Les vingt ans du festival Rock En Seine ont été fêtés comme il fallait les 23, 25, 26 et 27 août dernier. Maze vous propose de revenir sur cet événement qui marque la rentrée des classes.
En tout 144 000 festivaliers ont foulé le sol du parc de Saint-Cloud pendant ces quatre jours. De la musique, des performances visuelles, allant des têtes d’affiches aux artistes émergents, nous ont bouleversés. Le mercredi, Billie Eilish était évidemment la plus attendue de la soirée mais d’autres stars étaient présentes. La suédoise Tove Lo a livré un show coloré et rappelé qu’elle ne se réduit pas qu’à son tube « Habits ». Son dernier album Dirt Femme marque son indépendance artistique et sa volonté de s’affranchir de tous code.
Ensuite, Girl in Red, déjà passée par Rock en Seine en 2019 a cette fois joué sur la grande scène devant un public conquis. Devenue une véritable icône lesbienne, la musicienne norvégienne a enchainé les titres pop et rock avec une facilité déconcertante. Rien ne l’empêchait de sauter et de courir partout, même pas sa migraine persistante.
Clou de la soirée, Billie n’a pas fait attendre ses fans. Devant un public jeune, la superstar américaine a su varier les ambiances et les morceaux tirés de ses différents albums. Malgré une évidente dissonance cognitive quand on est une artiste de sa taille, le message « Pas de musique sur une planète morte » diffusé en français et anglais sur écran géant a fait son effet.
À seulement trois sur scène, Billie, son frère et un batteur se sont accaparés tout l’espace Ils ont livré une prestation grandiose dans laquelle la scénographie était à la hauteur, entre clips et courts métrages d’animation. Le final ? Du jamais vu. Tout simplement un feu d’artifice tiré derrière la Grande Scène sur l’explosion sonore qu’est « Happier Than Ever », faisant presque passer « bad guy » pour une chanson secondaire. Tout le monde a été conquis et est rentré chez soi avec des étoiles dans les yeux et les oreilles.
Une suite électrique
Nous avons commencé la journée avec Turnstile. Influence Green Day en plus punkcore, le groupe de Baltimore nous a directement renvoyé en adolescence avec des riffs de guitares diablement efficaces.
Très attendus, les suédois de Viagra Boys ont donné le change. Emmené par un chanteur éminemment charismatique et des musiciens de haut vol, le groupe a eu droit à un nombre de pogos jouissifs.
Arrivait enfin le moment de Boygenius ! Le collectif des trois plus grandes songwriters du moment, Phoebe Bridgers, Julien Baker et Lucy Dacus ont occupé la Grande Scène pendant une petite heure qui a paru hors du temps. Rock et ballades folk, amour et sororité, le concert était beau et grandiose. Puis, il a fallu choisir entre Flavien Berger et Silly Boy Blue. Notre choix s’est porté sur l’amoureuse de l’amour. Ana Benabdelkarim a livré un show plein d’énergie dans lequel chaque chanson évoque un aspect de l’amour, que ce soit la rupture, la rencontre, la relation etc.
Le soleil se couche et Christine and The Queens monte sur scène. Métamorphosé en bête de scène, théâtrale et dramatique, le chanteur a exclusivement joué son dernier album, Paranoia, Angels, True Love. Excellent musicalement, le show était millimétré. Parfois influencé par l’entêtement sonore d’Archive ou la grandiloquence scénique d’un groupe comme Muse, Christine and The Queens trace son propre sillon, dorénavant accompagné des archanges, qu’il invoque tout au long du show. La scène était d’ailleurs transformée en salle de musée : statues antique et escaliers de marbre rendant l’ambiance imposante.
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Au tour d’Avalon Emerson & The Charm, le projet scénique de la productrice californienne du même nom. Musicalement inclassable, les trois artistes sur scène nous ont fait voyager dans un univers onirique, douce house dreampop. On s’attarde devant Placebo mais seule la nostalgie nous tient quelques chansons. On termine plutôt la soirée avec le set techno-house de Romy, ancienne voix de The XX qui sortira son album le 8 septembre.
Le retour du samedi
On démarre la journée avec l’énergie débordante de Uzi Freyja ! La jeune rappeuse écrase vos rappeurs préférés et veut en découdre. Sur la Grande Scène, Altin Gün met en marche son groove solaire, parfait pour s’échauffer pour une journée bien remplie. Ensuite, l’Impératrice prend place sur les lieux et le groove ne fait que changer de mains !
Sur la scène Cascade, après les morceaux rap electro pop de la musicienne israélienne Noga Erez, c’est au tour de Tamino de nous envouter de ses notes rock teintées de sonorités orientales. Passant de la guitare électrique, à la guitare sèche puis au oud, Tamino laisse sans voix son auditoire qui le regarde avec admiration pour ses envolées lyriques célestes. Accompagné de son groupe, le concert est tantôt acoustique tantôt électro. Une fois de plus, Tamino nous a pris par les sentiments et nous ressortons de ce concert ébahis, comme si nous venions d’assister à une apparition divine.
Florence + the Machine étant remplacé pour cause d’opération, c’est Cypress Hill qui déroule son hip-hop old school pendant plus d’une heure. Porté par un album excellent sorti l’année dernière, les new-yorkais de Yeah Yeah Yeahs investissent la scène Cascade vers 20h40. C’est la claque. À la manière d’une drag queen, Karen O fait une entrée en grandes pompes : les morceaux s’enchaînent. On comprend bien à voir les trois ami.e.s s’amuser sur scène, entre eux et avec le public, que le groupe à une vingtaine d’année de carrière derrière lui. La bonne humeur du batteur Brian Chase, les solos endiablés de Nick Zinner et la présence scénique de Karen O ont fait de ce moment un des meilleurs concerts du Rock en Seine édition 2023.
Les Chemical Brothers était la tête d’affiche du samedi soir et personne n’a été déçu. Même de très loin, les effets visuels et lumineux des deux stars de l’électro internationale ont fait mouche. Deux robots de plusieurs mètres de haut ont été amenés sur scène : la démesure était de mise et a été un succès. Pour finir, Charlotte de Witte a conquis la quasi-totalité du festival avec une techno acide et entêtante.
Un dernier jour clivant
Le dimanche se tenait le concert de Snail Mail. Après un premier album sensation sorti en 2018, la guitariste et chanteuse américaine s’est rapidement imposée comme une figure guitaristique importante. Elle a livré un concert simple et efficace. L’heure tourne et les The Murder Capital arrivent sur la scène Cascade. Dans la lignée de Fontaines D.C., les dublinois ont livré un concert exceptionnel. Les cinq membres du groupe ont un flow légendaire et une énergie impressionnante. Il est évident qu’ils se connaissent et aiment ces moments sur scène, ensemble. Dans la foule, les pogos s’enchaînent avec une bienveillance rassurante tandis que le chanteur du groupe harangue le public sur fond de riffs saturés endiablés.
Sur la grande scène c’est l’euphorie punk du jour : celle des Australiens d’Amyl & The Sniffers, emmené par l’ouragan Amy Taylor qui pendant une heure jure, crie, saute, fait des bras et arpente la scène comme s’il s’agissait de son jardin. On est conquis par l’attitude rebelle, pendant un temps. Mais n’en ferait-elle pas un peu trop ? Moins verbal, moins déchaîné (quoique), on (re)découvre, à l’entrée du site, le trio hip-hop Ecossais Young Fathers. Très empruntés sur scène, les membres déroulent leur répertoire dont quelques chansons de leur dernier album Heavy Heavy, dévoilé plus tôt dans l’année.
Foals est, comme Girl In Red, passé de la Scène Cascade à la Grande Scène en une édition.
Avec un dernier album plus funk on pouvait craindre que le groupe britannique se serait calmé (dans le mauvais sens du terme) mais loin de là. Les guitares crient toujours, les pogos sont légions et l’alternance entre les ambiances rock, indie pop et funk fait de ce concert un des meilleurs du festival.
Les Wet Leg passent à la trappe afin d’avoir une place de choix pour les rois de la soirée : les Strokes. Que dire ! Les problèmes techniques se sont enchainés pendant le concert des stars new-yorkaises : les écrans s’éteignent à plusieurs reprises pendant que des problèmes de micro et de son massacrent les tubes que la foule attendait depuis plusieurs heures. Pour ne rien arranger, Julian Casablancas tente un piètre one man show pour cacher (ou non) sa non-envie d’être ici et ses acolytes ne savent plus quoi faire si ce n’est limiter la casse en embrayant sur le morceau suivant. Certains diront que les Strokes c’est une nonchalance assumée et revendiquée, mais on on attendait plus d’un groupe qui n’est pas passé en France depuis plusieurs années et que beaucoup voyaient pour la première fois.
On retiendra néanmoins les frissons sur « Reptilia » et « Adults Are Talking » en live, hymnes de plus d’une génération. Cette édition 2023 aura tout de même été un très beau cru, malgré un mauvais concert de fermeture (mémorable).