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Rock en Seine 2023 – Blumi : « Je fais de la musique pour comprendre où je commence et où je m’arrête »

© Victor Picon

Derrière Blumi se trouve Emma Broughton, franco-anglaise, qui semble avoir vécu six vies avant la musique. Rencontre avec l’une des artistes de la sélection club avant seine 2023.

Rock en Seine 2023, dimanche 15h. Sur la scène du Bosquet, à l’entrée du festival, Blumi (Emma Broughton), se produit avec ses musiciens. Face à un public conquis, elle enchaîne des morceaux de ses premiers EPs et propose même une « exclu Rock en Seine », « Jaguar » qui la fait scander « People make me happy ! » Les musiciens donnent toute leur énergie, et confient leur excitation après l’annulation de leur passage la veille au All Point East pour cause de mauvais temps.

Bonjour Emma, qui est Blumi ?

Blumi c’est moi, je m’appelle Emma Broughton, je suis gauchère (les meilleur·es), je suis franco-anglaise. J’écris toutes mes chansons en anglais, c’est la langue dans laquelle je me sens le plus à l’aise d’écrire. Blumi la musicienne c’est quelqu’un qui a commencé à faire de la musique pour elle assez tard, parce que j’ai fait d’autres trucs avant, j’ai eu d’autres vies, je suis quelqu’un qui fait plein de chemins. J’ai commencé à faire des trucs pour moi assez tard. En solo d’abord, j’ai pris un peu confiance en moi pour faire mes propres compos, et ensuite petit à petit j’ai commencé à faire des scènes. Mes ami·es m’ont beaucoup encouragée et m’ont beaucoup aidée pour le faire et pour me donner confiance en moi.

Au départ je faisais presque tout toute seule, la compo, l’écriture, les prods. Et là, plus ça va, plus je me relaxe et je m’ouvre. Je compose davantage de chansons quand je joue en groupe, avec mon band, en ayant ça en tête et en le faisant directement avec eux. C’est une évolution que j’aime bien, je prend plus de plaisir sur scène… Après qui je suis ? Je suis une femme, je suis quelqu’un de très féministe, très engagée – enfin c’est comme ça que je me perçois. Je suis très habitée par ce qui se passe politiquement et socialement. Quelqu’un de toujours un peu en recherche aussi, à la base je fais des chansons tout le temps mélancoliques et tout, j’en ai un peu marre, du coup j’essaye de chercher… C’est pour ça que je fais de la musique je pense, pour comprendre un peu qui je suis, où je commence et où je m’arrête.

Tu fais partie de la promo avant seine 2023, comment ça s’est passé ?

La sélection est trop cool parce que t’as même pas besoin de faire une candidature, on a été sélectionné·es, c’est hyper génial de se sentir soutenue. Quand t’es émergent c’est hyper précieux, jouer à Rock en Seine c’est génial ! Après on a été huit, neuf à être sélectionné·es, peut être un peu plus, et on a eu trois jours de formation, ce qui était super au niveau de ce qu’on a appris. Il y avait plein de sujets différents, ça allait des contrats à la santé des artistes, à des trucs d’expression scénique… C’était hyper bien – et c’est pas toujours bien les trucs de formation, parfois tu connectes pas trop avec les formateurs, ou ils te disent des trucs que tu sais déjà… on est tous à des niveaux très différents, il y en a qui s’y connaissent beaucoup sur certains aspects et beaucoup moins sur d’autres, mais c’est franchement vachement bien. Et c’était super aussi parce qu’on s’est tous rencontrés les uns les autres, tout le monde était super cool. On a passé des bons moments ensemble, là je les retrouve, c’est hyper sympa… C’était une super programmation, j’ai bien aimé.

Et ça te fait quoi de jouer à Rock en Seine ?

J’étais en train de jouer sur scène, j’étais là « non mais c’est n’importe quoi, c’est fou quoi, t’es en train de jouer sur la scène de Rock en Seine ». En plus il y avait pas mal de monde, alors qu’on a joué à 15h, je m’étais dit « bon, va y avoir personne » et en fait il y avait pas mal de monde, parce que je pense que les gens le dimanche viennent plus tôt. Et c’était super, une super écoute, les gens étaient là quoi. Non c’était vraiment impressionnant, ça fait quelque chose quand même. Il faut que je m’achète le tee-shirt, il y a mon nom dessus !

Un des trucs trop cool avec la musique, c’est que tu fais plein de trucs différents. Et moi j’adore, sinon je m’emmerde un peu.

Blumi

Tes EPs sont sortis en 2021 et 2022. Ça te fait quoi de passer du studio à la scène ?

En fait, j’avais plus l’habitude de chanter que d’enregistrer en studio. Ça a été plus un apprentissage pour moi tout le travail de studio, et d’ailleurs je continue complètement à apprendre, et c’est sans fin ! Mais c’est ça que j’aime il y a toujours des nouveaux trucs à apprendre. Un des trucs trop cool avec la musique, c’est que tu fais plein de trucs différents. Et moi j’adore, sinon je m’emmerde un peu. Donc en fait le studio ça peut-être très intérieur, très minutieux, tu collabores avec pleins de gens différents. Tu commences un truc et tu fais passer à machin, qui fait passer à quelqu’un d’autre… Ou alors au contraire tout faire toute seule avec ton ordi.

Et la scène, ce que moi j’adore, c’est ce côté, même si j’ai vachement le trac, où je suis beaucoup plus libre. Comme en fait t’es sur scène, c’est pas enregistré, c’est plus une histoire d’énergie, comment tu joues les uns avec les autres, et là d’être avec un groupe, parfois on a des remplaçants, ils jouent pas pareil, c’est pas exactement la même chose, mais je trouve ça super que les chansons vivent sur scène, c’est beaucoup plus libre. C’est vraiment deux exercices totalement différents et assez complémentaires en fait et j’aime bien ce changement, je le fais avec assez de facilité. Ça me fait explorer des trucs dans les deux. Si je faisais que du studio, je pourrais, et si je faisais que de la scène je serais épuisée. C’est vraiment cool comme alternance.

Peux-tu nous parler un peu de ton passage de la recherche à la musique ?

En fait, j’ai grandi dans un milieu où personne ne fait de la musique. Personne professionnellement. J’ai toujours fait de la musique, je suis allée au conservatoire, j’ai fait de la flûte traversière, je chantais, j’ai apprise la guitare toute seule… Mais je me suis dit jamais dit que j’allais faire de la musique. C’était même pas une possibilité dans ma tête. Et donc je fais mes études, je suis un peu paumée je sais pas trop ce que je vais faire, je fais sciences politiques en Angleterre, et puis mon master je me retrouve en relations internationales et pour la première fois je me retrouve à devoir écrire des disserts, où mes profs me disent « Emma je me fous de ce que tu as lu, je veux que tu exprimes ce que tu penses toi  ». Et ça m’a ouvert un chakra, j’étais là, à 25 ans tu sais, « oh mon dieu, c’est génial d’exprimer mes idées, ce que je ressens etc. ». Ça a vraiment ouvert un truc.

Et après ça me plaisait trop de faire de la recherche et d’écrire, donc j’ai bossé dans la recherche. Pendant sept ans j’ai bossé comme chercheuse en sciences politiques, je travaillais sur les questions migratoires, et c’était génial. J’ai appris plein de trucs, ça m’a vraiment formée intellectuellement. Et petit à petit, je me suis rendue compte que j’allais m’ennuyer. Ça allait pas me stimuler assez. Et grâce à l’aide d’un psy, et des discussions que j’ai eu avec lui, c’est venu tout doucement, et un moment j’ai dit « en fait là j’ai besoin de m’exprimer dans la vie. » Ça aurait pu être l’écriture, ça aurait pu être la danse, le théâtre… Mais la vie a fait que j’ai fait de la musique. Je suis pas une espèce de musicienne. J’ai besoin de m’exprimer, exprimer mes émotions et ce que je ressens.

Tout ça c’est fait très naturellement. Ça n’a pas été une décision du jour au lendemain. Ça a été une lente progression jusqu’à un moment ou j’étais juste là « ah ouais, mon chemin est là. » Du coup j’ai démissionné de mon boulot, j’ai eu deux ans de chômage, est voilà j’ai fait la transition comme ça. Sans aucune difficulté. Alors que après dans la musique il y a eu des moments beaucoup plus difficiles, mais la transition et le début, mon intermittence, réussir à bosser pour des groupes, ça c’est fait sans aucun accroc. Hyper naturellement. Je pense que c’était le bon moment. J’ai eu trop de chance.

there is no end to me. est lacé de mélancolie et de nostalgie. Où puises-tu l’inspiration ?

L’émotion qui me vient la plus facilement, historiquement surtout parce qu’avec l’âge ça s’arrange un peu, c’est la mélancolie. C’est une émotion qui a toujours été facile pour moi d’exprimer. Mes premières chansons c’étaient que des ballades et des trucs très mélancoliques. Je suis aussi quelqu’un qui met beaucoup beaucoup d’importance sur le texte, donc en fait vraiment le texte me sert à exprimer cette mélancolie, et à la sortir de moi, pour m’en libérer en quelque façon. Potentiellement parfois à aider les autres à s’en libérer, et ça c’est cool. C’est l’émotion que j’ai eu historiquement, c’est moi c’est vraiment ma personnalité, je suis comme ça, j’ai des émotions assez fortes.

Enfin comme tout le monde, je ne dis pas que je suis différente, mais je vis les choses assez fortement, et j’ai pu avoir dans ma vie des moments de grande mélancolie, mais c’est pas de la tristesse, c’est pas de la dépression, c’est différent. C’est vraiment une espèce de tension en soi, en anglais on dit longing, un désir pour quelque chose, on sait pas exactement quoi… Ça t’habite, ça crée une tension en toi et avec l’âge ça s’estompe un peu pour laisser place à d’autres émotions. J’arrive plus à exprimer maintenant une forme de colère, ou beaucoup plus de l’énergie, de la joie. Là on a joué une chanson pour la première fois qui s’appelle « Jaguar », et le refrain c’est « people make me happy », parce que j’adore être toute seule mais en fait ce qui me donne vraiment de la joie dans l’existence c’est d’être avec des gens. Du coup j’arrive à exprimer des trucs plus dynamiques, plus joyeux, plus ouverts quoi, donc c’est cool, je suis contente !

La première chanson que j’ai joué c’est une chanson sur ma grand mère, mais pour moi elle est pas mélancolique, elle est pleine d’amour et d’une forme d’acceptation de la vieillesse et que la vie ça se termine à un moment, et que c’est triste mais ça fait vraiment partie de l’existence quoi. Mais pour moi elle est pas triste. J’ai l’impression que j’ai un peu réussi à élargir ma palette. Et ça c’est cool parce que que la mélancolie, surtout sur scène, tu te fais trop chier ! T’as pas envie ! Quand je l’écris je suis contente, mais quand je suis sur scène j’ai envie qu’il y ait d’autres choses. Je pense plus à la scène maintenant quand j’écris et je compose.

Quelles sont tes influences musicales ?

À la base, une de mes main (principales) c’est Joni Mitchell, une chanteuse folk américaine. J’ai beaucoup écouté de jazz quand j’étais jeune, donc j’ai beaucoup écouté les chanteuses de jazz, mais aussi les basiques, John Coltrane, c’était mon pref’, Duke Ellington, Jeanne Lee, Ella Fitzgerald… J’ai aussi eu une grosse phase, ça c’est les originelles, Gillian Welch, qui est une chanteuse de country folk américaine qui vraiment défonce… Et vraiment le point commun de tous ces gens c’est qu’ils ont eu un truc très fort sur le texte. Après j’ai eu une grosse phase Fleet Foxes, plus folk folk, Bon Iver à fond (avec qui j’ai fait les chœurs, c’était assez ouf), Faced aussi avec qui j’ai travaillé.

Et là aujourd’hui, j’adore Cate Le Bon, Aldous Harding… Il y en a plein que j’aime ! J’adore Caroline Polachek, Rosalia… Le point commun c’est que j’écoute quasi que des meufs. Je fais pas exprès mais j’écoute quasiment que des meufs. Hier on a vu Erykah Badu, c’était la folie… Il y en a plein que j’oublie, forcément… J’essaye de penser à ce que j’ai dans mon Spotify, ce que j’écoute tout le temps … Ah ouais ! Rozi Plain à fond, This is the Kit à fond, je vais faire sa première partie là en Europe, Andy Shauf, énorme crush, Helado Negro, Kadhja Bonnet ! Elle c’est une de mes prefs ! Saya Gray, une découverte assez récente que j’aime à fond… Voilà j’écoute plein de trucs, mais beaucoup des meufs. Pareil en littérature, je lis que des meufs, sans faire exprès. Ça m’attire plus.

Des projets à venir ?

Ouais je suis en train de bosser sur un album. Là j’ai genre huit/neuf chansons, mais qui sont pas du tout produites, donc ça va encore prendre du temps. On va voir, peut être que finalement, on va sortir deux EPs au lieu d’un album… Mais je suis en train de bosser sur de nouvelles chansons, j’ai l’impression que tout ce que je sors à chaque fois est assez différent. Parce que moi je suis tout le temps en recherche de nouveaux trucs. J’espère que ce sera un peu différent, il y a des trucs un peu plus upbeat, plus pop, j’essaye d’être un peu plus simple aussi dans la compo, pas trop d’avoir un million de parties différentes. Je croise les doigts pour que ça sorte en 2024 ! Je voudrais essayer de trouver un label, et puis après j’ai des projets de tournée… J’ai l’impression de commencer à m’installer, à trouver mon identité, ça me fait du bien. Je capte un peu plus comment les choses fonctionnent. Il serait temps ! (rires). C’est pour ça que je me ferais jamais chier, parce que t’apprends tout le temps.

Pour finir, quel est ton morceau du moment ?

Sans problème. J’ai écouté en boucle cet été « Moderation » de Cate Le Bon. Cette chanson m’ensorcelle. J’adore ce track. C’est ma nouvelle héroïne. Cette chanson est géniale, cette meuf est géniale. Sans hésitation ! Je l’ai écouté tout l’été en boucle !

Journaliste

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