Féministe, Anne désire avoir un enfant mais s’indigne face aux diktats qui contraignent les mères. Cynique, drôle et révolté, Une maman parfaite de Marie-Fleur Albecker, est un roman sur les non-dits qui entourent la maternité.
« Tout le monde a un avis sur ce que les femmes devraient avoir dans le tiroir, mais il doit rester fermé, le tiroir. » Marie-Fleur Albecker livre avec Une maman parfaite un récit qui cherche les mots justes pour traduire, avec réalisme, l’expérience (ou plutôt faudrait-il dire les expériences) de la maternité. Elle s’inscrit dans la lignée des recherches féministes qui pensent la nécessaire réappropriation du corps vécu et plus spécifiquement ici du corps quand il enfante et materne. Elle cite Camille Froidevaux-Metterie, Marguerite Duras, Virginie Despentes ou encore la Maison Verte, structure d’accueil des tout-petits, fondée par Françoise Dolto.
Romancière et professeure agrégée de géographie, Marie-Fleur Albecker fait le récit de la grossesse, de l’accouchement, du post-partum, du maternage, des contradictions internes, de la culpabilité, des impossibles répartitions égalitaires dans le couple du point de vue d’Anne, son personnage principal. Polyphonique, le roman donne aussi voix à son amie Louise, déjà mère une première fois, à Gabrielle, une autre amie qui ne désire pas d’enfant, à sa propre mère et même à son mec, Mathias.
« En cherchant bien, parfois derrière les mots et les images lisses, au milieu du chaos triomphant de la Mère parfaite, de l’éducation bienveillante et des bébés ordonnés, propres et souriants, j’ai trouvé des déchirures dans la Toile, j’ai lu et entendu d’autres femmes. »
Une maman parfaite – Marie-Fleur Albecker
« L’instinct maternel, c’est du pipeau »
Anne est assise dans le canapé de son amie qui pouponne quand naît soudain en elle ce puissant désir : devenir mère. Professeure des écoles, elle habite avec son mec dans un deux pièces du 10ème arrondissement parisien. Peu à peu, avec lui, ils décident d’arrêter tous moyen de contraception. Elle, se questionne sur la manière de concilier maternité et féminisme. Pourtant, après plusieurs mois, Anne ne tombe toujours pas enceinte. Le scénario se déplace. Tout ne se passe pas comme prévu.
Dans un flux de conscience exalté et éreinté, Anne raconte sa traversée. Il y a le combat éprouvant de PMA en FIV, l’accouchement douloureux ; la découverte que rien ne devient plus évident après avoir donné naissance à sa fille. Habitée par la hantise de n’être qu’une mauvaise mère, les injonctions contradictoires proférées de toute part ne l’aident pas. Allaite mais ne montre pas tes seins ! Laisse-la pleurer ! Non surtout pas ! Dors avec elle ! Mais ça ne va pas ou quoi ?
Marie-Fleur Albecker use d’un langage cru qui ne veut ni maquiller, ni édulcorer. Anne met des mots sur les choses : celles qu’elle connaît mais celles aussi qu’elle ignorait et qui semblent tout à fait « normales » aux femmes à qui elle se confie. Elles disent avoir éprouvé les mêmes sensations. Celles-ci n’avaient pourtant rien dit de l’enfer, à ce point, de la fatigue, rien de l’hypervigilance, des « phobies d’impulsion » qui vous font craindre de subitement jeter votre enfant par la fenêtre : « Souffririons-nous d’une amnésie collective du post-partum ? »
Désillusionnée souvent, Anne ne lâche pas cette volonté tenace de dire, haut et fort, ce moi qui semble ne plus s’appartenir, les douleurs persistantes après la naissance, le corps abîmé, dysfonctionnel, épuisé, la lente construction du lien avec sa fille. Face à une histoire de la maternité tronquée, Anne-Fleur Albecker oppose un récit porte-voix qui n’oblitère pas la complexité faite de doutes, de coups de gueule, de temps qui manque, de regrets parfois et aussi d’amour vertigineux.
Une maman parfaite de Marie-Fleur Albecker, Aux Forges de Vulcain, 20euros.