un autre mystère. Donc, oui, ce sera plutôt un album en trois faces, en fait. Un peu ce moment magique entre, justement, le jour et la nuit.
Est-ce que vous avez déjà travaillé sur Nuit ? Est-ce qu’il y a déjà une date de sortie prévue ?
Oui, si, je crois qu’on peut en dire quelques mots. Juste on n’est pas trop, trop sûr au niveau des dates mais il me semble que ce sera en septembre. On a déjà avancé sur Eclipse, on a pensé un peu cet album de façon globale, avec déjà plein de morceaux sur lesquels on avait bossé. Et donc, en fait, on a avancé un peu sur beaucoup de choses en même temps, donc la Nuit avance quand même plutôt bien. On l’a quasiment terminé. Et l’Eclipse avance tranquillement. On n’est pas dégueux. Mais, qu’est-ce qu’on peut dire de plus ? Oui, je crois que c’est courant septembre pour la Nuit, et l’Eclipse sera tout début 2025.
J’ai fait écouter votre musique autour de moi, et beaucoup de gens m’ont dit que c’est le genre de son qui plairait beaucoup aux américains ou aux anglais. Est-ce que c’est quelque chose que vous prévoyez peut-être de tourner là-bas ?
Tino : C’est drôle, parce qu’on en parle vachement en ce moment.
Vous avez déjà un peu tourner en Europe ?
Tristan : Oui, on a fait la Turquie, un voyage absolument génial.
Tino : On a fait Berlin, on a fait la Belgique, la Suisse. Là, on va faire la Roumanie. On va retourner à Berlin, on va retourner en Belgique, et à priori, je ne sais pas si c’est confirmé, mais surement le Canada.
Tristan : C’est pas encore confirmé mais ça sent bon. On est assez excité de ça. Ce serait le premier pas sur le grand continent.
Tino : Mais tout ce qui est anglo-saxon, donc UK et USA, c’est en effet dans la boîte de discussion, mais je crois que c’est quand même c’est assez difficile. C’est assez difficile de s’implanter dans un territoire comme celui-là.
Tristan : Il faut trouver une issue, trouver un endroit où rentrer, et puis après, on verra.
J’ai une dernière question. Vous êtes plutôt des animaux de jour ou de nuit ?
Tino : Eh ben, moi, j’étais très nuit.
Tristan : C’est ce que j’étais en train de me dire. C’est ce que je t’aurais dit de manière directe mais, de plus en plus, on est très actifs le jour, finalement maintenant.
Tino : On a beaucoup évolué. En fait, avant que ça devienne presque un day-to-day job, quand je n’avais pas Walter Astral, j’étais un nightbird où on bossait jusqu’à 4 heures du mat.
Tristan : Je pense que quand on est en résidence, on travaille de jour pas mal. On fait beaucoup de jour.
Tino : Mais parfois il y a des soirées où c’est la folie. Surtout quand t’as la magie qui est là et qu’on finit vers 6 heures du mat.
Tristan : Mais on est devenus des daybirds, ça y est.
Les Walter Astral seront en concert le jeudi 7 mars au Trabendo et à Marseille le 20 mars pour le festival Avec Le Temps.