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Transe Atlantique 2023 – Marie-Flore : « J’ai avancé sur moi-même et sur mon rapport au monde »

Marie-Flore
© Alice Sevilla

En avril dernier, Marie-Flore sortait une superbe réédition de son dernier album Je sais pas si ça va, intitulé Je sais toujours pas si ça va. Quelques heures avant qu’elle ne monte sur la scène pour émouvoir et faire danser le public des Transe Atlantique, nous l’avons rencontrée pour parler d’écriture, des évolutions de son projet musical et de son regard sur le monde. Rencontre.

Marie-Flore est un projet qui est en évolution. Pour ton premier album, tu chantais du folk en anglais. Tu as commencé à chanter en français avec Braquage en 2019, un album un peu plus intime et plus centré sur le piano. Et cette année tu as sorti Je sais pas si ça va, qui est plus dansant, plus pop, et presque disco parfois. Comment tu vois ces évolutions ? 

C’est vrai. Ça fait plus de 10 ans que je fais de la musique donc cette évolution correspond à mon évolution en tant que femme et à mes goûts. Je viens effectivement de la scène indépendante, plutôt anglophone. J’écoutais que du folk et du rock anglais. Naturellement, quand j’ai commencé la musique, je me suis dirigée vers ça et la guitare. Et puis au bout de sept ans, j’ai fait le tour et j’ai commencé à écrire mes premières chansons au piano en français. De là, ont découlé deux disques avec des envies différentes, puisque je ne me raconte pas de la même manière. J’ai aussi découvert le plaisir des concerts et la rencontre avec le public qui ont amené des choses différentes sur mes disques puis en live. 

Tu n’écoutais pas de chanson française ?  

Absolument pas, non. Jusque très tard, je n’ai eu aucune culture en chanson française. J’étais très axée sur les années 60 en Angleterre et Amérique. C’est vraiment ma culture. Ce sont encore mes attaches de cœur. Et puis, finalement, quand j’ai commencé à écrire en français, j’ai évidemment diversifié, et je me suis mise à écouter des figures de la musique française, mais c’est arrivé très tard. Je ne suis pas du tout spécialiste. 

Est-ce que le passage de l’écriture en anglais au français était facile pour toi ? 

C’est quelque chose que je me refusais, parce que ça ne m’excitait pas vraiment. J’aimais tellement écrire en anglais qu’effectivement, quand on me demandait de chanter en français, je n’en avais pas envie. Et puis un jour où on me l’a répété une fois de trop, ça m’a un peu piqué. J’ai commencé à écrire une chanson en français un peu comme une blague. Et au moment où j’ai écrit la chanson, je me suis rendu compte que c’était très naturel. J’adore les langues en général donc, j’avais trouvé un nouveau terrain de jeu, puisque ça faisait environ sept ans que je chantais en anglais. Avec le français, c’était un monde nouveau qui s’ouvrait. Et depuis, j’ai fait deux disques.  

 Est-ce que ça a changé ta manière de composer ?  

Ouais, bien sûr. Déjà, je ne fais pas le même genre de musique. Avec l’anglais, j’étais en guitare-voix. Et là, j’ai appris le piano en même temps que j’ai appris à écrire en français. Donc oui, effectivement, ça infuse différemment dans la manière d’écrire, dans la manière de composer, et de produire aussi, surtout. 

Et tu penses que ton projet va continuer d’évoluer ? Est-ce que tu as envie de te laisser cette liberté ? 

Peu importe que je change de langue, de style, ce qui détermine surtout l’évolution, c’est d’évoluer en tant qu’artiste. Il faudra commencer à s’inquiéter quand ça n’évoluera plus, quand je pataugerai à refaire toujours les mêmes chansons. Après, est-ce que je vais arriver à me renouveler tout le temps ? Je ne sais pas, mais en tout cas, ça ne me fait pas peur. Au contraire, j’aimerais pouvoir proposer à chaque disque des univers similaires, mais un peu évolués à chaque fois et donc différents.

Et en même temps, c’est osé. On aime bien généralement mettre des cases et placer les artistes dans des styles établis. Est-ce que c’est facile d’assumer ça dans cette industrie ? 

C’est vrai que les gens aiment bien mettre des petites étiquettes. Après, ma chance dans tout ça, c’est que ce qui ressort surtout, et ce, dont on parle, au-delà des productions, ce sont les textes. Et peu importe où je les pose, ça restera mes mots. Et en ce sens-là, ça fait un lien. Quelle que soit la direction que je prends dans chaque morceau, il y a quand même toujours ce propos qui est là.  

Tu commences donc par l’écriture quand tu crées une nouvelle chanson ? 

Oui, il faut que j’aie une idée de phrase ou alors je me mets au piano. Mais je ne peux pas composer toute une musique si je n’ai pas les paroles. Le texte est très important dans le processus.  

Pour ton dernier album, tu l’as composé pendant le confinement, non ? Est-ce que, par cet aspect musical plus dansant, il y avait un désir de retrouver la scène ?

Oui, il y avait ce désir-là, puisque j’avais été un peu coupée dans mon élan sur le précédent disque. Donc je l’ai aussi pensé pour la scène, sur certains titres, évidemment, pour pouvoir danser et bouger. C’est un disque un petit peu à l’image du premier avec des titres plus introspectifs et d’autres beaucoup plus explosifs.  

Et dans les thématiques de cet album, j’ai l’impression qu’il y a une sorte d’apaisement dans le regard que tu te portes et qui est plutôt universel. Je pense à des phrases comme Je sais qu’il existe, J’ai plus 20 ans, Je me connais… Tu dirais que tu as un regard plus lucide ?

J’ai réalisé ça à la fin du processus d’écriture. Effectivement, je ne pouvais pas dire autre chose. J’ai avancé sur moi-même et mon rapport au monde et aux gens. Ce dernier disque est différent de celui d’avant. Braquage, racontait une histoire particulière qui m’est arrivé. Donc c’était un disque très viscéral. Et là, je me suis permis de faire quelques à-côtés, de parler de l’âge qui passe, de choses différentes. 

Quel est ce rapport au monde et aux autres ?  

C’est surtout un rapport d’observation. C’est ce que j’aime dans la musique et dans les textes. Ce qui me permet de faire passer les textes, c’est à la fois ce que je peux observer de moi, comment j’interagis, et ensuite ce que j’observe en étant simplement spectatrice des gens autour, du temps qui passe, etc. Et ça devrait être la qualité première des auteurs-compositeurs. C’est être comme des filtres ou des appareils photo. C’est important. Mais je pars toujours de ce que je ressens. Ça peut être soit une phrase, soit un sentiment et après, j’essaie d’en faire une chanson. 

C’est quoi la suite ?  

On continue la tournée jusqu’à la fin de l’année. Là, ça fait déjà un an et demi que l’on y est. Parallèlement, je commence à préparer « la suite ». Je suis en train d’écrire le prochain disque. J’espère qu’il n’y aura pas trop de temps de latence, car j’ai très envie de sortir des nouveaux titres, même si ça ne fait qu’un an que le disque est sorti.

Tu écris constamment ou par périodes après les tournées, justement ? 

Là, j’ai repris il y a quelques mois. Quand tu sors un disque, c’est un peu l’ouragan. Il faut préparer les concerts, passer le stade de promotion… Toi, en tant qu’artiste, tu viens d’accoucher d’un truc, donc tu n’as pas forcément envie de te remettre tout de suite au piano. C’est un long processus de faire un disque et tu as hâte qu’il sorte et de le faire vivre différemment. Mais là, en revanche, c’est vrai que quand tu commences à tourner depuis un petit bout de temps, ça commence à te démanger. Tu as envie de te remettre au piano. C’est ce qui est en train de se passer pour moi.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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