Quelques heures avant de fouler les planches lors de la 45e édition des Trans Musicales en décembre dernier, Heavenphetamine s’est entretenu avec Maze, révélant les subtilités de leur univers musical mêlant krautrock, new wave, techno et influences japonaises.
Originaire de Tokyo et formé en 2018, Heavenphetamine, était initialement composé de Hiroki (voix et synthétiseurs) et de Sara (batteuse et chanteuse). Le groupe a connu un moment charnière en décembre 2021 lors d’un concert à Kiev. Ils y rencontrent Evgeny, guitariste, qui partageait la scène avec Kira, flûtiste. Les deux musiciens sont depuis des membres de soutien. Ces rencontres ont injecté une énergie nouvelle à leurs performances, marquant un tournant décisif dans leur évolution artistique. À la suite de leur escale à Kiev, Hiroki, Sara, Evgeny et Kira ont conjugué leurs talents pour une mission audacieuse : une tournée mondiale pour soutenir l’Ukraine. Rencontre.
Heavenphetamine, pouvez-vous nous expliquer l’origine de votre nom ?
Hiroki : C’est simplement un nom, une association. On voulait quelque chose de positif qui inspire les gens.
Certains d’entre vous viennent du Japon, d’autres de Kiev en Ukraine. Comment cela influence-t-il votre musique ?
Evgeny : L’influence est intéressante. On cherche à connecter les cultures à travers la musique, à explorer nos différences et nos héritages respectifs.
Kira : La musique, c’est un langage universel qui permet de relier les gens malgré leurs différences culturelles.
Hiroki et Sara, vous vivez en Géorgie à présent. Cela influence-t-il votre musique ?
Hiroki : Oui, énormément. Les Géorgiens m’inspirent beaucoup avec leur esprit fort et leur absence de peur de l’échec. C’est différent de la mentalité japonaise, et ça se reflète dans notre musique.
Quelle place a le Japon dans votre inspiration ?
Hiroki : Musicalement, le Japon est également présent. Je chante en japonais, et j’apprécie particulièrement les vieilles chansons pop japonaises, comme celles d’Hibari Misora, une chanteuse très connue là-bas.
Vous chantiez souvent en anglais, mais vos derniers singles sont en japonais. Pourquoi ce changement ?
Hiroki : Oui, c’est une bonne question. Nous avons changé de style après notre déménagement en Géorgie. Au Japon, Heavenphetamine était un trio avec Sara et un autre guitarist. À ce moment-là, notre style était plutôt post-punk, et je chantais en anglais. En Géorgie, en tant que duo avec Sara, notre musique est devenue plus expérimentale, avec une touche de techno. J’avais envie de chanter en japonais, et après avoir voyagé dans plusieurs pays où la langue japonaise a suscité de l’intérêt, nous avons décidé d’explorer cette voie.
Kira, à Berlin, et Evgeny, à Kiev. Comment vous organisez-vous à distance ?
Evgeny : En 2022, nous avons enregistré 8 chansons dans mon studio à Kiev. Hiroki et Sara sont venus, et nous avons partagé mon appartement pendant deux mois en hiver. De plus, pendant l’été, nous avons vécu ensemble à Kiev pour finaliser le travail en studio. Deux chansons, « IROHANIHOHETO » et « KYOEN », ont été publiées.
Vous continuez le projet NOM ?
Tous : Oui, oui.
Vous pouvez m’expliquer ce que c’est ?
Hiroki : Le nom derrière les acronymes, c’est « not only money ». J’ai commencé ce projet en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. En tant qu’ukrainien, après avoir joué en Ukraine et rencontré des gens devenus des amis, cela m’a poussé à réfléchir sur la guerre et sur la manière dont nous pouvions contribuer. L’argent est le problème principal, mais vivre en dehors du système est impossible. Bien sûr, nous avons besoin d’argent, mais la façon dont on l’utilise est essentielle.
Evgeny : Et c’est aussi une question de fréquence et de quantité d’achat. Acheter ce dont on a besoin est normal, mais il faut être conscient de nos choix.
Hiroki : Oui, beaucoup de gens mettent de l’argent de côté par peur de l’avenir. Cependant, aider les autres est également une forme d’assurance, renforçant l’idée de prendre soin les uns des autres. Nous nous rendons compte que le système politique et économique actuel est obsolète face aux défis d’aujourd’hui. Il faut envisager de nouvelles façons de penser, axées sur l’entraide plutôt que sur la supériorité sociale et économique.
Hiroki : Notre musique est une forme de divertissement, mais si elle peut inciter les gens à réfléchir sur le monde, la guerre et le système, c’est positif.
Quels sont vos prochains projets ?
Evgeny : Nous sommes toujours en tournée.
Hiroki : Notre prochain arrêt est une fête secrète que je ne peux pas mentionner (rires), puis nous irons à Berlin.
Kira : Où je vis ! Nous avons beaucoup d’amis là-bas. Ensuite, la Pologne, et enfin Kiev.
Quelle importance accordez-vous aux performances live ?
Hiroki : Je pense que c’est ce qui nous fait vraiment nous sentir artistes et musiciens, la possibilité de faire ce que l’on aime. Être Heavenphetamine, chanter, crée une véritable connexion avec les gens. On veut partager des histoires et exprimer nos sentiments sur la guerre et sur la société.
Comment vous sentez-vous ici, et que pensez-vous de ce festival ?
Kira : Ça semble être de grande qualité.
Hiroki : Je suis impatient de partager notre musique avec un large public sur la grande scène. Il y a de très bons artistes au programme, c’est très professionnel.
Evgeny : Je viens de réaliser que dans 4 heures, nous serons sur scène, c’est super excitant !