Première diffusion de la sélection Front(s) Populaire(s) du Cinéma du Réel, L’Évangile de la Révolution de François-Xavier Drouet se propose de faire l’histoire d’un mouvement théologique révolutionnaire d’Amérique du Sud. Sans entrer dans une apologie du christianisme, Drouet se fait le porte-parole d’une pensée étouffée par la papauté.
Les mouvements révolutionnaires d’Amérique du Sud ont fait la une des journaux plus d’une fois au siècle dernier. En Europe, ils ont souvent été considérés comme des terroristes en raison de leurs actions violentes (assassinats, enlèvements, guérillas). Mais ce sont aussi des héros pour de nombreux·ses militant·e·s de gauche et d’extrême gauche. Cependant, une caractéristique les démarque de celleux d’Europe : leur foi catholique. L’Évangile de la Révolution explique comment foi et idéologie marxiste se sont alliées dans la lutte face aux régimes totalitaires, en parcourant quatre pays d’Amérique latine : le Salvador, le Brésil, le Mexique et le Nicaragua.
Promenade éducative
L’Évangile de la Révolution n’a pas une forme révolutionnaire. C’est un mélange d’interviews, de captations et d’images d’archives accolées avec justesse. Le but n’est pas de plonger le spectateur dans une expérience auditive et visuelle, mais de faire voir une histoire qui a été enterrée. Les stigmates des conflits sont au centre du film. En passant d’un pays à l’autre, d’une époque à une autre, le cinéaste reconstruit l’histoire de ces conflits et fait voyager la·e spectateur·rice.
Ainsi, le film se développe comme un cours d’histoire-géographie. Il commence par nous situer dans le monde, puis utilise les archives comme support visuel. C’est un film pédagogique. Mais cette pédagogie ne prend pas la forme d’un prosélytisme cherchant à convertir des communistes. La théologie de la libération est présentée comme un modèle de foi catholique, mais le film se veut convertir des croyants plus que des incroyants. Le cinéaste dit lui-même avoir perdu la foi et ne pas l’avoir retrouvée, malgré un contact prolongé avec des catholiques proches des pauvres et du peuple.
C’est un nouveau regard, un contre-pied de ce que nous apprenons de la religion et des luttes sociales. Mais c’est un contre-pied qui n’est pas forcé. Au final, c’est une promenade qui propose des points de vue.
Jésus Christ contre Jésus de Nazareth
L’Évangile de la Révolution est finalement surtout une critique d’un pouvoir oligarque. La théologie de la libération est le reflet de la lutte sociale dans le domaine de la religion. Ce que ces penseurs religieux ont compris, c’est que prendre le parti des pauvres n’est pas contraire à la religion, puisque cela s’accorde avec l’idée de charité chrétienne. La réaction de la papauté face à ces évêques, prêtres et autres membres du clergé d’Amérique latine devient, comme le montre le film, anti-chrétienne. Comme un rappel aux spectateur·ices de leurs quelques cours d’histoire centrés sur la réforme luthérienne et du schisme qui s’en suivit.
François-Xavier Drouet a réussi un exercice complexe. Non seulement il donne la parole à un mouvement qui s’éteint peu à peu face à la réaction conservatrice de la papauté de l’époque, mais il le fait avec justesse, sans pousser à la croyance ni la condamner dans un contexte de luttes sociales. Son parti-pris est celui du peuple, celui des pauvres, face aux persécutions et aux inégalités.
Luttes sociales et religions ne sont donc pas inconciliables, nous glisse L’Évangile de la Révolution. Dans un monde ou droite et extrême droite s’approprient le christianisme pour justifier leur haine, rappeler les origines de Jésus – prolétaire, fils de charpentier – et les vertus chrétiennes – la charité et l’amour de l’autre – met en avant l’hypocrisie de ceux qui prétendent protéger leur foi. Chrétiens du monde entier, unissez-vous !