Après avoir dévoilé plusieurs singles en 2023, l’artiste techno Calling Marian dévoile ce 27 octobre son premier album, Hyper Opus. L’artiste, aussi à l’aise en clubs qu’en festivals, dévoile un disque calibré pour le dancefloor et influencé par les jeux-vidéos.
Calling Marian a gravit les échelons. Depuis son premier EP The Parade paru en 2017, elle n’a cessé d’affiner son style et de perfectionner ses sets. De son vrai nom Marianne Delorme, la musicienne et productrice a fait ses armes en région lyonnaise. Entre 2019 et 2023, elle publie plusieurs projets et singles. Rainmaking en 2019, un EP au sound design encore plus travaillé, l’intense Faire Corps en 2020, le puissant Talis Qualis en 2022… En parallèle, elle travaille sur son premier album. Instrumental et engagé, Hyper Opus est fondamentalement techno mais navigue entre différents sous-genres : certains morceaux ambient amènent des respirations entre deux tracks calibrées pour les clubs. Mais celle qui en parle le mieux c’est encore son autrice, la talentueuse Calling Marian que Maze a eu l’honneur de rencontrer quelques jours avant la sortie d’Hyper Opus.
Ton premier album sort le 27 octobre. Comment te sens-tu ?
Bien mais stressée ! Ça fait longtemps qu’il est sur les rails, je ne réalise pas encore tout à fait. Je suis super excitée, j’ai vraiment hâte de voir comment c’est de sortir un album, parce que je ne l’ai jamais fait.
As-tu conçu ton album différemment de tes EP ?
J’ai fait en sorte que mes EP soient cohérents dans leur progression et leur esthétique mais c’était aussi souvent juste des morceaux faits au même moment. Ils étaient plus définis par une temporalité que par une recherche esthétique forte. J’avais vraiment envie que ça soit quelque chose de narratif et cohérent. Je suis beaucoup inspirée par le cinéma et les jeux vidéos : des œuvres artistiques qui ont un début, une fin, une écriture… Ce n’est même pas que j’avais envie c’est que je ne savais pas comment concevoir autrement un album que de manière narrative. Évidemment, il y a des choix qui ont été faits sur les morceaux qu’il fallait mettre dedans ou pas et sur l’ordre, les titres.
Comme ils sont instrumentaux, comment as-tu choisis les titres de tes morceaux ? Est-ce lié à des moments de vie, de composition ?
Le choix des titres est plutôt associé à ce que ça m’évoquait et ce qu’on m’en a rapporté quand j’ai fait écouter l’album à des gens. Il y a des prises d’intention et moi ce que j’avais envie de raconter. Les titres sont venus de manière tardive. Ils avaient d’autres titres avant, presque hors sujet. Je les nommai selon un moment de vie. Un titre avait le nom d’une ville dans Zelda, ou un film que j’avais adoré.
De tous tes projets, c’est le premier où tu es visible sur la pochette. Tu as l’impression de plus te révéler dans Hyper Opus ?
Pas plus que d’habitude en fait. J’ai toujours tout fait sur les albums sauf là, j’ai délégué quelques tâches, surtout techniques : la distribution, la promo… Il est moins personnel d’une certaine manière, sauf artistiquement, évidemment. Comme il y a plus de morceaux, on peut se donner plus de libertés pour mettre des trucs moins bangers, efficaces. Il y a donc quelques morceaux lents, ambient, sans rythme. Ça sert le propos narratif mais pas forcément l’utilité dansante. Donc oui, ça me ressemble plus dans le sens où j’ai plus été dans le spectre large de la musique que j’aime faire.
Quel est le meilleur moment pour écouter ton album ?
C’est une très bonne question ! Je pense qu’il est quand-même orienté club et dancefloor parce qu’on est sur des gros kicks, du four to the floor… Ce n’est pas de la petite électro dreamy tout le long. Mais ça peut être un truc de travail, ça peut aussi s’écouter en soirée, en apéro. Et évidemment en concert ! Il y a beaucoup de morceaux de l’album dans le live. C’est aussi un objet de danse et de club. J’ai l’outrecuidance de croire qu’il peut se prêter à plusieurs formats d’écoutes.
Tu as écumé les scènes françaises. Sens-tu la différence entre quand tu joues en club et en festival ?
Oui complètement, j’ai d’ailleurs deux lives différents. Il y a un live qui est le format concert, assez progressif. Il commence lent et termine rapide. J’essaye d’aspirer les gens qui ne sont pas forcément enclins à aimer la musique de club, j’essaye de les prendre avec moi dans le concert en les piégeant au début avec une musique douce. Et il y a un format plus techno, qui demande moins de matériel sur scène et qui est plus taillé pour le club. J’ai joué ce live à la Wet for Me par exemple, quand je joue très tard. J’ai pensé mon live pour qu’il soit efficace scéniquement. Je crois que je suis plus habituée aux scènes de festivals. C’est vrai que je viens du club mais j’en fais beaucoup moins depuis quelques années.
Est-ce un choix ?
Non, pas vraiment. C’est l’évolution du booking qui s’est fait comme ça. J’ai un tourneur qui est plus orienté scènes conventionnées, mainstream. Je joue plus en closing de soirées généralistes qu’en club. Ce n’est pas assez énervé pour faire du peak time d’une soirée techno.
Ça ne te manque pas de jouer davantage en club ?
Non, ça va. Des fois je me dis que je passe à côté de trucs vraiment cool. Il y a plein de collectifs super, qui se renouvellent tout le temps. J’aimerai bien jouer là, mais en même temps ils n’ont pas forcément de budget, les conditions d’accueil ne sont pas celles auxquelles je suis habituée. J’aime bien faire des trucs clubs mais je suis plus à l’aise dans le concert maintenant. C’est sûr que je vais plus toucher des gens qui me connaissent pas, mais c’est aussi le l’objectif principal du projet, d’aller conquérir un public avec ce nouvel album.
Tu pratiques beaucoup le remix, pour les autres ou les autres pour toi. C’est une façon de donner une seconde vie à certains morceaux ? Tu aimes ça ?
C’est très rare que je dise non quand on me demande un remix ! J’accepte même des remix non rémunérés parce que je suis extrêmement reconnaissante que des gens me proposent de travailler sur leur musique. Ça me flatte énormément ! Je trouve plus facile de travailler sur de la musique préexistante que de créer à partir de zéro. C’est à la fois plus créatif, de part la contrainte, et aussi plus challengeant. Il y a déjà une ligne directrice : il faut garder les voix, transcender le morceau. J’aime travailler la matière sonore.
J’aime également quand des artistes remix mes chansons mais je l’ai moins fait. On me propose moins [rires] ! L’exercice du remix se fait aussi souvent dans un cadre stratégique précis : pour donner une deuxième vie à un morceau ou proposer un extended. En général il y a une idée dernière. Je le fait quand ça s’y prête, quand c’est le moment. Pour mon album on va remixer certains titres. On les sortira à partir de décembre.
Y-a-t-il un.e artiste qu tu aimerais remixer ?
Très très bonne question ! J’aime beaucoup remixer des choses qui ne sont pas de l’électro. Par exemple, j’ai fait un remix d‘Aloïse Sauvage, c’était mon remix préféré à faire, j’ai adoré ! Je m’éclate plus si l’esthétique musicale est éloignée. Souvent quand un artiste de musique électronique m’envoie un morceau, je me demande ce que je vais faire de plus !
Par qui es-tu influencée ?
Je suis souvent inspirée par l’écoute d’une musique, mais ça ne veut pas forcément dire que j’ai envie de faire quelque chose qui ressemble. Ça va m’aider pour le processus créatif, me donner des idées. Je n’écoute pas tellement d’électro en dehors de mon travail : le digging de dj set, des artistes de co-plateaux… J’écoute beaucoup moins d’électro et de techno qu’avant. J’écoute beaucoup plus de musiques de tous horizons : musique de films, de jeux vidéos, d’artistes de trip-hop… Des choses très variées. Mes influences sont difficiles à pointer du doigt, je ne peux pas nommer mes artistes phares. Il y a quand-même des artistes français qui m’ont bercé, comme Chloé, Para One et Laurent Garnier, qui sont des monstres sacrés de notre patrimoine.
En écoutant leur musique, j’ai compris comment structurer, écrire une ligne de production etc. Il m’ont aidé sur les standards de musique électronique, comment est fait un morceau d’électro. Pour la musique de jeux vidéos, je pense que j’ai repris le côté épique. Les jeux vidéos des années 90 avec lesquels j’ai grandi avaient beaucoup de technos dans leur BO. Le côté épique de Zelda, les jeux rétros début de la Playstation dans lesquels tu as ce côté dance musique tout le temps ou alors les jeux et musiques plus ambient comme Minecraft, qui a une très belle écriture harmonique.
Te considères-tu comme une artiste engagée ?
Plutôt, oui. Engagée mais peut-être pas militante. Je me considère militante dans ma vie perso, mes convictions, ce que je trouve honteux de la part du gouvernement par exemple. Je suis militante dans mon vécu professionnel sur les questions de sexisme, de féminisme, de lgbtphobie mais je pense que mon approche artistique n’est pas forcément engagée dans la mesure où je ne fais pas de morceaux à textes. Mon propos engagé sur l’album reste assez consensuel, j’enfonce des portes ouvertes. Je parle de féminisme et d’écologie mais d’une manière hyper poétique, romancée. Je ne dis pas ACAB dans mes tracks. J’aime la musique comme un absolu, comme l’essence d’elle-même. Je considère que la musique n’a pas forcément à être engagée. Elle peut l’être et aussi ne pas l’être, ou l’être sans le dire. Être un·e artiste, concerné·e par des questions sociétales, de fait, ça fait de nous des artistes engagé·es.
Tu prends position, pas forcément via ta musique, mais plus grâce à tes réseaux, même si ce n’est qu’une story…
Oui, on pourrait dire que je suis une artiste engagée. J’attends d’être face à des situations dans lesquelles je devrais faire des choix et des sacrifices pour savoir si je suis réellement engagée au point que je pense l’être. C’est difficile de savoir comment on va réagir face à certaines situations. Je me dis par exemple, si on me propose une synchro mais pour une marque horrible, ça sera très bien payé mais avec une image de marque horrible. Comment tu continues d’être politisée quand tu as accepté des trucs comme ça ? En même temps, on a tous envie de mettre la daronne à l’abri. Je suis confrontée à des questionnements intérieurs.
Rien que de le dire sur ses réseaux c’est quelque chose…
À un certain niveau de célébrité, tu te mets forcément des gens à dos et tu mets en péril ta carrière. Je n’effacerai jamais mon féminisme derrière ma musique mais pour autant mon album ne s’appelle pas « Nique les hommes », il y a un juste milieu.
Quel est le message de ton album ?
Le message principal est l’éco-féminisme. C’est aussi beaucoup sur des angoisses post-apocalyptiques. Il y a pas mal de ça dans mes inspirations d’écriture. Je travaille sur cet album depuis avant le Covid, donc ça l’a beaucoup influencé. J’ai énormément remis en question mes choix de vie, mes préoccupations prioritaires, mes axes d’anxiété ont changé. J’adore l’univers du survival, j’aime ce côte anxiogène et addictif. Dans le clip de Sabularium, c’est ça la thématique. On est dans un univers post-apocalyptique et on va dans un cinéma, qui est en fait une fenêtre, un phénomène naturel très problématique se produit. Je n’en dis pas plus pour celleux qui n’ont pas vu le clip…
Quel est ton dernier coup de cœur musical ?
Très bonne question ! J’ai découvert au festival Dancing People Don’t Die un très jeune groupe qui s’appelle Par.sek. C’est électro, punk, musique à message, hyper hyper cool, j’ai adoré. Il y a un grand travail multiformats, c’est-à-dire qu’ils font de la vidéo en direct pendant le concert. Il y a des prods électroniques mais il y a aussi un bassiste sur scène. Le chanteur est ultra charismatique et très drôle. C’est un jeune groupe et je pense qu’ils peuvent avoir une belle carrière dans la musique underground. C’est très différent en live et studio, les deux sont super mais ce sont deux expériences différentes.