L’artiste Katinka Bock présente l’exposition Silver au CRAC de Sète. Dans ses œuvres, elle évoque le rapport du corps à la matière, les effets de la lumière mais aussi la suspension et la fragilité.
Les cheveux grisonnant avec l’âge, la patine du métal, la photographie argentique sont autant de sens que l’artiste associe au mot « silver ». Les sels d’argent, quand ils entrent en contact avec le révélateur, font apparaître l’image photographique latente dans le processus de développement. Aussi, la rencontre se trouve au cœur du travail de Katinka Bock, que ce soit dans ses photographies ou dans ses sculptures, où elle met en scène la confrontation entre des éléments. Porosité, échange, circulation. Son regard saisit et poétise les bordures et les lisières.
Épreuve de délicatesse, cette œuvre travaille tact et précision. Les formes évoquent un geste qui pense. L’association des matériaux est faite avec soin. La création offre au regard l’espace pour circuler. L’attention aux textures des matériaux, à leur couleur, aspect et plasticité font de ces surfaces une manière visuelle d’évoquer le contact. Il y a aussi les peaux, la peau des images, la chair qui croûte, la pelure d’une orange, les carcasses métalliques et les morceaux de cuir.
Avancer sur le fil
A l’occasion de cette exposition, l’artiste a réalisé le film Silver (2023) avec une caméra super 8. Sans aucune narration, elle fait s’enchaîner les plans. Dans la presqu’île, des mains jettent à l’eau citrons et pommes qui flottent à la surface, d’autres pressent fermement une boule de glace qui fond peu à peu. Un doigt trace une forme dans le sable aussi vite recouverte par la langue de mer. Des silhouettes déambulent, chaussettes blanches remontées jusqu’aux mollets. Elles circulent sur les bords. En funambules, les jambes avancent sur la crête des rochers, dont la ligne se superpose à celle de l’horizon. Endroit périlleux mais aussi riche d’être un, entre ciel et mer.
Katinka Bock capte aussi les lieux de jonctions comme les articulations que sont les genoux de cet être qui s’est égratigné, la naissance des cheveux qui dessine une ligne sur le pourtour de l’oreille et de la nuque ou encore une frise réalisée à partir de carreaux de céramique émaillée verte qui fait se rejoindre deux salles de l’exposition.
Une image occulte le soleil. Une sculpture lévite dans l’air. Une tige d’aloe vera vole au vent. L’apesanteur défie, un temps, les lois de la gravité. Les matières qu’elle choisit et modèle, se font un peu plus légères. Elle invite le flottement. Les formes se font labiles. Elles s’érodent. Les ombres et les reflets troublent le rapport chose, forme, lumière. On pense à cette image d’une bouée en plastique vert qui inscrit son ombre colorée sur le sable.
Façonner l’espace
Cuir, bronze, céramique et bois sont les éléments du vocabulaire matériel des sculptures que l’artiste présente. Elles sont souvent suspendues au côté de toiles monochromatiques de couleur pistache ou violette.
Peut-elle déplacer les matériaux, les hisser, les plier, les souder ensemble ? La sculpture est, pour elle, une construction à échelle humaine. Elle pense les formes à venir à partir du corps comme unité de mesure. L’oeuvre Horizontal Alphabet (2016) est constitué de plusieurs briques en grès qui ont pour taille de référence les mains et les pieds d’anonymes. Pensés pour entrer en dialogue avec les corps qui les visitent, ces volumes sont accessibles et potentiellement palpables.
Katinka Bock s’attache aussi à décontextualiser des objets du quotidien comme les ustensiles de cuisine ou les instruments de coiffure. Une géante fourchette en bois est crantée sur son bord. Une cuillère traverse une des cimaises du lieu. Opérant par abstraction, l’artiste compose des lignes simples pour retrouver la littéralité d’une présence. Elle capture des fragments de corps, géométrise les circulations, fait léviter les sculptures. Une manière de faire du volume de l’exposition un lieu du commun où s’imbriquent vides et pleins, images et statues, art et humanité.
Exposition « Silver » de Katinka Bock, Centre Régional d’Art Contemporain, 26 Quai Aspirant Herber, 34200 Sète. Jusqu’au 7 janvier 2024. Contact au 04 67 74 94 37 ou crac@laregion.fr. Horaires : tous les jours de 12h30 à 19h, le week-end de 14h à 19h (fermé le mardi).