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Rencontre avec Silly Boy Blue : « J’ai fait cet album comme si c’était mon dernier »

Crédit photo : Elisa Villard

Après Breakup Songs, Silly Boy Blue continue d’exploiter sa thématique favorite : l’amour. Avec Eternal Lover, Ana utilise ses propres expériences comme prétexte pour nous parler du sentiment amoureux.

Nommée aux Victoires de la Musique l’année dernière après une tournée nationale, Silly Boy Blue est de retour avec un album plus pop et introspectif que jamais. L’artiste nantaise met en musique les différents états que provoque l’amour à travers des histoires personnelles et des mélodies accrocheuses. Maze a pu rencontrer la principale intéressée pour qu’elle nous parle de son album et de ce qu’il dit d’elle. Allergiques au love s’abstenir !

Salut Silly ! Ton nouvel album sort aujourd’hui, comment te sens-tu ?

Je ne sais pas ! J’ai tellement fait de rétention avec cet album ! Mes meilleurs copines ont découvert le nom de l’album seulement quelques jours avant l’annonce de sa sortie ! C’était tellement mon enfant. Pour le premier j’étais excitée, j’avais plein d’idées et pour celui-là j’ai tellement mis tout mon amour et mon cerveau dedans que je n’arrive pas trop à réaliser. Quand les gens l’ont écouté et m’en parlent je ne comprends pas ! Pourquoi vous l’avez écouté ? C’est mon album à moi ! J’ai tellement bossé dessus !

Ton nom vient d’une d’une chanson de David Bowie. Pourquoi avoir choisi celle-ci ?

J’ai hésité un moment avec « Major Tom »mais à la place je me le suis fait tatouer. C’était moins engageant. Enfin sauf pour ma mère… [rires] J’aimais bien cette période-là de Bowie. C’est au tout début, il n’est pas connu mais tu sens déjà qu’il a du potentiel. J’aime trop cette chanson, elle aurait pu être écrite à la fin de sa carrière tellement elle est mature, belle mais personne ne s’en est aperçu parce que c’était au tout début. J’avais aussi envie qu’il y ait un truc semi-planqué parce que si tu cherches d’où vient Silly Boy Blue tu peux le trouver mais tu peux aussi ne pas le trouver. Alors que si je m’étais appelée « Let’s Dance », c’est plus évident… J’aimais bien avoir ce totem avec moi tout le temps sans que ce soit le seul truc dont on me parle. Et puis j’aime bien qu’il le chante, parfois j’ai l’impression qu’il me parle à moi alors qu’il ne m’a jamais connu…

Les concerts ont repris, comment ça s’est passé ?

On a joué quasiment que des nouveaux morceaux ! On est en train de terminer les détails de scénographie, j’ai super hâte de la tournée ! 

Tu passeras par Rock en Seine fin août, pas trop stressée ?

Non ça va ! Ça sera la deuxième fois que j’y jouerai, j’avais fait une scène découverte avant les Cure, en 2019. C’était trop cool donc là j’y retourne.

Dans ce bien nommé Eternal Lover, tu parles beaucoup de relations, de tes ex. Est-ce un sujet aussi central dans ta vie que dans tes chansons ?

Oui. Si je parle autant d’amour c’est que j’aime énormément ça. C’est si vaste qu’il y a tellement de choses à vivre et à faire donc c’est forcément une grosse partie de ma vie.

On sent bien dans ta musique les différentes émotions par lesquelles tu es traversée : la colère sur «  Hate Forever », la tristesse sur «  Hopeless » et «  Stalker », le bonheur sur « Widow Dreams Forever » et «  Another Love Story ». Tu voulais représenter en musique les différents états liés à l’amour ?

Oui. Dans mon premier album il y avait quelque chose de très immédiat, beaucoup de mélancolie, de tristesse et de colère aussi. Pour cet album, la manière de l’écrire était plus apaisée. Je suis plus grande aussi, je suis plus âgée et je sais donc mieux mettre des mots sur mes sentiments. J’avais envie de enfin parler de tout ce que peut représenter l’amour. Tout ce que ça peut apporter, les meilleurs choses comme les pires et j’avais vraiment envie qu’il y est tout ça dans l’album, qu’il soit complet.

La chanson « Try  » est beaucoup plus électronique et détonne par rapport aux autres. C’était voulu ?

Oui ! J’avais envie de mettre plein de choses. Même « I Don’t Look When I Cry » j’avais envie de faire un morceau que à la voix. C’était un rêve que j’avais depuis que j’ai 14 ans. Cet album, je le prends un peu comme si c’était mon dernier, même si j’espère que ce n’est pas le cas. J’avais envie de mettre toutes les facettes de ce que j’aime et de ce que je suis. Il y a des matins où j’écoute Bon Iver, puis Taylor Swift, ensuite j’écoute Lady Gaga, et Nirvana, puis Coolio, après j’écoute IAM… Je voulais qu’il y ait tout ce que j’ai envie de faire dans la musique comme si c’était le dernier. Demain, si le musique n’a plus le droit d’exister, j’aurai fait tout ce que je voulais faire : aussi bien des morceaux énervés que des trucs joyeux, des piano-voix que des cordes. Pas de regret.

La tracklist est très bien pensée aussi…

Ça me fait super plaisir que tu dises ça parce qu’on a vachement galéré sur le tracklist. Il y avait des choix qui me tenaient vraiment à cœur dans la cohérence. J’avais envie que « Try  » et « Hate Forever  » se répondent un peu. Le but était que la face B commence avec « Hopeless », qu’elle soit au milieu de l’album, en guise de renouveau. On a vraiment pris du temps pour faire ça donc je suis contente que ça ait du sens.

Peux-tu nous raconter l’histoire de «  Not A Friend »  ?

J’ai écrit cette chanson sur une personne avec qui je suis sortie et qui disait qu’on était ami·es alors que quand tu vas te balader au Père Lachaise main dans la main, tu n’es pas ami·e. Quand tu te fais des bisous et que tu dors l’un chez l’autre, c’est plein d’autres choses mais ce n’est pas être ami·es. Du coup, j’ai écrit une chansons la-dessus et à ce moment-là on parlait avec Ex Relou, le compte Instagram. Je leur avait envoyé un screen d’un autre ex qui était drôle et on était resté en contact. On a réfléchi à comment faire un truc, expliquer le « un an plus tard » pour que les gens comprennent. C’est trop cool de faire une collaboration sur un morceau que j’aime autant et qui marche aussi bien avec ce qu’ils racontent tous les jours sur leur compte. On s’est trop marré à faire ça !

Et l’ex en question t’a répondu ?

Non, il m’a bloqué, je ne sais même pas s’il a vu le post Instagram…  Sa copine aussi m’a bloqué d’ailleurs ! C’est pas grave, ça date maintenant ! On a modifié la temporalité pour que la personne ne soit pas identifiable mais je n’ai pas de honte, j’ai été tout à fait honnête.

Tu parles de stalker sur le titre éponyme… Quelle est la chose la plus folle que tu aies faite par amour ou après un chagrin d’amour ?

Je vais répondre un truc qui n’est pas le plus fou parce que j’ai un peu un passif de zinzin [rires] ! Déjà, écrire un album sur un ex, bichette le pauvre ! Je n’ai jamais eu de nouvelles de lui, j’espère qu’il va bien. Tu restes un an avec une personne et après elle chante « The Fight » à la télévision pendant des années [rires] ! La chose la plus folle que j’ai faite par amour mais qui puisse se raconter en interview… J’ai fait un truc qui m’a paru romantique sur le coup mais j’étais au lycée. C’est un ex avec qui je suis en très bon terme, c’est le seul d’ailleurs… [rires] C’est un peu cringe mais c’est pas grave ! C’est mignon en vrai, ça va. Après qu’il m’ait quitté, j’avais accroché à son arrêt de bus une photo de nous deux, dans un cœur, avec écrit « je sais que tu vas passer un examen et je voulais te souhaiter bonne chance ». Je suis contente parce qu’on est en bons termes et c’est un « bon ex » ! Mais ça a mis du temps parce que c’était au lycée. Attends j’ai une meilleure idée en fait : ma meilleure rencontre amoureuse ! J’ai rencontré un ex en écrivant des mots à nos fenêtres d’immeubles. C’était en plein centre ville, il jouait de la guitare et je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’ai écrit « BRAVO ! ». J’ai encore les mots ! On a parlé pendant deux semaines comme ça par pancartes interposées, et après on s’est donné nos numéros. On a eu une relation après pendant 6 mois. C’est dommage parce que c’était une rencontre extraordinaire pour une relation tout à fait médiocre.

La pochette rappelle un peu la méduse, ou un aspect robotique… Quelle était l’idée derrière ?

J’ai fait confiance à Pierre et Gilles sur ce coup-là. Ils avaient les paroles, ils ont écouté l’album et j’ai trouvé super belle la manière avec laquelle ils l’ont interprété. Des roses mais noires, quelque chose de très sombre mais en même temps des gouttes rouges, le cœur avec les serpents qui s’en échappent comme si c’était toute les histoires d’amour… Moitié icône, moitié très sombre. J’ai trouvé qu’ils avaient visé très juste.

Tu ne leur avais pas donné de ligne directrice ? 

Non, aucune. On a discuté tous les trois pendant une après-midi, de ce que voulait dire l’album, de ce que j’aimais etc. Je voulais leur faire confiance à fond et ils m’ont cerné à 2000 %. Bravo à eux pour ça.

Comment t’es venue l’idée du double-clip ?

J’avais envie que ces morceaux, qui ne seraient jamais liés parce que trop loin l’un de l’autre dans l’album, se retrouvent d’une façon ou d’une autre. Pour moi ils n’avaient pas de cohérence séparés. Dans le clip, je détruis la pièce sur tout ce qui s’est passé avant et on avance. C’était risqué mais je suis très contente du résultat. Je voulais que pour une fois le clip ne serve pas juste à illustrer un morceau, que ça raconte vraiment une histoire, comme un mini-film. Il y a tellement de gens que j’aime trop qui ont fait ça ! Lorde par exemple. J’aime beaucoup qu’il y ait une histoire complète, tu as l’impression de regarder un film.

Il y a aussi les clips qui se suivent mais uniquement si on le veut…

Oui mais c’est dur à suivre, encore plus si tu arrives en cours de route… On avait fait ça sur trois clips avec Pégase [son ancien groupe]. J’aimais bien mais c’était trop dur à suivre pour les gens, ils avaient déjà vu vingt clips entre… J’avais envie de faire un truc intégral cette fois.

Avec Raphaël de Pégase justement, vous êtes encore en contact ?

On est toujours en contact. On avait reparlé de potentiellement refaire de la musique quand j’ai fini mon premier album et j’avais trouvé que c’était une super idée ! Mais il y a eu la tournée, les Victoires de la Musique et maintenant c’est compliqué de revenir. Je sais aussi que Raphaël aime autant écrire que j’aime écrire : comment fait-on pour que chacun·e trouve sa place, pour que les egos marchent ? Quand j’ai rencontré Raphaël j’avais 18 ans, maintenant j’en ai 27, j’ai vachement changé. Est-ce que j’accepterai que quelqu’un me dise « viens chanter sur mes morceaux » ? Je pense que ce n’est pas possible… J’étais aussi vachement moins éduquée au féminisme. Maintenant, je n’accepterai absolument pas d’être interprète de quelque chose qu’un homme a écrit, sur lequel je n’ai forcément pas le même vécu, pas le même ressenti… Mais on est en très bons termes et je suis trop contente de le voir sortir des morceaux et de les écouter. Je pense qu’on est à des moments particuliers de nos vies. Peut-être qu’un jour on refera des la musique ensemble mais pour l’instant c’est un peu compliqué.

Quel est ton dernier coup de cœur musical ?

Il y en a deux, un connu et un pas connu. Je suis absolument en boucle sur le dernier album de Caroline Polachek, que j’aime de tout mon cœur, que je trouve fantastique. Parallèle avec quelqu’un de pas connu, un mec qui a déjà bossé avec elle et qui s’appelle Nomak. C’est un producteur a sorti un EP l’an dernier, Hypernormality. Je l’écoute tout le temps. Il a fait un film de 15 minutes sur cet EP de 4 morceaux. Maintenant on est devenus copains. On a voulu travailler ensemble sur mon album mais on n’a pas réussi. Il sait que je l’écoute en boucle et qu’il sera sans doute dans mon top Spotify 2023 [rires] parce que je suis en obsession dessus ! C’est absolument magnifique.

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