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Rencontre avec Galo DC : « La musique que je fais parle au corps »

Galo DC
© Thibault Leveque

En juin dernier, le chanteur Galo DC nous offrait un superbe troisième EP, Jardin. Alors qu’il joue autant des sonorités pop que de sa flûte – son instrument depuis l’enfance – les six titres de ce nouvel opus nous transportent et nous invitent à danser. Rencontre.

 Jardin est ton troisième EP.  Peux-tu parler de sa genèse ? 

J’ai réalisé l’EP d’avant, Images du réel, pendant le confinement. On devait se débrouiller pour faire de la musique sans concerts. L’ idée était de sortir des sons régulièrement, pour avoir quelque chose alors qu’il ne se passait plus rien. Et en même temps, ça me donnait une ligne directrice. Alors que pour Jardin, j’ai vraiment bossé en pensant à un disque, à un objet de six morceaux avec davantage d’unité. Je me suis entouré d’une équipe artistique qui commence à être stable avec Julien Briffaz et Jean-Baptiste Soulard. À la base, je viens de l’anglais et le projet Galo DC correspond au moment où je me suis mis à chanter en français et où j’ai essayé de faire de la pop, mais avec un son un peu plus groove, sur des thèmes qui correspondent à ma vie et dans lesquels je peux me retrouver. J’ai creusé au niveau de l’écriture pour aller vers des textes plus imagés. J’avais commencé à développer ça sur l’EP d’avant. Mais là, il y avait quelque chose de plus concret et moins métaphorique.

Dans ton écriture, on ressent que tes textes sont ancrés géographiquement. Tu as le sentiment d’inscrire tes histoires dans des lieux ?

C’est marrant que ça ressorte et tant mieux, car je n’ai pas essayé de développer cet aspect dans celui-ci. Il y a un titre qui s’appelle « Rome » mais en même temps, c’est basé sur l’image. Je trouve que c’est important pour l’auditeur. J’aime bien qu’on me parle de lieu, ça me projette en tant que spectateur. Je pense que j’ai un peu ça en tant qu’auteur aussi. 

Il y un autre aspect qui ancre celle ou celui qui t’écoute, c’est la danse. Que ce soit dans le rythme, les arrangements ou l’univers de tes clip. D’ailleurs, le mot « danse » est cité dans tous tes morceaux. C’est un appel à danser ? 

Le rapport au corps, c’est un vrai truc. C’est quelque chose que j’essaie de développer par la musique. Dans les textes, je ne me rendais pas compte que c’était si présent. Et en même temps, c’est assez logique. Il y a la chanson « Alice danse » évidemment. La musique que je fais parle au corps. Souvent, sur la pop, ou sur la chanson, c’est quelque chose qui me manque. C’est pour ça que je n’en écoute pas beaucoup. Je trouve que c’est toujours un peu gentil et sautillant. Je veux essayer d’avoir ce que j’ai avec ma culture hip-hop ou rock aussi. Ce n’est pas de la danse, mais ça parle au corps et ça donne envie de bouger. Je viens de cette scène-là. J’ai chanté pour des groupes de hardcore. Finalement, j’ai cherché un son un peu plus groove et électro. C’est très ténu et ça va un peu chercher des choses. Je parlais de « La Colline » tout à l’heure, c’est un genre de tango et en même temps, je ne voulais pas que ce soit un tango. Mais il y a dans les arrangements cet aspect organique. 

C’est important pour toi de décloisonner les genres musicaux ?  

Non. Ce n’est pas si important. Je ne me pose pas la question comme ça. Je ne me dis pas que je vais décloisonner les genres musicaux. D’ailleurs, quand on se pose la question, c’est souvent raté. Je fais de la musique. Au tout début du projet, mon écriture était influencée par le rap. Il y a une liberté de ton que l’on n’a pas forcément dans la chanson. Le problème, c’est qu’entre temps, il y a eu toute cette scène de « pop rappeurs » qui ne sont ni l’un ni l’autre. Ça me rappelle un peu le jazz fusion des années 80. Ce n’était ni du bon jazz, ni du bon rock. Ça ne veut pas dire que ça n’amène pas des trucs intéressants a posteriori, mais moi ça ne me parle pas trop. On construit petit à petit son style. Je suis dans un format pop et dans ce format, je trouve ça intéressant d’aller pousser d’autres styles, mais que ça ne sonne pas comme un amalgame de trucs différents.  

Tu envisages plutôt de trouver ton identité musicale à travers les influences qui te construisent ?

Quand tu es artiste puis longtemps, tu as le sentiment qu’il y a une chose qui te ressemble fortement. Mais ce n’est pas comme ça que ça se passe. Dans le milieu, on a tendance à parler de projet. C’est un peu bizarre, mais ça a du sens parce que c’est plutôt creuser un sillon. Je ne sais pas si c’est exactement moi, mais c’est vraiment essayer d’aller trouver ce qui définit cette musique que je suis en train de faire. Il y a un truc un peu mélancolique dans les textes et ce côté dansant. J’ai raccordé les deux. Je fais de la mélancolie dansante ou de la danse mélancolique qui parle un peu aux tripes. Je sais que j’ai une partie de moi qui est ultra énervée et une autre qui est plus jazz.  

Tu disais que tu avais commencé à écrire en français pour Galo DC. Est-ce que c’est plus facile que l’anglais pour toi ?

Pour moi, c’est plus difficile en français. On est plus exigeant. En anglais, on a vite tendance à se cacher derrière la langue et à ne pas aller creuser au fond de ce qu’on veut dire, car ça permet aussi d’être ultra mélodique. J’aime bien les groupes français qui chantent en anglais parce que souvent, ils vont avoir quelque chose de beaucoup plus musical. C’est le problème aussi de cette nouvelle pop qui se met sur du rap. Ils réalisent des prods puis derrière, ils vont essayer de placer leur voix, mais il n’y a pas d’objet final. Le fait d’être passé par l’anglais me permet de garder le côté musical d’abord. J’essaie de garder ce côté un peu direct de l’anglais, de ne pas perdre une simplicité et une musicalité dans les mots. J’ai l’impression que je suis en train de critiquer toute la pop actuelle, mais ce n’est pas du tout le cas. J’en écoute beaucoup. Au niveau de l’écriture, Flavien Berger, a son truc à lui avec ses thèmes. Il laisse de la place à l’auditeur et a des images très fortes tout en racontant des choses personnelles. C’est le cas de Muddy Monk aussi. 

Quand tu composes, comment tu travailles ? Est-ce que ce sont les textes qui te viennent en premier ?

C’est toujours la musique avant. En anglais, on travaille en faisant du yaourt. J’ai trouvé ma façon de faire du yaourt français. C’est-à-dire une sorte de son francisé avec des mots qui sortent. Et à partir de là, ça m’a permis de voir les mots émerger. Quand j’ai la musique, j’ai pour ainsi dire presque toute la mélodie. Parfois, je peux être hyper efficace sur les textes alors que d’autres morceaux vont me prendre plus de temps. Et ça m’arrive de reprendre la musique par rapport au texte pour ne pas perdre le sens. Mais je n’écris jamais sans musique.  

Et comment la pratique musicale est arrivée dans ta vie ?

Je fais de la flûte traversière depuis tout petit. J’ai commencé vers 5 ans. J’étais fou de flûte, j’en faisais une heure par jour. Et en même temps, j’écrivais des chansons parce que j’en ai toujours écouté beaucoup chez mes parents. Je faisais des concerts dans la cour de mon école primaire. Dès qu’il y a eu la possibilité de faire de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur, ndlr), j’ai commencé à caler des sons. Je ne me suis pas vu faire une carrière en classique. Je ne sais pas si j’aurais eu le niveau. J’ai fait un peu de jazz et puis, j’ai continué à faire de la musique à côté dans des groupes de rock. La musique a toujours été là. C’est une évidence. 

Est-ce que tu as l’impression de travailler ta voix comme un instrument dans tes compositions que ce soit par les chœurs ou les boucles ? 

On parlait de danse. J’ai fait de la danse contemporaine. Ça m’a permis de lier la musique et le rapport au corps. Dans la danse, j’aime bien questionner et faire de l’expérimentation. Mais en même temps, je trouve ça dommage de passer à côté d’une certaine virtuosité. Je ne suis pas du tout virtuose de la voix, mais en termes de chanson, j’ai envie que ça chante. La voix ne doit pas être posée sur une instrumentation. C’est un peu nouveau pour moi. Ça fait longtemps que je fais de la musique, mais dans ce projet, je suis chanteur. Ce que les autres perçoivent sur scène, c’est le chant. J’ai investi de plus en plus cette place en termes de performance au-delà de la création.

 Et la flûte est toujours très présente dans tes compositions. Tu ne te vois pas l’abandonner ? 

Je ne me dis pas que je vais caler de la flûte, mais quand je compose ou quand je fais des arrangements, je pense plus facilement la musique avec ma flûte, en tant que support de composition. La flûte, c’est vraiment l’instrument qui est le plus proche de la voix en termes de tessiture. Donc il y a quelque chose qui coule parfois sur les morceaux. Ce qui pose aussi parfois des problèmes sur scène parce que ce n’est pas évident de chanter en même temps que tu joues de la flûte (rires). Mais c’est l’instrument le plus naturel pour moi, d’où l’intérêt de faire de la musique jeune. J’ai moins ça avec la guitare. Je pense que je joue mieux de la flûte que je ne chante. 

Dans ton EP mais aussi sur scène, on ressent une vraie générosité, comme un plaisir enfantin à faire de la musique. C’est quelque chose qui te parle ? 

Si c’est ça qui ressort, c’est super, car c’est vraiment la base. Et on peut avoir tendance à le perdre à certains moments. Il faut que ce soit un plaisir communicatif. Ça ne veut pas dire que c’est joyeux tout le temps. On peut être déprimé et ça nous fait plaisir d’écouter la chanson la plus triste de Radiohead. Il y a un plaisir à créer. On fabrique un petit objet via la chanson, mais via l’image aussi. Là, je bosse avec le photographe Thibaut Lévêque et je ne l’aurais jamais rencontré si je ne faisais pas de la musique pop. C’est toujours compliqué, mais c’est beau de se dire qu’il y a plein de gens qui ont bossé sur ce projet. On fait tous un peu des EP, car sortir des disques aujourd’hui sans un vrai accompagnement sur la sortie ça fait beaucoup de morceaux qui passent à la trappe. Mais je ne pense pas l’EP comme un petit album, mais comme un bel objet fini.

Pour toi ce ne sont pas forcément des étapes de carrière, les EP et les albums ? 

Non. Est-ce que je ne les vois pas comme ça ? Ou est-ce qu’il s’avère que ça n’a pas de sens de faire les choses autrement ? Ce sont peut-être un peu les deux. Mais dans la création, c’est stimulant de partir de contraintes. Peut-être qu’à un moment donné si j’ai trois mois pour faire un album ça aura moins de sens. C’est toujours rigolo ce rapport aux disques, mais là, c’est extérieur. Il y a tellement de gens qui font de la musique que si un album sort, il y a plus d’investissements. 

Tu te vois continuer à prendre ton temps pour créer ? 

Il faut faire avec les contraintes que l’on a. J’ai monté un label et je vais essayer de signer d’autres artistes. Il y a des choses que je sais faire pour moi et ça peut être bien de les faire pour d’autres. C’est beaucoup plus confortable de ne pas le faire pour soi. L’argent, c’est surtout du temps. Il faut rester ouvert. Là, c’est déjà super d’avoir une organisation qui me permet de faire des disques et des concerts. Si j’ai le confort un jour de faire plus que ça, ce sera très bien. Si ça n’arrive jamais ce serait dommage de m’empêcher de faire de la musique.

Question bonus : Est-ce que «  Tout a un sens  » ? 

Bien sûr. Même cet interview. 

Galo DC sera en concert au Point Éphémère le 8 décembre 2023.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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