LITTÉRATURE

« Songes habitables » – Des scansions oniriques

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© maelstrÖm Editions

Songes habitables est le premier recueil de Théo Plantefol, publié aux éditions maelstrÖm reEvolution en juin 2023. Dans un style au rythme soutenu et riche en images poétiques, l’auteur déploie sa vision aiguisée d’un monde tout en tensions et fourmillant de signes.

Qu’il s’agisse de cris de lutte, d’hommages amoureux, de tableaux mouvants ou d’appels au rêve, chaque texte témoigne de l’ardeur du jeune poète, tour à tour révolté, joueur, énigmatique, reconnaissant, et résolument du côté de l’espérance. La préface de Serge Pey nous aiguille déjà sur un éventuel lien de filiation entre les deux poètes toulousains, mais le travail stylistique de Théo Plantefol nous le rappelle avec la même évidence : ses poèmes sont propices à la scansion.

Un petit livres pour des grandes scènes

Si le recueil ne fait qu’une cinquantaine de pages, c’est qu’il se veut accessible, comme tous les livres de la collection bookleg, pensés pour la scène. Les poètes y font généralement une sélection de textes qui se prêtent à la déclamation publique. Théo Plantefol joue très bien le jeu  : la structure et le rythme de ses poèmes leur confèrent une certaine puissance sonore. La mise en voix nous apparaît comme une évidence dès les premières lectures  : les vers sont courts, les textes aérés, les figures de répétitions fréquentes. L’on a presque envie de tout lire à voix haute, contaminé par le caractère d’urgence que revêt ce souffle poétique.

De nombreux poèmes sont écrits sous forme d’adresse, autant universelle que particulière, ce qui participe à nous impliquer davantage dans leur lecture ou leur écoute. De même avec la récurrence de leitmotivs qui raccrochent sans cesse notre attention. Le poète semble avoir quelque chose d’important à nous dire. Il adopte volontairement une posture d’insistance, comme le ferait un bon rhétoricien lors d’un débat. Mais ce n’est pas une idée qu’il vient marteler dans nos esprits : ce sont des appels à voir, des rêves, des questions.

Le monde fait signe

Les images poétiques de Théo Plantefol convoquent les éléments naturels dans une danse des signes. Ses descriptions impossibles conjuguent le monde au présent de l’infini… Pour le dire autrement : « Nous yeux traversent tous les ans / Trois cent soixante cinq paysages / Multiplié par deux / Car il existe deux types de paysages / Ceux que l’on a vécu et ceux que l’on rêve. » Le rêve change la vie, au même titre que les expériences réelles. C’est ce que nous disent ces poèmes qui regardent le monde à travers un prisme onirique mais non déformant. Au contraire, c’est un regard qui affûte le regard.

Et il arrive aussi que le langage éclate sous la pression du sens. Certains poèmes comportent des jeux typographiques – peut-être pour parler des limites de la langue, ou pour nous inviter à lire entre les lignes ? Si quelques textes ont un aspect énigmatique, ils nous incitent à chercher nous même les clefs, à nous mettre en alerte à notre tour. Il s’agit tout simplement, comme le dit Serge Pey dans la préface, de « percer le mystère de la vie », de décrypter un monde qui ne se livre pas sans détours. Un monde que le poète voit souffrir, et qui ne souffre que la vision du poète.

Songes habitables de Théo Plantefol, éditions maelstrÖm reEvolution, 56p., 3€

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