L’artiste marseillais Since Charles, après un showcase au MaMA festival début octobre, nous parle de son premier Ep Portamento et de son nouveau titre « Première Fois » qui est sortie ce mercredi 8 novembre.
Charles Sinz a grandi en Ardèche. Après plusieurs années à se chercher musicalement, c’est à Londres, pendant un stage à l’Institut français, qu’il découvre son amour pour la musique électronique. Puis, il s’installe à Marseille et créait son nom de scène Since Charles. C’est d’ici que commence l’aventure en solitaire. Après la pandémie, Charles sort son premier Ep Sans Raison en 2021 avec ce tube dansant et entêtant « Pense à moi » aux mélodies simples et enivrantes. Puis le projet de Portamento, ode à l’adolescence et deuxième Ep, prend forme et sortira en mars 2023. C’est à partir de là qu’il capta l’attention de Maze. Ce jeune artiste à la voix douce et la gentillesse exquise, nous charme avec ce projet moelleux et prenant.
Le temps était venu de le rencontrer. Nous profiterons de son showcase au MaMA festival, où nous l’avons découvert pour la première fois sur scène, afin de lui donner rendez-vous et d’échanger avec lui. C’est dans les loges de l’Élysée Montmartre, transformées à l’occasion en salle d’interview, que nous parlerons de sa musique, de son nouveau morceau « Première Fois » qui est sortie ce mercredi 8 novembre, de sa jeunesse et ses voyages ainsi que d’intelligence Artificielle et coup de foudre. Une rencontre amicale et passionnante.
Nous venons de te voir sur scène. Tu as une vraie puissance en live qu’on retrouve forcément moins sur ton Ep studio. Est-ce que c’est quelque chose que tu travailles ?
Complètement. Je pense que c’est quelque chose qui sera plus présent sur le prochain Ep. Les 2 premiers disques, surtout le premier, je l’ai fait dans un contexte avant même d’avoir fait des concerts. Les morceaux je les ai composé puis je les ai enregistré. Ils sont sortis puis j’ai commencé à jouer en live. Du coup, cette puissance vocale et ce lâché prise ils sont venus à ce moment là. J’ai commencé un peu à l’incorporer dans Portamento, mon Ep qui est sorti en mars dernier. Avant j’avais un ordinateur sur scène et j’étais vachement dépendant de mes bandes, maintenant je suis beaucoup plus libre, séquencé, organique et je fais plus de chose. Du coup, ça m’a donné cette liberté de pouvoir donner plus en terme de voix.
C’est quelque chose que j’ai beaucoup poussé dans le dernier Ep qui sortira fin mars/début avril 2024. Ce sera la partie 2 de Portamento. Parce que l’idée de base derrière ce disque c’était vraiment de faire un album. Et je trouvais intéressant de faire un diptyque. Parce que c’est un disque qui parle d’adolescence, de transition, etc… Et la transition elle peut se sentir dans le son et les paroles.
Le mot « portamento » en musique signifie un glissement de note. Du coup, je vois ça comme une métaphore de la jeunesse qui coule. Est-ce que cette 2ème partie sera plus adulte ?
Plus adulte je ne sais pas, mais plus assumée dans ce que je fais. Je suis vraiment en phase avec ce dernier disque. J’ai vraiment l’impression d’avoir donné 100 % de moi-même dans la composition, l’écriture et le chant où comme je te disais il y a beaucoup plus de lâché prise. Donc oui, c’est la partie la plus mature de Portamento on va dire.
Pourquoi cette obsession de l’adolescence, de ce passage à l’âge adulte ?
J’ai sorti Sans Raison, mon premier Ep, en 2021. Et puis, je me suis dit assez rapidement que j’avais envie de refaire des morceaux avec lesquels j’aimerais trouver une thématique un peu globale derrière le disque. Donc je suis retourné dans une des maisons d’enfance où j’ai vécu. La maison de mes grand-parents qui est en Ardèche. J’avais pas de thématique précise à ce moment-là mais d’être entouré de tous ces souvenirs, photos de famille, de tous ces endroits où j’allais quand j’étais gamin avec mes parents, mes grands-parents, mes cousins et mes amis, je me suis dit que j’avais envie de parler d’adolescence. Pas forcément d’adolescence comme on parlerait d’adolescence aujourd’hui en terme de passage de l’âge enfant à l’âge adulte mais plus comme une période de transition du changement du corps et l’esprit. Du coup, c’est cette métaphore là que j’ai voulu mettre en œuvre.
D’ailleurs, c’est marrant, le terme adolescence, à la base, ne désignait pas forcément un âge précis ou une période d’âge. Il désignait plus cette transformation du corps et de l’esprit. Donc quelque chose que l’ont peut vivre et revivre tout au long de la vie. Je suis quand même aller puiser dans des souvenirs d’adolescence car je pense que je vivais une période de transition à ce moment-là.
Tu parlais de la maison de tes grands-parents en Ardèche où tu as habité, et ce midi tu as joué ton nouveau morceau « Première fois » qui parle du fait d’arriver et découvrir une grande ville. Tu as déménagé à Marseille, qu’est-ce que cette ville t’a apporté d’un point de vue créatif ?
Marseille, c’est la ville où le projet Since Charles a pris forme. Quand j’ai enregistré le premier Ep, c’était à Marseille en période de Covid. C’était un moment où j’avais envie de quitter mon travail du quotidien. Je bossais aussi dans la musique mais plutôt dans la phase communication. En fait, ça a été le moment idéal où je me suis dit que j’avais envie de me lancer. Dans ce premier disque, je parle beaucoup de Marseille, de la vie nocturne, de la vie de jeune adulte.
Tu es arrivé à quel âge à Marseille ?
C’était il y a 7 ans. J’avais 23-24 ans. Et je suis arrivé juste après mes études donc ça faisait un peu nouvelle vie avec le premier travail. J’ai eu de la chance car quand j’ai déménagé, on a bougé avec tout un tas de copains que j’avais rencontré à Londres un an auparavant. Les 2 premières années à Marseille étaient incroyables.
Tu es parti combien de temps à Londres ? Et pour faire quoi ?
6 mois pour un stage. Mais j’ai l’impression que ça a duré beaucoup plus longtemps. C’était pas tout à fait dans la musique. J’étais au service communication de l’Institut français qui organise aussi bien de la musique classique, que de la musique actuelle, du théâtre, de la littérature. C’était assez vaste. Mais partir à Londres m’a fait prendre une grosse claque au niveau club, musique électronique. Ça m’a beaucoup influencé.
Comment tu es venu à la musique ?
J’ai commencé à faire de la guitare quand j’étais au lycée. J’ai du prendre 1 an de cours puis j’ai commencé très vite à vouloir faire les choses par moi-même. À l’époque, avec un copain d’enfance qui s’appelle Jean Reynaud, on a commencé à bidouiller sur GarageBand et faire un peu des morceaux. Du coup, c’est venu comme ça. Le côté production musicale et songwriting a toujours été là. J’ai toujours voulu écrire des morceaux, des morceaux pop.
Après j’ai bougé à Grenoble où j’ai eu plusieurs groupes. Dont un avec mon ingé son actuel qui était à la batterie dans notre groupe qui s’appelait Quai d’Orsay, plutôt pop anglophone. Et après en revenant de Londres, très honnêtement j’ai vendu 2 de mes guitares pour m’acheter des platines. Donc je suis rentré dans cette période beaucoup plus mix avec des collectifs. Et puis il y a eu cette fameuse période où j’ai fini mon job, j’avais un peu de chômage et la covid est arrivée. J’ai figé les morceaux et c’était parti quoi. Petit à petit, mon passif électronique revenait en force.
Tu as fait la 1ère partie de French 79, il représente quoi pour toi cet artiste ?
Pour Simon j’ai fait pas mal de ses premières parties depuis maintenant 1 an et demi. Déjà humainement c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup, que je trouve extrêmement humble et a une capacité créative assez incroyable. Je ne sais pas comment il fait mais il sort un album, il tourne, il sort un album, il tourne, il ne s’arrête pas. Mais pour autant il arrive à se renouveler. C’est quelqu’un d’extrêmement fin dans ses choix musicaux, dans ses arrangements. C’est assez impressionnant. Sur scène, c’est un modèle par sa manière de gérer le live, de choisir ce qu’il fait sur un plateau quand il est fasse à des gens, je trouve ça impressionnant. Je crois que nos deux univers match assez bien. En plus, son dernier album qui vient de sortir Teenagers parle aussi d’adolescence. Je vais faire 12 dates avec lui à partir de novembre sur quasiment toutes ses premieres parties françaises.
Mais du coup à quand la date parisienne seul ?
J’en avais déjà fait une au Mazette pour fêter la sortie de Portamento. Avec Julien, mon manager, on est entrain de penser à ça avec pourquoi pas un Pop Up !. On est chaud de revenir surtout pour fêter la sortie du prochain disque. Puis, on croise les doigts mais la tournée de Simon termine au Zénith donc ça pourrait être très sympa.
Je me demandais aussi ton rapport au cinéma car tous tes clips pour Portamento se suivent et forment une sorte de court-métrage. Pourquoi avoir choisit cette forme là ? Et est-ce que pour la suite tu resteras sur ce genre de format ?
Depuis le début de ce projet, j’ai toujours cette volonté, une fois que j’ai fini les morceaux, de trouver une ou un réal dont j’apprécie le travail et leur dire « voilà les chansons, j’ai pas de directive particulière à vous donner. Écoutez les morceaux, vous me dites ce que ça vous inspire » et de là découle un scénario que eux ont pondu, etc… Théo Sixou a fait tous les clips de Portemento et avant c’était Flora Marcia pour ceux de Sans Raison. Il y a toujours cette volonté d’avoir une vidéo un peu plus développée et d’avoir des capsules vidéo qui viennent illustrer chaque morceaux pour élargir l’univers et aller plus loin. C’est ce qui s’est passé sur ces 2 Ep.
Il y a quelque chose que j’apprécie beaucoup car ça me permet d’avoir une lecture différentes des morceaux. C’est le premier lâcher prise, après il y a celui du public où ils s’approprient et comprennent les chansons de la manière dont ils veulent les comprendre. J’ai pas une culture cinématographique dingue. J’aime beaucoup le format série et c’est quelque chose que j’essaye de refaire vivre à travers ces capsules. Par exemple sur Portamento, il y avait le clip du titre éponyme et les 4 clips des 4 autres morceaux de l’Ep c’était que des flashbacks dans l’histoire d’amour ou d’amitié de ces 2 filles. On a vraiment fait une connexion. La première image de « Langueure » c’est la dernière image de « Portamento » et ça fait une boucle.
Pour le 3ème Ep, ce ne sera pas Théo à la réal mais on aura toujours cette même dynamique. On avait commencé à bosser avec un studio de direction artistique marseillais qui s’appelle IGO Studio qui commence à toucher à tout ce qui est Intelligence artificielle. Donc l’idée c’est de travailler autour de 3 clips sur 6 morceaux avec l’IA et qui vont se suivre aussi. On veut continuer à avoir une espèce de trame narrative visuelle.
Qu’est ce que tu penses de l’intelligence artificielle dans la musique ?
C’est pas du tout quelque chose que j’utilise, moi, en tant que producteur. Là, je mets un doigt dedans car on est entrain de finaliser le premier clip du prochain Ep. Sinon, je trouve ça assez obscur. J’ai bien aimé tout le travail en amont de choix des sources, sélection d’image, un peu comme un mood board que tu viendrais mettre dans un algorithme pour le nourrir, qui ensuite va s’inspirer de tout ça pour en faire quelque chose. Puis après tu essayes de le distordre pour l’amener là où tu voudrais. Je trouve ça assez nébuleux mais aussi assez incroyable.
Je serais plus apte à répondre à cette question quand on aura terminé le clip. Mais je trouve ça hyper intéressant. Je bosse exclusivement avec des machines, avec des synthé et des boites à rythmes. De plus en plus, je suis à la recherche de cette erreur dans la création qui amène de la nouveauté ainsi que toute la beauté de la création. Faire ça en vidéo c’est comme prolonger le geste artistique.
Je vais revenir sur le thème principal de tes disques, tu étais comment ado ?
Multiple. (Rires) J’ai eu beaucoup de phases stylistiques et musicales avec un peu de rock à la Sum41, Blink 182, des phases plus électroniques avec du Daft Punk et LCD Soundsystem, des phases skate ou encore tecktonik. J’ai eu la chance de grandir à la campagne tout en ayant un lien fort avec la ville et tout ce qui existait en terme de nouveauté musicale. J’ai toujours été fasciné par la ville, l’idée de partir, de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir des nouveaux lieux, de nouvelles musiques. C’est quelque chose qui m’a jamais quitté. J’ai toujours eu envie de partir, je l’ai fait et ça m’a donné envie de revenir.
Ça serait quoi ta prochaine destination ?
Ça ne serait pas une ville française. J’ai eu la chance de pas mal voyager. J’ai pu aller en Ukraine avant que ce soit le bordel et Kiev a été une belle claque car au niveau scène musicale c’était assez dingue. Il y a un an et demi, je suis partie 1 mois avec l’institut de Varsovie au Nord de la Pologne pour faire une résidence et c’était une super expérience. Donc j’aime bien les pays de l’Est. Et début juillet, je suis parti en tant que programmateur sur un festival au Québec qui s’appelle La Noce. Petit festival avec grosse mise en lumière de la scène émergeante québécoise que j’adore. Et du coup, Montréal ça a été une belle découverte.
Dernière question, c’est quoi ton dernier coup de foudre ?
Le dernier album de James Blake. J’ai 2 coups de foudre même. James Blake et Supérette qui est un projet que j’aime beaucoup. C’est une des musicienne de Lucie Antunes et qui va sortir un projet magnifique dans les mois à venir. J’organise un festival en Ardèche, qui s’appelle Oh Plateau !, autour de l’émergence et j’ai très envie de l’inviter à jouer.