CINÉMA

« Le Principal » – La soif de la réussite

Le principal © Malgosia Abramowska/Why Not Productions
Le principal © Malgosia Abramowska/Why Not Productions

Dans Le Principal, Chad Chenouga filme le point de vue de Sabri, principal d’un collège de banlieue. Il est irréprochable et talentueux. Il a réussi. Qu’en est-il de son fils ? Jusqu’où ira-t-il par peur de le voir échouer ?

Le nouveau long-métrage de Chad Chenouga s’intéresse à la vie de Sabri, interprété par Roschdy Zem. Sabri est principal adjoint d’un collège de banlieue dans lequel son propre fils est élève, et sa femme professeure. Tout au long du film, le spectateur rentre dans la tête du personnage principal dont la caméra suit tous les faits et gestes. On comprend la difficulté que représente le poste de principal dans un collège. Les collègues de travail sont durs. Pourtant, son comportement est irréprochable. Roschdy Zem garde une posture, qu’elle soit au collège ou en famille, froide et droite.

Le film fonctionne en crescendo. Sabri paraît d’abord presque antipathique aux yeux du spectateur, avant de, petit à petit, commencer à le toucher. L’entourage du personnage principal joue un rôle fort dans cette histoire. Le frère (Hedi Bouchenafa) est atteint d’une fragilité mentale et Sabri le protège. Dans une scène, on les retrouve sur la tombe de leur mère à jouer à « ni oui ni non ». On ressent la nostalgie d’une enfance simple et légère. Le spectateur vit avec le fils de Sabri, Naël (Jibril Bhira), son stress à cause de la pression continue qu’exerce son père sur lui. Il veut qu’il réussisse. On devine que Sabri est sorti de sa cité d’origine en connaissant une ascension sociale. La lourdeur de ce personnage est accentuée par sa relation avec sa femme. Ils sont séparés. Au collège, lorsqu’ils se croisent, les échanges sont froids.

© Malgosia Abramowska/Why Not Productions

Face à la déception

La froideur du personnage et de ses relations est entrecoupée par des instants magiques, des lectures de romans entre Sabri et Estelle (Yolande Moreau). Ces envolées lyriques rendent poétique des scènes du quotidien ; un repas entres collègues, un week-end de repos au spa… Estelle est un personnage tendre, romanesque et admiratif de Sabri. Enfin, jusqu’à ce qu’elle découvre ce qu’il a fait. Car Chad Chenouga filme l’histoire d’un mensonge. Par honte de l’échec de son fils au brevet, Sabri va tricher. Le spectateur le voit pris au piège de sa fraude, de son angoisse à l’idée de perdre un poste qu’il a tant convoité.

Scène après scène, le réalisateur filme au plus près un Roschdy Zem très convaincant. Son égarement prend alors de plus en plus de place. Il est pris dans un tourbillon d’ennuis et n’est aidé par personne. Chad Chenouga met en évidence ce genre de sentiments par un jeu de son et d’images. Le principal, confiant, cultivé, travailleur devient d’un coup un homme perdu, seul, terrifié. Avec Le Principal, le réalisateur parle de la méritocratie, de la difficulté d’intégration et de la peur de tout perdre, du jour au lendemain. Sabri paiera les erreurs qu’il a commises, notamment le fait de privilégier sa place à celle de son fils. À la fin, la mise en scène n’est pas tragique, elle parle cependant de solitude.

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