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« Avant la terreur » : Vincent Macaigne, tonitruant retour

Simon Gosselin

Absent des plateaux depuis 2017, Vincent Macaigne revient au théâtre avec une version explosive du Richard III de William Shakespeare. Un spectacle qui convainc surtout par ses belles images et ses moments d’émotion.

Depuis Je suis un pays  et Voilà ce que jamais je ne te dirai présentés aux Amandiers de Nanterre en 2017, Vincent Macaigne n’était pas revenu au théâtre. Il n’a pour autant pas quitté les plateaux. Durant six ans, le comédien et metteur en scène a animé plusieurs ateliers dans des écoles de théâtre. Ce travail a probablement servi à construire la nouvelle création qu’il présente jusqu’au 15 octobre à la MC93 de Bobigny. Avant la terreur est une version simplifiée de la pièce Richard III (1597) de Shakespeare. Macaigne y explore la destinée d’une famille auto-détruite par la quête du pouvoir et l’émergence d’une figure tyrannique et prête à tout.

Images époustouflantes 

Un plateau qui ressemble à un hôpital ou un abattoir désaffecté. Au sol, de la boue. Ou peut être est-ce du pétrole voire des matières fécales ? Qu’importe, le ton est donné. Nous sommes ici dans les coulisses sales et obscures de l’envers du pouvoir. Après le décès de son mari, Marguerite d’Anjou occupe le trône. Mais, son fils ainé assassiné, ses trois autres enfants aspirent à récupérer la couronne. Si sa fille Anne semble d’abord s’imposer, c’est finalement son fils Richard d’York qui triomphe. Atteint de plusieurs difformités physiques, aussi mal-aimé que sanguinaire et vicieux, le futur Richard III est l’archétype du despote corrompu. 

Pendant 2h30, cette conquête du pouvoir donne lieu à une série d’images et de scènes de plus en plus fortes. Le talent de Vincent Macaigne réside indubitablement dans sa capacité à produire des moments de théâtre époustouflants. Fumigènes, musique, lumières, absolument tout est mis au service de tableaux visuellement épatants – y compris parfois le public. 

L’engagement physique et vocal quasi ininterrompu des acteurs permet d’enchainer les séquences de bravoure, drôles ou émouvantes. On retient notamment le monologue d’Anne de Lancastre (interprétée par Pauline Lorillard) ou la scène du meurtre du fils d’Anne (ce soir-là interprété de manière impressionnante par le jeune Max Baissette de Malglaive). Bien que davantage tenue dans sa forme (et sa durée) que les précédentes créations du metteur en scène, ce nouveau spectacle parvient à demeurer une expérience théâtrale d’une intensité rare. 

Avant la terreur - Vincent Macaigne
Christophe Berlet

Parabole politique peu convaincante 

La où le spectacle pèche, c’est sur le fond. Ce Richard est finalement peu terrifiant. Il semble trop appartenir au registre du théâtre pour interpeller le public qui le regarde en 2023. À la différence de ce qu’un Sylvain Creuzevault peut faire, Vincent Macaigne ne parvient pas à dresser une parabole politique vraiment intéressante. Les références à l’actualité sont si superficielles qu’on peine d’ailleurs à croire que le projet a un jour pu être de se servir de cette pièce pour parler de la société contemporaine.

Dans son propos, ce Richard III est donc moins intéressant que ceux proposés par Thomas Ostermeier (2015) ou Ivo Van Hove (Kings of war, 2015). Ces derniers avaient également pour eux d’être incarnés par deux des plus grands comédiens européens, respectivement Lars Eidinger et Hans Kesting. Si Pascal Rénéric ne démérite pas, le fait que son Richard apparaisse avant tout comme un enfant soucieux de plaire à sa mère l’empêche de donner toute l’ampleur nécessaire à son personnage. La naïveté de certaines choix de dramaturgie – notamment la mise en avant de l’enfance comme seul salut – ne convainc pas non plus. L’ensemble, parfois confus, est parfois difficile à suivre. 

De ce tumulte généralisé, le public ressort un peu lessivé, comme souvent dans les spectacles de Vincent Macaigne. Fasciné aussi, par une telle énergie créatrice, un tel engagement collectif. Tout le monde n’aura pas tout compris ou tout aimé. Mais c’est une pièce sur un monde qui s’effondre sur lui-même dont on ne sort pas déprimé. Alors que nombre de récits contemporains s’avèrent apocalyptiques et anxiogènes, il faut probablement savoir apprécier cette fable aussi bordélique que jubilatoire. 

Avant la terreur de Vincent Macaigne d’après Richard III de William Shakespeare. Jusqu’au 15 octobre à la MC93 de Bobigny puis en tournée. Durée : 2h30 sans entracte. Tarifs : 9-30€. 

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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