QUINZAINE DES CINÉASTES – Le Sud, son ciel bleu, les reflet azurés de la mer… autant d’ingrédients qui font la recette de L’Autre Laurens – qui n’a pourtant rien d’un film de vacances. Le dernier film de Claude Schmitz est un polar made in Pyrénées orientales, dont les touches d’humour et de gravité prennent forme dans une mise en scène maitrisée.
Gabriel Laurens (Olivier Rabourdin), la cinquantaine, est détective privé, et fauché, à Bruxelles. Spécialiste des « affaires de mœurs », Gabriel est un type passe partout, ni « sale » ni « mauvais ». Le décès de son frère jumeau, X, va pourtant bientôt venir agiter son quotidien. Ou plutôt la fille de ce dernier. Car c’est bien Jade (Louise Leroy), qui, un soir, vient chercher son oncle pour enquêter sur les circonstances de la mort de son père. Pour la jeune femme, sa sortie de route n’a rien d’accidentel.
Asymétrie fraternelle
Bon gré, malgré, le détective se trouve embarqué sur les routes du sud de la France, à la frontière espagnole, sur les terres de son frangin. La caractérisation du disparu est jouée en deux ou trois plans : une villa aux allures de Maison blanche, des chemises soie scintillantes, du marbre, du marbre et encore du marbre. L’autre Laurens avait le goût de la démesure et savait le montrer.

A première vue, Gabriel semble donc être le négatif d’un frère exhibant tous les signes distinctifs de « réussite sociale ». Seulement, en bons scénaristes, Claude Schmitz et Kostia Testut travaillent de près cette asymétrie initiale, un peu trop grossière pour être vraie. C’est le personnage de Jade qui devient alors l’axe autour duquel s’agence cette symétrie. La jeune femme endeuillée – qu’incarne Louise Leroy à la perfection – n’en perd pas pour autant son fort caractère et remettra Gabriel à sa place à plusieurs reprises.
D’ailleurs, L’Autre Laurens met en scène une galerie de personnages archétypiques pour le moins savoureux. Car Claude Schmitz ne s’embarrasse pas de l’esprit de sérieux du film à enquête. L’Autre Laurens n’est jamais loin de la série B – sans jamais pour autant s’y résigner – et cultive un goût certain pour le mélange des genres. Ainsi, d’une séquence particulièrement délicieuse dans laquelle le duo de flics chargés de garder un œil sur les agissements de Gabriel et Jade, se trouve embarqué dans une discussion loufoque, le tout dans un plan en contre plongée, mi-kitsch, mi-sublime.
Dans l’établi
C’est que Claude Schmitz sait soigner ses cadres pour en faire de véritables compositions. A l’image, Florian Berutti fait des merveilles, et éclaire chaque plan d’une lumière qui donne à L’Autre Laurens des airs de polar des années 70… ou de western… ou de film d’extraterrestres…
On l’aura compris, le réalisateur fabrique son film à même une matière très hétérogène, comme un véritable artisan du cinéma. C’est pourquoi, bien qu’un peu lente, la première partie n’en reste pas moins passionnante. Claude Schmitz se risque à prendre le temps de construire une situation plan par plan, quitte à laisser son spectateur perplexe pendant une petite heure.



Formellement et narrativement pourtant très différent, L’Autre Laurens résonne ainsi avec un autre film, déjà sélectionné à la Quinzaine l’an passé, La Montagne de Thomas Salvador. Deux films artisanaux où l’on perçoit derrière chaque plan, la présence d’un cinéaste au travail.
Avec L’Autre Laurens, Claude Schmitz prend l’idée du cinéma comme art de synthèse au pied de la lettre. D’un genre et d’un frère à l’autre, le réalisateur manœuvre avec maitrise. Pour notre plus grand plaisir.